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Chapitre 2 — La bouche de la mer

Penulis: L'invincible
last update Terakhir Diperbarui: 2025-06-29 23:41:24

Aya

Mon ventre se serre.

Je serre mon sac.

Ma robe rouge est là. Intouchée. Je ne la mettrai pas ici. Pas maintenant.

On nous entasse dans une tente.

Les femmes d’un côté. Les hommes de l’autre.

Pas de toilettes. Pas de savon.

Juste des corps. Et l’odeur.

Forte. Humide. Humaine.

Une fille vomit. Une autre pleure. Une autre se masturbe en silence, les yeux ouverts.

Je ne sais pas laquelle me fait le plus peur.

La nuit tombe.

On n’a pas mangé. Juste bu un peu d’eau croupie.

Un des gardiens entre. Il est jeune. Trop beau pour ce décor.

Il me regarde. Moi.

– Toi. Viens.

Il ne crie pas. Il choisit.

Je me lève. Parce que les autres baissent la tête. Parce que personne ne proteste.

Parce que c’est ça, ou être prise plus tard, quand on est à terre, déjà fêlée.

Je le suis.

Il m’emmène dans un abri. Il ferme la porte.

Il ne me frappe pas. Il ne parle pas.

Il me déshabille comme on ouvre un fruit.

Ses mains sont rapides, sûres.

Son sexe est déjà dur.

Je ne dis rien. Je ne bouge pas. Je ne pleure pas.

Mais dans ma tête, je répète encore :

– Ce corps n’est pas à toi. Il est à moi.

– Tu le prends, mais tu ne me prends pas.

Et quand c’est fini, qu’il se retire, qu’il boutonne son pantalon avec ce petit soupir de fatigue…

Je me rhabille.

Je ne le regarde pas.

Je reviens à la tente.

Je m’assois.

Je lisse ma robe.

Et dans ma tête, une phrase claque comme un fouet :

– Tu ne m’auras pas.

Le lendemain, ils nous déplacent à nouveau.

Toujours plus au nord.

Toujours plus sec.

Toujours plus dur.

Des jours passent. Ou des semaines. Je ne sais plus.

J’ai partagé du pain avec une fille du Ghana. Elle s’appelle Abena. Elle a des yeux qui brillent même dans la nuit.

Elle m’a dit :

– Toi, tu ne ressembles pas aux autres. Tu regardes comme une reine.

J’ai souri.

Un vrai sourire.

Le premier depuis longtemps.

Peut-être qu’elle a raison.

Peut-être que je suis déjà en train de changer.

Peut-être que sous la crasse, sous les bleus, sous les silences…

Quelque chose de beau pousse.

Quelque chose de sauvage.

D’indomptable.

Le jour où on nous montre la mer pour la première fois, je ne dis rien.

Elle est là. Immense. Grise. Silencieuse.

Le soleil se lève derrière elle.

Et j’ai l’impression qu’elle me regarde, elle aussi.

Comme si elle savait.

Tout ce que j’ai fui.

Tout ce que j’ai subi.

Tout ce que je suis prête à faire.

Je pose la main sur mon sac.

La robe est encore là.

Bientôt.

Pas maintenant.

Mais bientôt.

Et je sais, au fond de moi, que si je survis à cette mer…

Plus personne ne pourra m’arrêter.

On attend depuis des heures.

Il n’y a plus de mots.

Même les murmures se sont tus.

Chacun garde son souffle, ses prières, ses tremblements.

Autour de nous, le sable grince sous les pas des hommes armés.

Ils tournent. Ils vérifient.

Comme s’ils avaient peur que l’un de nous s’évapore avant l’embarquement.

Je suis assise contre un rocher. Mon dos me brûle.

Mon sac est sur mes genoux, et ma robe rouge me scie la gorge rien qu’à y penser.

Pas encore.

Mais bientôt.

Le bateau est là.

Pas un vrai bateau. Une coque. Une dent creuse d’un monstre oublié.

Je l’ai vu pour la première fois il y a une heure.

Et j’ai failli vomir.

On m’avait parlé d’un bateau. Pas d’un cercueil flottant.

Pas de cette chose grise, gonflée d’air, entourée de cris, de bras levés, de gémissements.

Ils en ont déjà rempli un.

Je l’ai vu s’éloigner. Lentement. Trop lentement.

La mer l’a pris comme un jeu. Comme un pari.

Et nous, nous sommes les suivants.

Abena est près de moi.

Elle a arrêté de sourire depuis ce matin.

Elle tient un collier dans sa main. Un petit truc en plastique rose, en forme de papillon.

Elle le serre si fort que ses doigts en tremblent.

Elle me regarde parfois. Puis baisse vite les yeux.

Je sais ce qu’elle pense.

– On ne reviendra peut-être jamais.

Et elle a raison.

Certains disent que cette mer-là n’est pas de l’eau.

Qu’elle est faite de sel, de larmes, de sang.

Qu’elle avale les noms, les histoires, les rêves, et qu’elle ne recrache rien.

Mais moi je ne la hais pas.

Je la regarde comme une épreuve. Une amante glacée qui teste mon feu.

Si je la traverse, je renaîtrai.

Sinon…

Je mourrai en ayant essayé.

Ils nous font lever.

C’est l’heure.

Il fait nuit, mais la lune est pleine. Crue. Spectaculaire.

On dirait qu’elle éclaire exprès pour qu’on voie tout.

Les visages. Les corps. Les peurs.

Je monte.

Un pied, puis l’autre.

Un homme m’attrape par le bras.

Il me pousse. Me place au fond. Là où l’eau lèche déjà les rebords.

Le plastique est glissant, sale.

Je m’accroupis. Je serre les genoux contre moi.

Je suis entre deux hommes. L’un sent la sueur et le gasoil. L’autre respire si fort qu’on dirait qu’il va s’évanouir.

Devant, Abena grimpe. Elle trébuche.

Quelqu’un la retient par les cheveux.

Elle ne crie pas. Elle grimace, s’assoit, ferme les yeux.

On est plus de cent. Trop.

La coque gémit. Littéralement.

Comme un animal blessé.

Et la mer est là.

Calme. Plate.

Trompeuse.

Je sens qu’elle nous regarde.

Qu’elle attend.

Le moteur démarre.

Un bruit de grincement, de crachats mécaniques.

Et on avance.

Lentement. Trop lentement.

Au bout de quelques minutes, la côte disparaît.

Et là, d’un coup, tout change.

Le silence devient profond.

Les étoiles se rapprochent.

Et la peur… se transforme.

En attente.

En vertige.

En offrande.

Je ferme les yeux.

Je pense à ma robe rouge.

À mon corps que je ne reconnais plus.

À ce que je vais devenir… si j’arrive.

Des heures passent.

La mer bouge à peine.

Mais le bateau tangue déjà.

Certains vomissent. D’autres prient. D’autres pleurent sans bruit.

Un homme s’évanouit.

Une femme gémit de douleur : elle a ses règles, pas de protection, rien que le sang qui coule entre ses cuisses et qu’elle cache avec sa main.

Et au milieu de tout ça, moi je suis là.

Immobile.

Présente.

Je ne dors pas. Je ne pleure pas.

Je pense à mon futur.

À mon corps.

À ma peau, que j’apprendrai à aimer.

À mes seins, que je redresserai.

À mes hanches, que je bougerai pour moi, pas pour eux.

Je veux être désirée.

Mais pas prise.

Admirée. Mais pas salie.

Je veux être vue.

Pas comme une immigrée.

Pas comme une clandestine.

Pas comme une fille perdue.

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