Mila
Je suis dans le couloir, les murs semblent se resserrer autour de moi, un piège invisible, mais bien réel. Mes jambes sont lourdes, mon cœur frappe contre mes côtes comme un tambour furieux. Je sais que je devrais me battre. Me défendre. Mais je n’ai plus la force de réagir. Pas maintenant.
Ils m’ont conduite jusqu’à l’ascenseur, ces deux gardes. Je n’ai pas résisté. C’était plus facile de les laisser faire. Chaque mouvement de leur part me rappelle à quel point je suis vulnérable. À quel point je suis seule. Ils me poussent gentiment dans la cage de métal. L’un d’eux appuie sur le bouton du rez-de-chaussée.
Je fixe les portes métalliques, attendant que l’ascenseur descende, et pourtant, je n’arrive pas à me concentrer. Mes pensées sont floues, éparpillées, une tornade de souvenirs, de peurs, de sensations. Sa peur. Son rejet. Chaque mot qu’il a prononcé résonne en moi comme une cloche, un bruit sec qui m’oppresse.
Mais ce n’était pas de la haine, non. C’était de la peur. De la confusion. Et ces deux choses, c’est tout ce dont j’avais besoin pour savoir que ce n’était pas fini. Pas encore.
Les portes de l’ascenseur s’ouvrent avec un bruit métallique. Le hall est désert. Je sors, sans un mot, les gardes me suivant d’un pas presque mécanique. Ils ne disent rien, comme s’ils ignoraient tout ce que j’étais en train de ressentir. Ils sont juste là, exécutant un ordre.
Mais eux, ils ne savent pas. Ils ne savent rien de moi. De ce que je suis capable de faire.
Je marche à travers l’hôtel, mes pas résonnent sur le marbre froid. Je sens leur présence derrière moi. Mais c’est une présence passive, distante. Ils ne sont que des ombres à ma suite. Ce n’est pas d’eux que je suis inquiète.
Je pense à lui. À ce regard, à cette peur. À ce rejet , à tout ce qu’il m’a dit. Et je me demande si ça aurait pu être autrement. Si j’aurais pu, d’une manière ou d’une autre, éviter ça.
Mais il n’y a pas de retour en arrière maintenant. Il est trop tard pour revenir sur les événements. Le doute s’est installé en lui. Il est déjà trop loin pour être sauvé. Mais moi… je ne fais pas marche arrière. Je ne fais jamais marche arrière.
Je passe devant la réception, la main sur mon sac à main, la tête haute, même si tout en moi vacille. Un sourire se dessine sur mes lèvres, un sourire froid, presque imperceptible, mais tellement sincère. Parce que je sais qu’il ne m’a pas oubliée. Il ne pourra pas. Aucun homme ne peut oublier la trace qu’un autre laisse sur lui.
La porte s'ouvre. Il est là, à l'extérieur. L’air frais de la nuit me frappe en plein visage. Je ferme les yeux, essayant de reprendre mes esprits, d’ordonner mes pensées.
Les gardes restent silencieux derrière moi. Je les entends souffler, impatients que je parte. Mais je m’arrête une seconde avant de traverser la porte. Une dernière pensée me traverse : et maintenant ? Maintenant que je suis dehors, que reste-t-il ? Où aller ? Que faire ?
Je respire profondément. Les ombres de la nuit sont toutes autour de moi. Mais au fond, une lumière vacille. Ce n’est pas la fin. Ce n’est que le début.
Eliah Reed
Le silence est presque insupportable.
Je suis seul dans la chambre, seul avec mes pensées.
Les mots résonnent encore dans ma tête, plus forts à chaque instant qui passe.
– Folle.
– Obsessive.
Je me demande comment j’ai pu être aussi aveugle. Comment j’ai pu ne pas voir.
Tout ce qu’elle a fait, toutes ses petites attentions, ses gestes, sa présence constante… tout ça n’était pas de l’amour.
C’était de la folie. De la dépendance. Une dépendance qu’elle n’a jamais su voir, jamais su comprendre.
Mais c’est moi qui ai fermé les yeux. C’est moi qui l’ai laissée venir.
Comment ai-je pu être aussi stupide ?
Je me laisse tomber sur le canapé. Les mains sur le visage. La peur… la peur me ronge, me serre la gorge. Elle me terrifie, c’est vrai. Mais il y a autre chose. Quelque chose de plus complexe. De plus intime.
Je repense à son regard. À cette lueur de défi dans ses yeux. À ce moment où elle m’a regardé pour la dernière fois avant que les gardes ne l’emportent. Ce n’était pas juste de la peur dans ses yeux. Non, il y avait autre chose.
Un doute. Une certitude.
Elle savait quelque chose que je n’avais pas encore compris.
Je me sens… perdu.
Un frisson parcourt ma colonne vertébrale. Je n’ai jamais voulu ça. Je n’ai jamais voulu me retrouver dans cette situation. Et pourtant, je me rends compte que je n’ai aucune idée de ce qui se cache derrière elle.
Derrière son sourire. Derrière cette folie douce, presque manipulatrice.
Elle m’a dit :
– Tu ne vois pas ce que tu es pour moi.
Mais moi, je n’arrive même pas à comprendre ce que je suis pour elle.
Est-ce qu’elle m’aime ? Ou est-ce que c’est une obsession, comme elle l’a dit ?
Je me lève brusquement. La colère monte. Pas contre elle, non. Contre moi-même.
Je sors de la chambre, presque machinalement. Je cherche un sens à ce qui vient de se passer. Mais tout est flou. Tout est confus.
Je me rends compte que j’ai tout foiré. Tout gâché.
Et maintenant, je suis pris dans une spirale. Je n’ai pas d’autre choix que de la repousser, mais une partie de moi… une partie de moi veut qu’elle revienne.
Mila
Je marche dans la rue, les lumières de la ville dansent autour de moi.
J’ai envie de hurler. J’ai envie de crier. Mais je ne le fais pas. Parce que tout est encore trop fragile, trop incertain.
Il m’a rejetée. Mais je sais que ce n’est pas la fin. Non. Parce que tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour lui. Pour nous.
Il doit comprendre.
Je vais lui faire comprendre.
Et ce doute qu’il a, cette faille minuscule qu’il a laissée entre ses murs… c’est là que je vais frapper.
C’est là que je vais entrer.
ELIAHLe car se vide dans un silence alourdi par la fatigue, les corps qui s’étirent, les soupirs de lassitude, chacun happé par l’idée d’un lit, d’une douche, d’un répit. La ville nous avale dans ses néons froids, ses trottoirs mouillés, ses façades impersonnelles. L’hôtel se dresse comme un bloc de verre et d’acier, sans âme, juste une halte nécessaire dans la course. Mais pour moi, il devient déjà une promesse, un sanctuaire provisoire, un piège où je veux me perdre en elle.Elle descend la première, ses pas rapides, professionnels, ses épaules droites, son carnet toujours en main, comme si elle tenait le monde entier en équilibre. Mais je vois la crispation de ses doigts, la tension de sa nuque, le masque qui s’accroche à son visage avec trop de force. Elle sait que je la regarde. Elle sait que je la suivrai.Dans le hall, les clés sont distribuées, les voix s’éteignent une à une, chacun disparaît dans l’ascenseur ou dans l’escalier, les portes se ferment, et le silence retombe. J
ELIAHL’air du couloir est plus froid quand nous ressortons, il se plaque sur ma peau comme une morsure, comme si la pièce derrière nous avait absorbé toute la chaleur de nos corps, toute la fureur de nos souffles, et qu’il ne restait dehors qu’un monde exsangue. Elle marche à côté de moi, carnet serré contre sa poitrine, ses doigts encore tremblants mais déjà redevenus précis, ordonnés, prêts à jouer leur rôle, et pourtant je vois, je sens, que sous ce masque de maîtrise il y a encore la même fièvre qui brûle en moi. Mon corps est imprégné d’elle, chaque fibre vibre d’un manque qui n’a pas été comblé mais seulement attisé, et chaque pas que je fais dans ce couloir résonne comme une torture.Nous passons devant deux techniciens qui tirent un câble énorme, leurs épaules tendues, leurs voix basses, et l’un d’eux nous jette un regard distrait avant de replonger dans sa tâche, mais je crois que mon cœur s’arrête une seconde. J’ai peur qu’il voie, qu’il sente, qu’il devine l’odeur de nous
EliahLes bureaux se vident peu à peu, chacun happé par la course contre la montre du départ, et moi je reste planté dans le couloir, la respiration lourde, mes yeux suivant chacun de ses pas, comme si je pouvais la retenir ainsi. Elle s’éloigne avec son carnet contre la poitrine, son allure rapide et concentrée, et je sens déjà ma gorge se serrer à l’idée que les heures à venir ne nous offriront aucun répit.Je détourne à peine le regard quand elle bifurque vers l’aile réservée aux loges et aux salles de repos, comme si elle n’avait pas entendu mon murmure, mais je sais. Je sais qu’elle a compris, qu’elle m’attend.Je quitte le flot des conversations logistiques, laisse derrière moi les éclats de voix des techniciens, les ordres du staff sécurité, les bruits métalliques des caisses que l’on charge, et je m’engouffre dans le couloir désert. Le silence m’engloutit soudain, seulement troublé par le vrombissement lointain d’un monte-charge.La porte est entrouverte. Elle est là.Elle m’at
EliahLa réunion se dissout peu à peu, les financiers replient leurs dossiers, les tableurs se ferment un à un, les voix s’atténuent, mais je sens encore la brûlure de son regard plantée dans ma chair, cette promesse muette que rien ne pourra étouffer. Elle est à mes côtés, posture impeccable, carnet fermé sur ses genoux, sourire poli, et pourtant je sais que ses doigts tremblent encore du souvenir de mes mains sur son corps, que son souffle porte encore l’empreinte de la nuit.Je prends congé de l’équipe d’un ton neutre, professionnel, distribuant les dernières instructions, mais dans ma tête je ne pense qu’à une chose : nous n’avons que quelques heures avant le départ vers la prochaine ville, une route longue, une nouvelle scène à préparer, un nouveau vertige à vivre.Dans les couloirs, le ballet s’intensifie, techniciens, logisticiens, attachés, tous s’agitent déjà autour des caisses de matériel, des camions prêts à charger, des écrans qu’on démonte, des flight cases que l’on claqu
EliahLe soleil pénètre à peine par les stores à moitié tirés, déposant des bandes de lumière tiède sur nos corps encore enlacés, et pourtant la chaleur de la nuit précédente ne nous a pas quitté. Je la sens contre moi, ses cheveux s’éparpillant sur mon torse, ses mains effleurant mes flancs dans un sommeil léger, ses respirations irrégulières racontant encore le vertige dans lequel nous avons plongé.Je la regarde un instant, la douceur et la tendresse prenant le pas sur la fièvre charnelle qui nous a consumés, et pourtant mes mains retrouvent ses courbes instinctivement, mes doigts parcourant ses épaules, son dos, comme si je voulais me rappeler, encore une fois, l’intensité que nous avons partagée. Elle frissonne sous mes caresses, ouvre un œil, me sourit avec ce mélange de fatigue et de désir encore brûlant, et je fonds devant cette image, incapable de résister à l’envie de l’embrasser doucement, lentement, presque en chuchotant.— Tu dois rentrer… murmure-t-elle, la voix encore é
EliahNous quittons enfin les coulisses, encore engourdis par la frénésie qui nous a saisis, nos mains toujours liées comme si elles refusaient de se séparer, comme si elles savaient que le moindre écart nous ferait tomber dans un vide insupportable. Le trajet jusqu’à chez moi est flou, ponctué de rires nerveux, de baisers volés dans l’ombre des rues, de frôlements impatients qui réveillent le feu déjà prêt à exploser, et quand la porte se referme derrière nous, je sens une vague de soulagement et de désir nous submerger d’un seul coup, comme si enfin le monde extérieur n’avait plus aucun droit sur nous.Elle me pousse doucement contre le mur de l’entrée, ses lèvres retrouvant les miennes avec une urgence qui me coupe le souffle, ses mains glissant déjà sous ma chemise, et je me laisse faire, grisé par son audace, par cette faim qui égale la mienne, par la chaleur de sa peau contre mes paumes quand je l’attire plus près de moi. Chaque pas que nous faisons vers la chambre est une lutte