Semua Bab L'ÉTREINTE DES TÉNÈBRES: Bab 11 - Bab 20

AnyaLe temps, dans le manoir, n'est plus une ligne. C'est une spirale, un tourbillon lent où les mêmes motifs de poussière et de lumière se répètent, toujours identiques, toujours imperceptiblement différents. Le chant de la pierre est devenu l'arrière-fond constant de mon existence, une mélodie tellurique qui a absorbé le drame de Lysander et le mien, les réduisant à l'état de simples variations dans son thème infini.Je ne mesure plus les jours. Je mesure les phases du chant. Il y a des moments où il est un bourdonnement profond, presque soporifique, et d'autres où il s'intensifie en un crépitement complexe, comme si le manoir se remémorait un événement particulier, une joie ou une peine ancienne enfouie dans ses fondations.Lysander et moi, nous sommes devenus des fantômes l'un pour l'autre, non par hostilité, mais par épuisement. Notre guerre est finie. Il n'y a plus rien à conquérir, plus rien à défendre. Nous partageons le même espace, la même musique de fond, le même naufrage.

AnyaLa victoire est un poison. Le silence qui suit le départ des hommes est lourd, chargé d'une tension nouvelle. Le manoir n'est plus un sanctuaire ; c'est une forteresse assiégée qui attend le prochain assaut. Le chant de la pierre a perdu sa sérénité tellurique. Il est devenu une pulsation guerrière, un battement de cœur trop rapide dans la poitrine de la terre.Lysander est partout à la fois. Je le sens dans le froid qui s'est installé de façon permanente, un hiver spectral qui givre l'intérieur des vitres. Je le sens dans les ombres qui s'épaississent, devenant presque solides au coin de l'œil. Sa présence n'est plus une simple conscience ; c'est une armée en attente. Il puise dans les fondations, dans les souvenirs de douleur et de colère accumulés depuis des siècles. L'énergie qu'il déploie est titanesque, épuisante même pour lui.Moi, je suis son sentinelle. Je parcours les couloirs, une ombre parmi les ombres. Mes doigts effleurent les murs, cherchant les vibrations, écoutan

AnyaLa victoire a un goût de cendre et de fer froid. Le silence qui règne après la bataille n’est pas paisible. Il est lourd, chargé d’une énergie brute et instable. Le manoir a goûté au conflit, au pouvoir déchaîné, et il en redemande. Les pierres vibrent d’une fébrilité nouvelle, un ressac agité là où régnait une pulsation tellurique constante.Lysander est méconnaissable. La retenue, la froideur calculée qui le caractérisaient ont été balayées par le déluge de puissance. Il est devenu une tempête figée, une entité de pur triomphe et de domination. Sa présence ne se contente plus d’habiter le manoir ; elle le possède avec une intensité brutale. Les ombres sont plus denses, le froid plus coupant. Les rares meubles qui restaient intacts se brisent parfois sous l’effet d’une pression invisible. C’est l’ivresse du vainqueur, et elle est dangereuse.Moi, je suis un réceptacle. Je sens son exultation déferler en moi, un torrent noir qui menace de m’emporter. La partie de moi qui était An

AnyaL'ancre du souvenir de Gabriel ne tient pas. Elle ne peut pas tenir. Le poids des siècles est une marée de plomb, et ma petite histoire d'amour n'est qu'un fétu de paille à sa surface. Les voix reviennent, plus insistantes, plus fusionnelles. Éloïse, l'architecte, le fils pendu, et des dizaines d'autres, moins distincts mais tout aussi présents. Leurs émitions deviennent mes humeurs, leurs pensées mes réflexes. Je me surprends à marmonner des prières oubliées, à calculer mentalement la charge que peut supporter une poutre, à frissonner d'une peur qui n'est pas la mienne.Je ne vis plus. Je suis vécue.Lysander est un spectre de lui-même. Il erre, présence fantomatique même pour les standards des fantômes. Son arrogance a été brisée sur le roc de l'insignifiance. Il a compris qu'il n'était pas le héros tragique de sa propre légende, mais un simple chapitre, particulièrement flamboyant et égocentrique, dans une chronique bien plus vaste. Il me regarde parfois, et dans ce qui reste

AnyaLa visite du descendant a agi comme une goutte d’eau pure dans un océan de poison. La note claire de son souvenir résonne encore en moi, créant une harmonie inattendue avec le silence entre les notes que je chéris. Pendant un temps, les voix semblent se calmer, non par soumission, mais par respect. Même Lysander observe une trêve, son amertume tempérée par la stupéfaction.Mais la paix, ici, n’est qu’un leurre. Un adagio avant le final.Le changement commence de manière presque imperceptible. Un frisson dans la pierre qui n’est pas le chant habituel. Une vibration trop basse, trop profonde, comme si la terre elle-même gémissait. Les oiseaux, qui avaient timidement recolonisé le parc, se taisent d’un coup. Un silence de plomb s’abat, plus absolu que tout ce que j’ai connu.Je suis dans la buanderie, ancrée dans mon rôle de réceptacle, quand la première secousse arrive.Ce n’est pas un tremblement. C’est un spasme. Le sol se dérobe sous mes pieds pendant une seconde, et un craqueme