Chapitre 6 : Le pardon n’est pas un droit, c’est un combat
Quand elle quitte la salle, son parfum reste suspendu dans l’air. Et moi, je reste figé. Elle est partie sans m’écouter. Mais elle est restée assez longtemps pour que je lise ce que ses mots ne disent pas. Elle vacille. Et si elle vacille… je peux encore la faire basculer. Mais pas comme avant. Pas en usant de charme ou de manipulation. Angela n’est plus cette femme impulsive que j’ai connue. Elle est plus forte. Plus lucide. Ce n’est plus une fille qu’on conquiert, c’est une forteresse qu’on assiège. Et je le ferai. Pierre par pierre. Je retourne à mon bureau au dernier étage du Majestic, temporairement réinstallé ici pendant la rénovation. L’ascenseur monte lentement. Mon reflet sur la paroi d’acier me renvoie un homme que je ne reconnais pas tout à fait. J’ai toujours été maître de moi. Froid. Calculateur. Mais avec elle, ce masque se fissure. Je n’ai plus envie de jouer aux échecs. Je veux tout balayer. Dire la vérité. Faire tomber les murs. Mais je sais qu’elle ne me croira pas sans preuves. Et c’est là que les choses se compliquent. --- Mon téléphone vibre dans ma poche. Un message de Jonathan : « Le lien sécurisé est prêt. Tout ce que Patrick avait sur ton père est en ligne. J’ai commencé à trier. Il y a… beaucoup. » Je réponds immédiatement : « Priorité : tout ce qui touche Angela. Surveillance, transferts de fonds, fausses accusations. Je veux un dossier complet. Et une trace de ceux qui savaient. » Quelques secondes plus tard, une réponse. « Compris. Prépare-toi à tomber de haut. » Je souris, sans humour. Trop tard pour ça. Je passe le reste de l’après-midi enfermé dans mon bureau, les yeux rivés à l’écran. Des heures de rapports confidentiels, d’enregistrements, de mails codés. Mon père avait tissé une toile plus vaste que je ne l’imaginais. Angela n’était pas juste un dommage collatéral. Elle était une cible. Pourquoi ? Parce qu’elle posait des questions. Parce qu’elle voulait comprendre d’où venait l’argent qui alimentait certaines branches de la fondation. Parce qu’elle croyait, naïvement, qu’aimer un homme ne voulait pas dire fermer les yeux sur ses affaires. Elle a touché une vérité dangereuse. Et au lieu de la protéger, je l’ai poussée dehors. Pas par lâcheté. Par stratégie. Mais maintenant que je sais ce qu’elle a vraiment subi, la colère me ronge. Contre mon père. Contre moi-même. Contre ce monde où l’amour est un risque que les puissants n’ont pas le droit de prendre. Le soir tombe. Je n’ai pas bougé depuis des heures. Je suis seul. Encore une fois. Mais cette solitude ne me pèse plus comme avant. Elle me réveille. Me pousse à agir. Je compose un autre message à Jonathan. « Organise un dîner discret. Elle ne viendra jamais si je l’invite directement. Utilise l’architecte en chef comme prétexte. Dis que c’est pour discuter des détails du projet. Salle privée. Sécurisée. 20h. Demain. » Il répond une minute plus tard. « Je m’en occupe. Tu es sûr ? » « Plus que jamais. » Je ferme mon ordinateur et sors sur la terrasse de mon bureau. En bas, New York pulse de mille lumières, comme un cœur qui refuse de mourir. Comme le mien. Je ne sais pas si elle me pardonnera un jour. Mais ce que je sais… c’est que je vais lui donner toutes les raisons de le faire. Et si elle ne revient jamais ? Alors au moins, elle saura. Elle saura que je l’ai toujours aimée. Même dans le silence. Même dans l’erreur.Je marche sans vraiment savoir où je vais.Les rues de New York défilent autour de moi comme un film en accéléré. Les klaxons, les passants, les néons… tout est flou.Je n’ai pas pris de taxi en quittant l’hôtel.J’avais besoin de sentir le vent contre mon visage.De respirer.J’ai passé les dernières années à tenter d’oublier cet homme.Et en l’espace d’une heure, il a tout bouleversé à nouveau.Je m’arrête au coin d’un café, les mains tremblantes.Dans mon sac, l’enveloppe avec les parts de l’hôtel pèse une tonne.Est-ce qu’il croit que me donner du pouvoir effacera les douleurs ?Est-ce qu’il croit qu’en me plaçant au sommet, il rachètera les années où il m’a laissée m’effondrer ?Je ferme les yeux.Et pourtant… ce n’est pas de l’arrogance que j’ai vu ce soir dans son regard.C’est de la sincérité. Une faille. Une détresse.Et ça me fait peur.Parce que malgré tout ce qu’il m’a fait, une partie de moi veut encore le croire.Je rentre chez moi tard dans la nuit.L’appartement est si
Je suis arrivée la première.Le petit salon privé du Madison Hotel est silencieux, baigné d'une lumière tamisée. J’ai choisi cet endroit exprès. Neutre. Loin de nos souvenirs. Loin des fantômes.Assise au fond de la pièce, je garde mes mains jointes sur mes genoux pour les empêcher de trembler.La clé USB repose dans ma poche. Lourd souvenir de la nuit passée.Je l’ai écoutée. Tout.Et maintenant, je veux l’entendre, lui.La porte s’ouvre.Je relève les yeux.William.Costume sombre, regard fermé, mâchoire tendue. Il referme la porte doucement derrière lui, sans un mot.Il me voit. Il s’approche. Lentement.Mais cette fois, il n’y a pas cette assurance arrogante dans ses gestes.Il s’arrête à quelques pas.— Merci d’être venue.Je soutiens son regard.— Tu m’as laissée sans le choix, William.Un silence.Il acquiesce.— Je sais.Je lui montre le siège face à moi.— Assieds-toi.Il s’exécute.Le silence est épais. Il pèse entre nous comme un couvercle sur une plaie mal refermée.— J’ai
Je n’ai pas quitté mon bureau depuis qu’elle est partie.La lumière de la ville filtre à peine à travers les vitres fumées.New York continue de vivre, de respirer. Moi, je suffoque.Angela.Son regard me hante. Cette douleur dans ses yeux. Cette blessure que j’ai ravivée alors que je n’ai jamais cessé de vouloir la guérir.Je serre les poings sur mon bureau.La colère est là, sous-jacente, prête à exploser. Mais ce n’est pas elle qui domine ce soir. C’est l’impuissance.Je pensais que lui donner cette clé USB la ferait revenir vers moi. Qu’en lui montrant la vérité, elle comprendrait enfin que je l’ai toujours protégée. Que je l’ai toujours aimée, même quand j’étais incapable de le montrer.Mais je suis peut-être arrivé trop tard.— Monsieur Sinclair ? Votre frère vous attend à l'étage privé.La voix de Nora perce le silence, glaciale comme toujours.— Qu’il attende.— Il insiste, monsieur. Il dit que c’est urgent.Je n’ai pas la patience.— Je vous ai dit d’attendre, Nora ! Et arran
Je quitte le restaurant avec la sensation de porter un poids invisible sur mes épaules.Il fait nuit, mais je n’ai pas froid.C’est mon cœur qui brûle. Ma tête qui tourne.J’ai marché deux rues avant de réaliser que je n’avais aucune idée d’où j’allais. J’ai besoin d’air, mais aussi de réponses.Et cette clé USB dans mon sac me brûle la peau.Je finis par héler un taxi.— 11ème Rue Est, s’il vous plaît.Je donne l’adresse d’une amie, pas la mienne. Par sécurité. J’ai beau être en colère contre William, je ne suis pas idiote. Son oncle pourrait très bien me surveiller.Et si ce qu’il m’a dit est vrai, je suis peut-être déjà en danger.Le taxi roule doucement dans les rues de New York.Tout semble si normal.Et pourtant, rien ne l’est plus.Je repense à tout ce qu’il m’a dit.À Clara.Mon cœur refuse d’y croire.Pas elle. Pas celle qui m’a aidée à me relever après le divorce, qui a veillé sur moi pendant mes nuits d’insomnie, qui a tenu ma main quand je pleurais encore son absence.Mais
AngelaJ’arrive au restaurant dix minutes en avance.Ce n’est pas mon genre d’être aussi ponctuelle, mais depuis son message hier soir, je n’ai pas fermé l’œil.J’ai retourné ses mots dans ma tête mille fois.Non. Mais je suis prêt à tout te dire. Demain. En face.Ce non résonne encore dans mon esprit.Alors je suis venue. Parce que j’ai besoin de savoir. De comprendre.Et surtout, parce que j’ai peur.Pas de lui.Mais de ce que je ressens encore pour lui.Le restaurant est élégant. Classique. William, quoi.Les nappes sont blanches, les lumières tamisées, l’ambiance feutrée.Il a réservé une table dans un coin isolé, à l’abri des regards.Évidemment.Je suis assise depuis à peine deux minutes quand je le vois entrer.Costume sombre, chemise blanche légèrement ouverte, sans cravate.Il est en avance aussi.Et mon cœur rate un battement.Il a toujours cette aura. Ce mélange troublant d’arrogance et de douleur.Il me repère immédiatement, puis vient vers moi, son regard planté dans le m
Chapitre 15 : Quelque chose clocheJe me réveille en sursaut.Le cœur battant. La gorge sèche. Un rêve ? Une impression ? Je ne sais pas.Mais j’ai cette sensation étrange que quelque chose… m’observe.Je reste quelques secondes immobile, le regard fixé sur le plafond. Il fait encore nuit.Je tends l’oreille.Rien. Juste le silence habituel de mon appartement.Et pourtant, mon instinct ne me trompe jamais.Je me lève, enfile rapidement un peignoir, et vais vérifier que la porte d’entrée est bien verrouillée.Elle l’est.Je vérifie les fenêtres. Fermées. Verrouillées aussi.Je regarde mon téléphone. 4h12.Un message non lu. Mon cœur rate un battement.Mais non, ce n’est pas William. Juste une notification automatique de ma banque. Rien d’anormal.Et pourtant, je n’arrive pas à me rendormir.Je fais chauffer de l’eau pour une tisane, puis je vais m’asseoir sur le rebord de la fenêtre.Je regarde la ville endormie.Et je pense à lui.À la façon dont il m’a regardée hier. À ses si