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Chapitre 5 — La Nuit Dévorée

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-09-09 00:42:44

AMÉLIA

La réception s’achève dans un tumulte de rires forcés et de verres vides, les derniers accords de l’orchestre résonnent comme un soupir fatigué sous les lustres du Plaza, et quand les invités commencent à se retirer, leurs manteaux glissant sur leurs épaules parfumées, je sens mon cœur battre plus vite, plus fort, comme si chaque adieu nous rapprochait inexorablement du moment où il n’y aura plus que lui et moi.

Victor ne lâche pas ma main. Ses doigts sont serrés, presque cruels, comme s’il voulait m’imprimer sa force dans la peau, et chaque pression de sa paume me rappelle que, malgré mes sourires de façade, malgré ma posture impeccable d’épouse modèle, je suis prisonnière de son regard depuis l’instant où j’ai dit « oui ».

Le silence tombe peu à peu derrière nous, absorbé par les couloirs feutrés du Plaza, et nos pas résonnent dans l’intimité d’un ascenseur doré qui nous emporte vers la suite nuptiale. Les murs capitonnés semblent retenir notre souffle, et l’air devient plus dense, plus lourd, comme si chaque étage franchi nous arrachait davantage à la bienséance.

Je n’ose pas le regarder, mais je sens son corps brûler à côté du mien, je sens ses yeux noirs se poser sur ma nuque, sur mes lèvres, sur les plis de ma robe. Quand la porte s’ouvre enfin sur notre suite, je retiens un frisson : un lit immense, recouvert de draps de soie ivoire, des roses jetées comme des éclats de sang sur le sol, des chandeliers dont les flammes dansent comme des ombres complices.

La porte se referme dans un claquement sourd.

Et je comprends que je n’ai plus d’échappatoire.

Victor s’approche, lentement, sa silhouette imposante se découpant contre la lueur des chandelles. Ses mains viennent défaire ma cape, puis mon voile, qu’il jette sans un mot sur le sol, et son regard, sombre et brillant à la fois, s’accroche au mien avec une intensité qui me fait reculer d’un pas, puis d’un autre, jusqu’à sentir le bois du lit heurter mes jambes.

— Tu es à moi maintenant, souffle-t-il, sa voix basse, grave, qui roule dans la pièce comme un grondement.

— Pas à toi… à personne, répliqué-je dans un murmure qui tremble plus de désir que de révolte.

Ses lèvres se posent sur les miennes, dures, brûlantes, dévorantes. Le baiser n’est pas une caresse, c’est une conquête, une bataille où je me débats autant que je m’abandonne. Ses mains glissent sur mes épaules, descendent sur mes bras, défont les premiers boutons de ma robe, et je sens ma résistance se briser sous la violence de ce désir qui m’envahit.

La soie cède, glisse sur ma peau nue, tombe au sol dans un froissement sensuel. Sa bouche descend sur ma gorge, sur mes clavicules, chaque baiser est une morsure, chaque souffle une brûlure, et je ferme les yeux, haletante, incapable de décider si je le hais ou si je l’aime, si je veux fuir ou me perdre en lui.

— Dis-le, Amélia, murmure-t-il contre ma peau, ses dents frôlant ma chair. Dis-moi que tu me veux.

— Je te déteste… soufflé-je, mais mes doigts s’accrochent déjà à ses cheveux, tirent, l’attirent plus fort encore contre moi.

Il rit, un rire bas, rauque, qui vibre contre ma poitrine, puis ses mains me soulèvent d’une force brutale, me jettent presque sur le lit, et le satin glacé contre ma peau nue m’arrache un gémissement incontrôlable. Il se penche sur moi, ses yeux brillants de cette fièvre qui ne s’éteint jamais, et je sais que cette nuit ne sera pas faite de tendresse, mais d’embrasement, de dévoration.

Ses lèvres reprennent les miennes, ses mains explorent chaque courbe, chaque secret, et je me tends sous lui, déchirée entre la honte et le plaisir, entre la peur et l’ivresse. Nos corps s’affrontent et s’unissent, chaque mouvement est une lutte et une reddition, et le monde entier disparaît, avalé par le bruit de nos souffles mêlés, par la chaleur brûlante qui m’envahit, par ce feu qui ne s’éteindra jamais.

Je m’abandonne.

Et dans ce tumulte de soie froissée, de gémissements arrachés, de regards brûlants, une vérité s’impose dans ma chair plus encore que dans mon esprit : Victor Harrington est mon mari, mon ravisseur, mon amant, mon ennemi et mon roi, et cette nuit n’est que le commencement d’une guerre où le plaisir et la douleur seront les seules armes.

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