Chapitre 6 — Trahisons et vérités
Nikolai Puis, un bruit. Un souffle, un cliquetis léger au-delà du couloir. Je me fige. Mon cœur bat plus fort, chaque muscle tendu comme un arc prêt à craquer. — Montre-toi, dis-je dans un souffle, la voix basse, menaçante. Une silhouette se dessine au bout du tunnel, émergeant lentement des ténèbres. Ce n’est pas un ennemi ordinaire. C’est une silhouette familière… mais je n’ai pas encore le droit de la révéler. Le combat ne fait que commencer. Cette nuit, la Zone-3 n’aura pas de repos. Et moi non plus. La silhouette avance lentement vers moi, ses pas résonnant dans le silence étouffant du tunnel. Chaque mouvement est empreint d’une précaution que je connais bien, et pourtant, mon cœur refuse de se calmer. À mesure qu’elle s’approche, je distingue mieux son visage — familier, marqué par la fatigue et la douleur. Ce n’est pas un ennemi tapi dans l’ombre, ce n’est pas un inconnu. C’est Aelis. Celle que j’avais cru perdue, effacée du monde comme une ombre balayée par le vent. Son absence a creusé un vide immense, un gouffre dans ma poitrine que rien n’a jamais pu combler. — Aelis, murmurai-je, incrédule, la voix étranglée par l’émotion et la surprise. Elle me fixe, ses yeux aussi perçants que les miens, mais avec une lueur nouvelle, une vérité amère que je ne peux encore saisir. Elle est blessée — oui, mais ce n’est pas que la douleur physique qui l’habite. Non, c’est une peur qu’elle dissimule difficilement, une peur qui détonne avec le masque d’acier qu’elle arbore en toute circonstance. — Nikolai, souffle-t-elle d’une voix rauque, haletante, « on m’a trahie. Joran aussi. » Le poids de ses mots m’écrase. Trahie. Ce mot résonne dans ma tête comme un coup de tonnerre. Par qui ? Le Syndicat, cet ennemi invisible qui manipule tout dans l’ombre ? Ou pire encore, quelqu’un de l’intérieur, quelqu’un en qui nous avions confiance ? Je baisse la garde un instant, le temps de digérer l’information, mais pas assez pour baisser ma vigilance. Dans ce monde, chaque révélation peut cacher un piège mortel. Pourtant, la sincérité qui se dégage d’elle est indéniable, palpable. — Explique, dis-je, serrant la clé USB dans ma main, sentant son poids comme un fardeau chargé d’enjeux cruciaux. Elle m’entraîne plus loin dans le tunnel, dans un recoin à l’abri des regards, des oreilles indiscrètes. Son regard scrute le moindre bruit, la moindre ombre, comme si la menace pouvait surgir à chaque instant. Nous ne sommes clairement pas seuls ici. — Joran a découvert quelque chose, un secret qui dépasse tout ce qu’on pouvait imaginer. Une alliance entre certains hauts gradés du Syndicat et un groupe extérieur — un réseau que personne n’ose nommer, mais dont la portée est mortelle. Je fronce les sourcils. Tout s’éclaire dans ma tête, mais pas de manière rassurante. Ce n’est plus une simple guerre interne, une lutte de pouvoir classique. Non, c’est une toile d’araignée tissée par des mains invisibles, un piège mortel où chacun risque de se faire dévorer. — Ils veulent que tout explose. Qu’on s’entredéchire, qu’on s’élimine pour mieux asseoir leur contrôle sur la Zone-3. — Et nous sommes pris au milieu, murmurai-je, la voix basse, presque un avertissement. Aelis hoche la tête, un rictus amer déformant ses lèvres. — Joran et moi, on a tenté de fuir avec les preuves, mais on a été pris au piège. Des hommes sont venus nous chercher. J’ai réussi à m’échapper, mais lui… Sa voix se brise, et la peur qu’elle tente désespérément de cacher me transperce. J’ai toujours su que cette mission serait risquée, mais jamais je n’aurais imaginé perdre Joran. Il n’a pas le droit de disparaître ainsi. — Il faut le retrouver. Maintenant. — Oui, mais on n’est pas les seuls à le vouloir, avertit-elle d’un ton grave. Ce réseau est organisé, méthodique. Ils ont des yeux partout, dans les rues, dans les ombres. Une sensation de lourdeur s’abat sur moi, écrasante. Le jeu est devenu plus dangereux que jamais. Ce n’est plus une simple course contre la montre. C’est une traque mortelle. Je sors mon téléphone, mes doigts bougent avec rapidité, envoyant un message codé à Calla. Elle devra préparer une extraction rapide, une sortie stratégique au cas où nous serions acculés. L’adrénaline me donne une clarté glaciale, aiguise mes sens. — On doit remonter à la surface, dis-je, la voix ferme. On a besoin d’un plan, de renforts. Ce que nous avons dans cette clé, c’est une bombe à retardement. Elle me tend la clé USB, ses doigts tremblent légèrement, comme si le poids de la vérité pesait jusque sur ses mains. — Fais attention, Nikolai. Ce n’est pas juste une mission. C’est une guerre dans l’ombre. Et chaque choix peut être fatal. Je hoche la tête, l’esprit déjà tourné vers la suite. Je suis prêt à affronter ce qui vient. Ensemble, nous remontons vers la lumière vacillante, vers cette zone brûlante, dévastée, où l’entrepôt ressemble à un champ de bataille. Nous savons, au fond de nous, que le véritable combat ne fait que commencer. Au loin, un cri déchire la nuit. Un nom que je connais par cœur, chargé de peur et d’espoir. — Joran ! Mon cœur s’emballe. Je cours vers le bruit, porté par une peur viscérale et une détermination farouche. La nuit va enfin dévoiler ses secrets les plus sombres, mais à quel prix ? Chaque pas me rapproche du danger, mais aussi de la vérité. Je n’ai plus le droit à l’erreur. Pas maintenant. Pas quand tout est en jeu.Chapitre 20 — L’aube et le feuAelisLe jour se lève à peine. Une lueur blafarde ronge lentement les ténèbres, sans chaleur, sans éclat. Un voile gris s’étire sur les cimes enneigées, comme une peau trop fine sur une blessure trop vive. Le froid s’infiltre partout, s’accroche aux os, s’insinue dans les fibres, mais moi, je ne le sens plus. Je suis là, blottie contre Nikolai, enveloppée par sa chaleur, par ce silence dense, suspendu entre ce qui fut et ce qui va venir.Le vent souffle bas, presque respectueux. Il glisse sur les tentes, caresse les braises mourantes du feu de veille, agite à peine les pans des capes abandonnées. Le camp sommeille encore, fragile illusion d’un monde en paix. Les guetteurs, silhouettes immobiles dressées sur les monticules de neige, se relaient sans un mot. Ils savent que c’est aujourd’hui que tout commence. Ou que tout se termine.Soren dort, un peu plus loin, roulé dans sa couverture, le visage tourné vers l’horizon. Il ignore encore ce que nous avons v
Chapitre 19 — Sous la lueur fragilePoints de vue alternés : Aelis, Nikolai---AelisLa tour de pierre se dresse dans le lointain, silhouette solitaire rongée par les vents. Même de loin, elle semble vivante. Elle respire l’attente, le piège, la fin d’un cycle. La terre est gelée sous nos pas, chaque pierre semble gémir sous le poids de ce que nous transportons. Nos vies. Nos doutes. Nos décisions.Nous avons établi un camp de fortune à quelques lieues de la tour, assez loin pour observer, assez proche pour agir. Des branches tordues craquent dans l’obscurité, et le vent qui serpente entre les troncs semble chuchoter des avertissements. Les guetteurs sont en place, silencieux comme l’ombre. Soren s’est allongé près du feu, exténué, ses traits tirés par l’épuisement. Il dort enfin, le souffle court, comme s’il luttait même dans ses rêves.Moi, je ne dors pas. Je n’essaie même plus.La lettre entre mes mains est froissée par les heures, mais son message brûle toujours dans ma mémoire.
Chapitre 18 — Fractures et promessesAelisLa messagère s’effondre presque à mes pieds, haletante, les traits tirés par la peur. Zara et Nikolai la soutiennent rapidement, tandis que je tends la main pour recevoir la lettre qu’elle serre dans ses doigts tremblants. Le bruit de ses pas précipités et son arrivée soudaine avaient déjà figé le camp dans une tension palpable.— Qui est-ce ? demandai-je d’une voix ferme, la gorge nouée, le cœur battant à tout rompre.Elle lève un regard désespéré vers moi, les yeux emplis de terreur et de fatigue.— Je viens de la cité de Valdren... murmure-t-elle à peine. Ils nous poursuivent, plus nombreux et plus impitoyables que jamais. Leur chef a donné l’ordre de vous éliminer. Mais… il y a une alliance possible. Une trêve fragile, seulement si vous acceptez de venir les rencontrer.Un murmure traverse le camp. La trêve. Ce mot qui résonne comme une promesse, aussi fragile qu’un souffle au cœur d’un ouragan.Je plisse les yeux, mes pensées s’emballent
Chapitre 17 — L’ombre des souvenirsAelisLe silence après la fuite est presque irréel. La forêt s’étend autour de nous, vaste, dense, une mer de feuilles et d’ombres mouvantes qui semble vouloir nous avaler tout entiers. Pourtant, c’est ici que nous devons tenir. Ici que nous devons trouver la force de continuer, de renaître, même si chaque pas semble lourd d’une fatigue infinie.Je pose doucement Soren au sol, son corps frêle encore tremblant, le front perlé de sueur. Il ferme les yeux, cherche un souffle plus calme, mais ses doigts s’agrippent à la terre, comme pour s’ancrer, s’accrocher à quelque chose de réel. À côté de lui, les enfants se rassemblent en un petit groupe, hagards mais vivants, leurs regards encore hantés par la violence qu’ils ont fuit. Leur innocence volée pèse lourdement sur mon cœur.Nikolai s’éloigne un instant, s’enfonçant dans les fourrés pour vérifier les alentours. Sa silhouette massive se fond dans la végétation, mais son pas reste ferme, assuré, chaque m
Chapitre 16 — Le poids du renouveauAelisLes échos des explosions résonnent encore dans mes oreilles, un grondement sourd qui semble se fondre en un battement continu, lourd et oppressant. La poussière retombe lentement, fine et implacable, déposant sur nos corps épuisés un voile grisâtre, rappel brutal de la destruction qu’on vient de traverser. Autour de nous, la base improvisée s’anime dans un tumulte chaotique : des murmures d’angoisse, des ordres hurlés par-dessus le vacarme, des pas précipités qui s’entrechoquent sur le sol jonché de gravats et de cendres.Je tiens Soren contre mon épaule, sentant son souffle court, irrégulier, presque fragile. Pourtant, il tient bon. Malgré tout, il est là. Son regard, grand et apeuré, s’accroche au mien avec cette innocence qu’aucune guerre ne devrait jamais pouvoir voler. Mais ici, rien n’est jamais sûr, rien n’est jamais acquis. Et ça me serre le cœur.Nikolai s’approche à grands pas, sa silhouette imposante dégage une force silencieuse, ma
Chapitre 15 — Ceux qui renaissent des cendresAelisLe souffle glacé du matin fouette mes joues, mord la peau à travers le tissu usé de ma cape. L’air est lourd de cendres et de poussière, chargé de cette odeur âcre et persistante qui s’accroche à nos vêtements, à nos cheveux, à nos poumons. Autour de nous, les ruines fumantes du centre détruit se dressent comme un cimetière en flammes. Des carcasses de métal tordues, des murs éventrés, des éclats noirs qui crachent encore une fumée âcre. L’odeur de la brûlure mêlée à celle plus douce, presque sucrée, de la sueur et du sang frais me colle à la peau, imprègne mes sens.Dans mes bras, onze enfants. Onze corps frêles, onze vies volées à l’ombre d’un cauchemar industriel qui nous pourchasse sans relâche. Certains sont endormis, épuisés par la fuite, d’autres pleurent doucement, ou fixent le vide, les yeux pleins d’une douleur que je connais trop bien. Onze âmes suspendues à mes forces vacillantes. Combien de temps encore pourrons-nous ten