Ils marchaient depuis l’aube, les corps fatigués, les esprits marqués par ce qu’ils avaient vu dans les marais. La terre elle-même semblait retenir son souffle. Chaque pas les éloignait du cœur des ombres… pour un temps.Le soleil s’éteignait lentement à l’horizon quand Luna leva les yeux et murmura :— C’est ici.Devant eux s’étendait une clairière bordée de grands arbres aux troncs dorés. Au centre, une petite maison bâtie en pierre moussue et en bois ancien. Un toit arrondi, des lanternes suspendues aux poutres, et l’odeur réconfortante du feu de cheminée flottait dans l’air.Kael sourit pour la première fois depuis des jours.— Il est encore là…— Qui ? demanda Drakos, méfiant.— Le vieux Maelor. Gardien des récits. Ancien mage du cercle de la Lune. Il m’a appris à lire les signes quand j’étais enfant.Luna inspira profondément.— Et il m’a bercée quand ma mère est morte.Elle frappa doucement à la porte.Quelques secondes plus tard, elle s’ouvrit avec un grincement familier.Un v
L’aube n’avait pas encore percé la brume que Luna se tenait déjà prête.Dans la salle des départs, au cœur du palais, les torches vacillaient, projetant sur les murs des ombres plus vivantes que la pierre. Elle portait une cape d’un bleu profond, ourlée de runes anciennes, et à sa ceinture pendait une dague en argent offerte par les Anciens — une dague qui n’avait pas vu la lumière depuis cent ans.Kael attendait déjà, le visage fermé, les yeux cernés par les nuits sans sommeil passées dans la crypte. Il avait l’air d’un mage en fin de cycle, mais dans son regard brûlait une résolution farouche. Drakos, lui, arrivait à grands pas, sa silhouette massive emplissant le couloir comme une vague en pleine mer. Il ne portait aucune armure. Juste sa force, son instinct, et son lien indestructible avec Luna.— Vous êtes sûrs ? demanda Kael, la voix grave. Si nous quittons le palais maintenant, elle en profitera. Elle attaquera l’intérieur.— Elle l’attaquera de toute façon, répondit Luna sans
Les lunes sœurs brillaient haut dans le ciel, blafardes et silencieuses. Dans le cœur du palais, une tension invisible rampait entre les colonnes, se faufilait sous les portes, grattait à l’âme des plus sensibles. La menace du Noir n’était plus une légende : elle vivait. Elle murmurait. Elle regardait.Et Luna la sentait.Assise dans son bureau, entourée de parchemins anciens, elle observait les symboles gravés par Kael plus tôt dans la crypte. Le cercle de protection avait été activé. La crypte des Larmes, ouverte. Une énergie ancienne pulsait dans les pierres mêmes du palais.— Il y a une faille quelque part, dit-elle à voix haute.Drakos, adossé au mur, croisait les bras. Ses yeux étaient sombres, concentrés.— Tu crois que Kael a laissé une porte ouverte ?— Non. Il est prudent. Mais… quelqu’un d’autre l’a peut-être fait à sa place.Comme une réponse à ses mots, une onde de magie s’éleva dans l’air. Un frisson qui parcourut les murs. Une pulsation sourde, venue d’en dessous.Drako
Le vent soufflait en longues plaintes dans les couloirs du palais, caressant les vitraux de la salle royale comme des doigts fantomatiques cherchant à entrer. Luna, accoudée au balcon de pierre, observait l’horizon. L’ombre que Drakos avait vue la veille ne quittait plus ses pensées.Elle connaissait ces légendes. Les espions du Noir n’étaient pas de simples éclaireurs. Ils étaient les messagers d’un mal plus ancien, plus profond, venu d’un temps où les clans se déchiraient sous la bannière des ténèbres. Si l’un d’eux rôdait vraiment autour du palais… alors ce n’était que le début.Derrière elle, les pas lourds de Drakos résonnèrent doucement sur le sol de marbre. Il s’approcha et enroula ses bras puissants autour de sa taille.— Tu n’as pas fermé l’œil, souffla-t-il contre sa nuque.— Comment veux-tu que je dorme, alors que quelqu’un ou quelque chose nous observe peut-être encore ? Quelqu’un qui me veut morte ?Il resserra son étreinte, comme pour lui insuffler sa force.— Tu es en s
Le palais respirait un calme rare.Un de ces silences précieux, fragiles, où même le vent semblait marcher sur la pointe des pieds. Les lourds rideaux de velours filtrant les rayons du matin donnaient à la chambre royale une teinte d’ambre chaude et moelleuse. Sur les draps froissés, le souffle d’un sommeil paisible s’échappait lentement.Luna ouvrit les yeux en premier.Elle mit un moment à se rappeler où elle était. Non pas parce qu’elle l’avait oublié… mais parce qu’elle n’était plus en état d’alerte. Son corps, d’ordinaire tendu comme un arc, était détendu. Ancré. Et c’était nouveau.Ses doigts effleurèrent le torse nu de Drakos, étendu à côté d’elle, encore endormi. Sa peau était chaude, solide, son rythme cardiaque profond. Elle s’y laissa porter quelques secondes, savourant la simplicité de cet instant.Il grogna dans son sommeil, puis ouvrit un œil.— Tu me fixes comme si j’étais ton territoire, murmura-t-il, la voix encore grave du sommeil.— Je vérifiais juste si tu respirai
Le vent avait changé.Ce n’était plus celui de la guerre ni des doutes, ni même celui des décisions lourdes de conséquences. C’était un vent tiède, paresseux, qui glissait à travers les balcons ouverts du palais, charriant des parfums de pierre chauffée, de lierre sauvage… et de repos mérité.Enfin.Luna était rentrée.Et pour la première fois depuis des lunes, le monde semblait s’être calmé autour d’elle. Pas un hurlement dans la nuit. Pas un appel d’urgence du Conseil. Pas une ombre au détour d’un couloir. Juste le silence. Le vrai. Celui des maisons paisibles et des cœurs fatigués mais en paix.Elle se tenait dans les appartements royaux, pieds nus sur le sol froid, un verre à la main, et le regard perdu au-delà de la grande baie vitrée. Le palais, vaste et majestueux, ne grondait plus. Et pourtant, c’était elle qui grondait, doucement, sous la surface.— Tu fais cette tête-là quand tu veux mordre quelqu’un ou quand t’as trop pensé.La voix rauque la fit sourire. Drakos, torse nu,