B Madron

Marqué à jamais par l'abandon de sa mère à l'âge de deux ans et la perte rapide de son père, Alexandre a bâti sa vie sur un socle de solitude et de rancœur. Vingt-cinq années se sont écoulées, et la haine qu'il voue à cette femme, qu'il appelle "Renarde", s'est étendue à toutes les femmes. Lorsqu'il retrouve enfin sa trace, la vie de Julienne – veuve, mère d'une autre enfant et confrontée à des difficultés financières – est loin de l'image qu'il s'en était faite. Pourtant, une seule idée l'obsède : la faire payer pour son absence. Et une idée malsaine qui bouleversera sa vie à jamais le vient à l’esprit

Il y a neuf ans, Magali Dupont avait rencontré Gobert Leroy pour la première fois — un seul regard avait scellé son destin. Il y a trois ans, elle avait épousé Gobert Leroy, croyant pouvoir passer sa vie entière à ses côtés, unis pour toujours. Durant ces trois années, elle l’avait chéri comme un trésor, s’était abaissée, s’était effacée, ne cherchant qu’à réchauffer son cœur et devenir la femme qu’il aimerait plus que tout. Cependant... Certains cœurs restent froids quoi qu’on fasse, et certains yeux ne voient que leur bien-aimée. Trois ans plus tard, Magali avait découvert qu'elle était enceinte, et le même jour, la bien-aimée de Gobert, Clara Legrand, avait annoncé également sa grossesse en grande pompe. Magali avait donc demandé à Gobert ce qu'elle devait faire si elle était enceinte. Gobert lui avait répondu sèchement: « Avorte. » Elle lui avait demandé à nouveau : « Clara est aussi enceinte, veux-tu la faire avorter également ? » Gobert lui avait répondu que quand sa bien-aimée accoucherait, cet enfant serait le premier petit-enfant de la famille des Leroy ! Déçue et désespérée, Magali s'était résolue à divorcer ! Gobert avait déchiré la convention de divorce, avait plaqué Magali contre la porte et lui avait articulé chaque mot lentement : « Tu es ma femme. Tu le resteras. À vie ! » Magali lui avait intenté un procès, et avant qu'elle ne puisse attendre le jugement de divorce, elle avait été percutée par une voiture et avait failli faire une fausse couche. Pour sauver son bébé, elle avait dissimulé sa grossesse… et avait disparu. À son retour, Gobert était venu la confronter : « Magali Dupont, tu m’as volé mon fils. Il est temps qu’on règle nos comptes ! »

La nuit de ma première transformation, à dix-huit ans, mes deux frères aînés ont emmené à la maison une Oméga orpheline de douze ans. Mon frère Alpha s'est emparé de la précieuse herbe médicinale pour laquelle j'avais dépensé toutes mes économies : des herbes censées apaiser la douleur de ma première transformation, et les lui a données à elle, à la place. « Tu es assez forte, » a-t-il grogné, « tu n'as pas besoin d'herbes aussi précieuses. » Mon frère Bêta a rugi de colère, en pointant la porte du doigt. « Dehors ! Et ne reviens pas ! » Sans un mot, j'ai pris mon sac, déjà prêt, et je suis partie. Ils pensaient que je faisais juste un caprice, que je reviendrais au bout de quelques jours. Libérés de ma présence, mes frères ont emmené la petite orpheline en vacances à l'étranger, sur les îles des Caraïbes : celles dont j'avais toujours rêvé. De nombreux jours plus tard, lorsqu'ils sont revenus à la meute, ils ont été stupéfaits d'apprendre que j'avais accepté un poste du Chef Guérisseur de la meute voisine. Le poste exigeait quinze années de recherches isolées sur les plantes médicinales. Je ne pouvais plus jamais rentrer chez moi. Cette nuit-là, ils se sont effondrés.

Mon petit ami a été diagnostiqué avec un cancer et a besoin d'une greffe de foie. En apprenant que mon groupe sanguin et le sien étaient compatibles, je n'ai pas hésité une seconde à lui donner les deux tiers de mon foie. Après l'opération, je souffrais énormément, mais dès que j'ai repris connaissance, je suis allée immédiatement voir comment il allait. Cependant, devant la porte de sa chambre, j'ai entendu cette conversation impitoyable avec son ami : « Clovis, tu es un génie, c'est incroyable d'avoir imaginé une telle vengeance. » Clovis a ri : « Je ne voulais pas faire de vagues, j'aurais même envisagé de lui faire donner un de ses reins. C'est son juste retour. C'est de sa faute si Victoria a échoué à son examen et a dû partir étudier à l'étranger. Je vais couper les ponts avec Bélise dès que Victoria rentrera, dans un mois. »

J'ai été infectée par l'aconit lunaire, une maladie chronique, et j'ai fait face à la mort. Mais le seul antidote, la Panacée rouge, a été acheté par mon compagnon Léo et offert à ma demi-sœur Jeanne, simplement parce qu'il pensait que je faisais semblant d'être malade. J'ai abandonné le traitement conservateur et avalé des analgésiques puissants. Le prix à payer : ils me tueraient en trois jours, en faisant atrophier mes organes. Durant ces trois jours, j'ai tout abandonné : Quand j'ai offert ma filature, bâtie de mes propres mains, à Jeanne, mes parents m'ont félicitée : « Enfin, Viviane sait aimer sa sœur. » Quand j'ai proposé à Léo de rompre notre lien, il a souri : « Tu deviens enfin compréhensive. » Quand j'ai ordonné à mon fils d'appeler Jeanne « Maman », le petit a ri : « Jeanne est la plus gentille du monde ! » Lorsque j'ai transféré toutes mes économies à Jeanne, personne n'a perçu l'anormalité. Ils ont simplement hoché la tête, satisfaits : « Viviane n'est plus aussi mauvaise qu'avant. » Mais après ma mort, regretteraient-ils leurs actions ?