Emily
Je suis assise dans ma voiture, les mains crispées sur le volant, les yeux rivés sur le club de Victorio. La nuit est tombée depuis longtemps, plongeant la ville dans une ambiance électrique, presque suffocante. Des néons rouges et bleus illuminent la façade du club, projetant des ombres dansantes sur le bitume mouillé.
Mon souffle est court, mes pensées en désordre. Victorio sait. Il a compris mon jeu, ou du moins une partie. Ce qu’il a dit hier soir résonne encore dans ma tête : "Jusqu’où es-tu prête à aller ?"
Je devrais faire marche arrière. Partir, appeler mes supérieurs et leur dire que la couverture est compromise. Mais mes doigts restent accrochés au volant, comme si une force invisible me retenait ici.
Ce n’est pas seulement une mission, maintenant. C’est devenu personnel.
Victorio est un piège mortel, et pourtant, une partie de moi brûle de tomber dedans.
Je prends une inspiration tremblante, puis j’ouvre la portière. Mes talons claquent sur le trottoir alors que j’avance vers l’entrée du club. Le videur me reconnaît immédiatement et me laisse passer sans un mot. L’intérieur du club est saturé de chaleur, de musique et de désir. Les corps se pressent sur la piste de danse, les lumières tamisées caressant les silhouettes comme une promesse silencieuse.
Je me fraye un chemin parmi la foule jusqu’au fond de la salle. Victorio est là, installé dans son coin habituel, un verre à la main, l’air parfaitement à l’aise au milieu de ce chaos maîtrisé.
Ses yeux accrochent les miens dès que j’approche. Un frisson me parcourt l’échine.
— Emily, dit-il d'une voix suave, le coin de ses lèvres s'incurvant en un sourire dangereux.
Je m'arrête juste devant lui, les bras croisés.
— Pourquoi m'as-tu appelée ?
Victorio penche légèrement la tête, son regard glissant lentement de mon visage à mon décolleté, puis plus bas encore, avant de remonter avec une lenteur calculée.
— Assieds-toi.
— Non. Dis-moi ce que tu veux.
Un éclat amusé traverse ses yeux.
— Très bien. Suis-moi.
Il se lève, son mètre quatre-vingt-dix de muscles et de domination prenant immédiatement possession de l'espace. Il ne me laisse pas le choix. Il commence à marcher, et je le suis sans réfléchir, comme hypnotisée par sa démarche fluide et la tension animale qui émane de lui.
Il m’entraîne vers une porte discrète, protégée par deux hommes armés. Ils nous laissent passer sans un mot. Un long couloir faiblement éclairé s’étire devant nous. Victorio pousse une autre porte, révélant une pièce luxueuse et insonorisée.
Une immense baie vitrée offre une vue plongeante sur la ville illuminée. Une table basse en verre trône au centre de la pièce, entourée de fauteuils en cuir noir.
Victorio se retourne vers moi, refermant la porte derrière lui.
— Pourquoi es-tu ici, Emily ?
Je fronce les sourcils.
— C’est toi qui m’as appelée.
Il s’approche, lentement, son regard ancré au mien.
— Non. Pourquoi es-tu vraiment là ?
Je me raidis.
— Tu sais pourquoi.
Il s’arrête à quelques centimètres de moi, son souffle effleurant ma peau.
— Peut-être. Mais j’ai envie que tu me le dises.
Je recule d'un pas, mais il me suit. Son regard est noir, brûlant.
— Tu crois que je suis stupide ? poursuit-il d'une voix basse et glaciale. Tu crois que je ne sais pas que tu caches quelque chose ?
Je le fixe sans ciller.
— Et toi, tu crois que tu peux m’intimider ?
Son sourire s'élargit.
— Non, Emily. Mais je sais que tu ressens la même chose que moi. Cette tension. Cette brûlure. Ce besoin.
Sa main effleure ma joue, et malgré moi, je frémis.
— Tu crois pouvoir jouer à ce jeu avec moi ? souffle-t-il. Tu crois pouvoir me manipuler ?
Il glisse son pouce sur ma lèvre inférieure.
— Je suis le prédateur, Emily. Pas toi.
Mon souffle s’accélère. Ma peau s’embrase là où il me touche. Je devrais le repousser. Je devrais m’éloigner. Mais je reste figée.
— Peut-être, dis-je d’une voix rauque. Mais même un prédateur peut se faire piéger.
Un éclat d’ombre traverse ses yeux.
— Oh, ma douce Emily… Si tu penses que tu as le contrôle, alors tu n’as rien compris.
D’un geste brutal, il me saisit par la taille et me plaque contre la baie vitrée. Mon souffle se coupe. Mon dos rencontre le verre froid alors que son corps brûlant s’appuie contre le mien.
— Dis-moi d’arrêter, murmure-t-il contre mon oreille.
Mes mains s’accrochent à ses épaules. Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il va exploser.
— Emily…
Sa bouche effleure la mienne, si proche…
— Arrête-moi.
Mais je ne le fais pas.
Au lieu de ça, mes lèvres s’entrouvrent. Et il s’empare de ma bouche avec une brutalité possessive.
Sa langue s’insinue entre mes lèvres, réclamant, exigeant. Mes mains glissent dans ses cheveux, mes hanches s’ouvrent sous la pression de son corps.
Je me perds dans ce baiser, dans le goût de sa bouche, dans l’odeur sombre et musquée de sa peau. Il me soulève, mes jambes s’enroulent autour de sa taille, son corps s’enfonce plus profondément contre le mien.
— Tu es à moi, murmure-t-il contre ma bouche.
Je halète, mes ongles s’enfoncent dans sa nuque.
— Et si c’était toi qui étais à moi ?
Il rit doucement, un son sombre et délicieux.
— On va voir ça…
Ses lèvres glissent le long de mon cou, laissant une traînée de feu sur ma peau. Mes hanches roulent contre lui, cherchant davantage.
— Tu vas me détester, Emily, murmure-t-il contre ma peau.
Je plante mes yeux dans les siens.
— J’ai déjà commencé.
Il m’embrasse de nouveau, sauvage et brûlant. Et je comprends à cet instant que je suis foutue.
Parce que Victorio Moretti est en train de me posséder — corps et âme.
—
Plus tard, lorsque la porte se referme derrière moi, mes jambes sont encore tremblantes. Ma peau est encore marquée par ses doigts, ma bouche douloureuse sous la force de ses baisers.
Je m’appuie contre le mur, le souffle court.
Je suis en train de tomber.
Non… Je suis déjà tombée.
Et Victorio l’a compris bien avant moi.
Maintenant, il sait qu'il n’a plus besoin de me chasser.
Parce que je suis déjà sa proie.
EmilyIl m’a prise comme un homme qui croit aimer pour la première fois. Moi, je l’ai reçu comme une femme qui n’a plus peur de se perdre.Nos corps se sont liés, mais ce soir-là, c’est autre chose qui s’est scellé.Quelque chose de plus vaste.De plus sombre.De plus lumineux aussi, peut-être.Un pacte entre deux monstres capables d’amour.Et pendant qu’il gémissait mon prénom à l’oreille, je regardais la bague briller à mon doigt.Comme une étoile morte.Belle.Lointaine.Et prête à exploser.Je suis restée allongée un moment, nue contre les draps lourds, le souffle encore heurté, le corps empreint de son empreinte. Le feu crépitait doucement dans la cheminée, jetant des ombres dansantes sur les murs de velours. L’air était saturé de sueur, de sexe, de promesses non dites.Il était là, assis au bord du lit, le dos nu, penché légèrement en avant. Ses omoplates saillaient sous la lumière, ses cheveux humides collaient à sa nuque. Il ne disait rien. Il ne bougeait presque pas.Et moi,
EmilyJe suis restée droite, sans baisser les yeux. Pas une seconde. Même lorsque les applaudissements ont résonné autour de moi, mécaniques, bien dressés. Même lorsque les flashs ont commencé à claquer dans la salle comme des coups de feu. Même quand il a glissé son bras dans mon dos, possessif, et qu’il m’a fait tourner lentement vers les invités comme une poupée de porcelaine qu’il présentait au monde.Je suis restée droite.Parce que je savais.Parce que je sentais.Parce que ce soir, rien ne devait vaciller.Il croyait m’avoir piégée dans la lumière. M’avoir clouée dans son monde d’apparat et de faux-semblants. Mais il ne comprenait pas encore que certaines proies, une fois acculées, deviennent des prédatrices.Et ce soir, j’avais faim.Nous avons traversé la salle comme deux souverains en guerre. Je sentais chaque regard sur moi, chaque murmure étouffé. Les femmes me jaugeaient. Les hommes me dévoraient du regard. Mais personne, pas même lui, ne pouvait comprendre ce qui bouillo
LorenzoJe suis resté là, seul, dans le silence qu’elle avait laissé derrière elle. Un silence dense, chargé, presque sacré. Emily venait de partir, mais son absence résonnait plus fort que ses mots.Ou peut-être que je suis née pour te détruire.Elle me croyait menacé. Elle me pensait vulnérable parce qu’elle avait osé me défier, debout, nue, avec cette fièvre dans le regard. Elle ne comprenait pas encore que dans mon monde, chaque guerre se gagne avant même d’être déclarée.Je me suis assis dans le fauteuil, là où tout avait explosé. Son odeur était partout. Sur ma peau. Dans mes veines. Dans l’air. Elle me brûlait encore, cette fille. Elle croyait pouvoir fuir. Mais il n’y avait plus de fuite possible. Pas depuis cette nuit.Elle avait franchi le seuil. Elle était entrée dans ma légende. Et personne ne ressort indemne de ça.Un léger sourire a étiré mes lèvres. Je savais exactement quoi faire. Pas la rattraper. Pas la supplier. Pas l’aimer.L’enfermer.Pas avec des chaînes. Avec de
EmilyLe silence. Épais. Viscéral. Pas celui du repos, ni de l’apaisement. Celui des ruines encore fumantes après l’explosion. Celui d’un monde où plus rien ne pousse. Pas encore.Il est toujours là. En moi. Autour de moi. Sur moi. Et je ne sais plus où je commence, ni où je finis. Mon corps est un champ de guerre. Mon âme, un cadavre éveillé.Le bureau est froid contre ma peau moite. Une sueur qui n’a rien d’érotique. Une sueur de honte. De choc. De tout ce qu’il a fait vibrer. De tout ce que je n’ai pas su arrêter.Lorenzo s’est redressé. Lentement. Toujours lentement. Comme un conquérant après la bataille, contemplant son territoire. Moi. Mes chairs encore battantes. Mon souffle décomposé. Ma haine. Mon amour. Mon néant.Il m’a regardée longtemps. Trop longtemps. Et ce regard n’était pas celui d’un homme repentant. C’était celui d’un homme rassasié, mais pas repu. D’un homme qui veut revenir encore et encore jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien.Je me suis assise, maladroitement. Me
EmilyJe suis restée là, face à lui, les doigts encore rougis de la gifle. L’empreinte de ma colère contre sa joue, le tremblement de mon âme contre mes os. Je croyais avoir frappé pour mettre fin. Pour le repousser. Mais au lieu de le briser, je l’ai appelé. Comme un cri dans la nuit qu’on regrette aussitôt qu’il s’élève.Lorenzo a refermé la porte. Lentement. Comme on enterre une décision. Le claquement feutré a résonné dans mon ventre. Chaque battement de mon cœur cognait contre ma cage thoracique, réclamant une sortie, une fuite… ou une offrande.Je me suis reculée. Un pas. Deux. Mais lui avançait. Un glissement calme. Un calme terrifiant. Il n’avait pas l’air d’un homme prêt à faire l’amour. Il avait l’allure d’un homme prêt à se venger.— Ne fais pas ça, j’ai murmuré. Ne reviens pas. Pas comme ça. Pas après tout ça.Il a penché la tête, un sourire presque tendre sur les lèvres. Mais ce n’était pas de la tendresse. C’était de la cruauté maquillée.— Fais quoi ? Te détruire ou te
EmilyJe suis restée figée dans le couloir longtemps après qu’il soit parti.Lorenzo.Je le connais. Je l’ai vu à l’œuvre. L’homme qu’il était avant moi. L’homme qu’il devient avec moi. Et pourtant… je ne reconnaissais plus son regard. Il n’y avait plus rien d’humain dedans. Juste une dévotion glacée, une sorte de fièvre dangereuse. Il ne m’aimait plus. Il me possédait.Et je ne sais pas ce qui est pire.Je retourne dans la chambre à pas lents. Le drap qu’il a tiré sur moi glisse de mes épaules. Il m’a couverte. Comme on protège quelque chose de précieux. Ou comme on voile un cercueil. Je frissonne.J’effleure mes lèvres, encore meurtries de son baiser. Il m’a prise comme on impose une vérité. Une sentence. J’ai senti la lame, pas la tendresse. Et pourtant, une partie de moi a brûlé sous ses doigts.Je me déteste de l’aimer encore.Je me regarde dans le miroir. J’ai la bouche gonflée. Le cou rougi. Des empreintes à la taille. Je suis marquée. Pas seulement physiquement. Marquée dans l