All Chapters of L'amante invisible du PDG: Chapter 21 - Chapter 30

La nuit avait cette couleur ambivalente qui transforme les tours de verre en miroirs d’encre. Dans les étages, la lumière se raréfiait, se resserrait sur quelques îlots obstinés : des écrans oubliés, une veilleuse de sécurité, la ligne rouge d’un détecteur. Tout le reste se dissolvait dans une pénombre douce, respirante, où chaque bruit semblait poser une main sur l’épaule.Mila poussa la porte de la salle des archives. Le souffle tiède du système d’aération y brassait une odeur de papier, de carton et de poussière propre, ce parfum de mémoire qui calme et inquiète tout à la fois. Elle passa la paume sur le bord d’une boîte, chassa des grains invisibles, puis laissa ses doigts s’attarder — geste sans objet, manière de retarder l’instant où elle devrait choisir : appeler, ou se taire.Elle avait encore le dossier noir en tête. Pas le contenu, qu’elle avait refermé avec une rigueur presque superstitieuse, mais ce qu’il avait réveillé : un poids sourd, une diagonale d’empathie qu’elle ne

Le matin s’ouvrit sur la tour Reyford comme une machine parfaitement huilée.Les ascenseurs montaient et descendaient dans un rythme métronomique, les portiques clignotaient au passage des badges, les talons claquaient sur le marbre du hall. Tout semblait conforme, identique à la veille, identique à l’avant-veille.Tout, sauf Alec.Dans son bureau du vingt-septième étage, il se tenait debout derrière la vitre panoramique, les bras croisés. Sa chemise, impeccable, retenait à peine la tension de ses épaules. Ses yeux gris fixaient les gratte-ciels voisins, mais son esprit dérivait loin de la géométrie parfaite des façades.Il n’entendait pas la ville.Il n’entendait qu’elle.Sa voix.Elle s’était infiltrée dans ses pensées comme une mélodie obsédante. Le genre de refrain qui s’imprime sans qu’on l’ait choisi, qui resurgit entre deux phrases de contrat, qui se superpose aux présentations PowerPoint, qui brouille les statistiques. Une voix basse, feutrée, parfois ironique. Cette façon de

La tour Reyford s’était vidée depuis longtemps. Les ascenseurs, silencieux, attendaient comme des sentinelles immobiles. Mila errait dans les couloirs, un dossier pressé contre sa poitrine comme un alibi. Mais ce n’était pas un rapport qu’elle portait vraiment. C’était un mot. Un simple morceau de papier plié en deux, griffonné à la hâte, qu’elle hésitait encore à déposer.Ses doigts tremblaient autour de la feuille. Les mots qu’elle avait écrits lui semblaient à la fois puérils et dangereux. Une phrase à double sens, une phrase qui pouvait être lue par n’importe qui, mais qui, pour lui, résonnerait autrement."La nuit garde ce que le jour oublie."Rien d’autre. Pas de signature. Pas de repère. Mais pour elle, c’était déjà un aveu, presque une mise en péril.Mila s’arrêta devant la salle de reprographie. Son cœur battait fort, trop fort. Le téléphone interne, posé sur le coin du meuble, paraissait briller dans la pénombre comme une invitation. Elle aurait pu composer son numéro, enten

La nuit s’était installée sur la tour Reyford, englobant les vitres comme une mer obscure. Les lumières de la ville palpitaient en contrebas, mais là-haut, tout semblait suspendu. Alec se tenait immobile, adossé à son bureau, le combiné du téléphone interne pressé contre son oreille.— « Ce soir… je veux vous demander quelque chose. »Sa voix était basse, volontairement maîtrisée, mais elle portait cette vibration contenue qu’elle avait appris à reconnaître. Celle d’un homme qui cherche à franchir une limite qu’il n’a pas encore osé nommer.Mila inspira doucement, ses doigts crispés sur le combiné dans la salle de reprographie. Elle savait déjà que cette nuit ne ressemblerait pas aux autres.— « Je vous écoute. »Un silence suivit, long, presque insupportable. Elle crut entendre le froissement de sa chemise, un pas discret sur le tapis. Puis :— « Venez. Entrez dans mon bureau. »Mila sentit son cœur s’arrêter.— « Quoi ? » Sa voix était plus aiguë qu’elle ne l’aurait voulu.— « Pas p

La matinée s’annonçait ordinaire, mais Alec le savait déjà : plus rien ne l’était. Depuis des jours, chaque geste de la routine semblait infiltré par un écho venu de la nuit. Une voix. Un parfum. Un détail qui refusait de mourir avec l’aube.La salle de réunion s’était vidée depuis peu. Il restait encore des traces de café froid, des dossiers entrouverts, et cette sensation de silence forcé qu’il haïssait. Il enleva sa veste, se leva, fit quelques pas vers la baie vitrée.De là, il voyait l’atrium. Des silhouettes passaient en bas : employés pressés, costumes gris, jupes droites, talons qui claquent. L’anonymat incarné. Mais son regard, comme aimanté, cherchait toujours un détail. Une démarche, une nuance, une ombre.Et soudain, il crut la voir.De dos, une femme avançait avec un chariot d’archives. Cheveux relevés en chignon simple, chemisier pâle, jupe sobre. Rien d’extraordinaire. Rien… sauf que son pas avait ce rythme qu’il connaissait. Une légèreté tendue, comme si chaque foulée