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Chapitre 3 : Les Liens Cramponnés

Author: Darkness
last update Last Updated: 2025-07-30 06:11:43

Kaïla

La soirée s’est poursuivie dans une ambiance festive, mais moi, je n’ai pas été capable de m’y intégrer. Même les sourires forcés des membres de ma famille, qui se réjouissent de la venue d’Aric, ne parviennent pas à me réchauffer. Au contraire, ils me laissent un goût amer dans la bouche. Une sorte de vide qui s’accroche à moi comme une seconde peau. Je suis là, présente, mais invisible. Au fond de la pièce, je reste à l’écart, à l’abri des regards, et je m’y sens… plus en sécurité.

Mais cette sécurité, c’est une illusion. Ce que je ressens, ce sont les chaînes invisibles qui m’entourent. Ma famille. Ma propre meute. Ils sont là, avec leurs rires et leurs paroles, mais chaque mot qu’ils échangent, chaque regard jeté dans ma direction me rappelle ce que je suis. Une étrangère. Un poids. Une erreur.

Ma sœur aînée, Aisha, se tient près de la table, son regard perçant balayant la pièce. Je la sens m’observer. Je connais son regard. Ce regard acéré, dédaigneux, rempli d’une arrogance froide qu’elle sait faire passer pour de la pure indifférence. Ce n’est pas de l’indifférence. C’est de la haine. De l’envie. Et elle me hait pour ce que je suis, pour ce que je représente. Elle est la lumière, la perfection dans cette meute. Tout ce que je ne suis pas. Elle est l’alpha, l'héritière de tout ce que notre père a bâti, l’idéale. Et moi ? Moi, je suis une erreur, un fardeau qu’ils sont condamnés à porter. Elle me l’a dit des centaines de fois, avec des mots tout simples, mais tellement lourds.

– Pourquoi ne peux-tu pas juste être comme nous, Kaïla ?

Elle me le dit toujours sur un ton presque calme, mais c’est la froideur de ses yeux qui frappe le plus. Elle n’a jamais eu besoin de crier pour me détruire. Tout ce qu’elle fait, c’est m’ignorer, me rabaisser en un regard, en une parole distante. Et chaque fois, chaque parole qu’elle me jette comme une pierre dans l’âme, je la sens me briser un peu plus.

Un petit cri me fait tourner la tête. C’est un bruit étouffé, une voix à peine audible, mais je sais que c’est ma mère. Elle me regarde d’un air las, comme si ma simple présence l’irritait.

– Ma fille, viens ici.

Sa voix est douce, mais il y a cette froideur qu’elle cache derrière une fausse affection. Je m’approche, résignée, et elle me dévisage de haut en bas. Je frissonne sous son regard glacé.

– Tu vois, Aisha est à la hauteur de nos attentes. Pourquoi ne peux-tu pas faire de même ? Pourquoi dois-tu toujours être différente, Kaïla ?

Chaque mot est une gifle, chaque question une claque invisible qui s’enfonce dans mon cœur. Je veux fuir, me cacher, me faire oublier. Mais je ne peux pas. Pas maintenant. Pas ici. Je suis piégée dans ce cercle, dans ce fardeau familial qui me colle à la peau.

Je me fais plus petite, plus discrète. La voix de ma mère résonne encore dans ma tête, tandis que je me tourne pour m’éloigner d’elles. Mais le poids de la honte, de l’humiliation, est trop lourd pour que je puisse m’échapper si facilement.

Soudain, un rire éclate derrière moi, aigre et moqueur. C’est de mon frère, Malik. Il me rejoint, sa silhouette grande et imposante se faufilant parmi la foule. Il me jette un regard moqueur avant de s’approcher de moi. Ses gestes sont lents, mesurés, comme s’il prenait plaisir à voir ma souffrance.

– Tu crois vraiment qu’ils vont t’accepter ?

Il rit, cette fois plus fort, de cette manière qui me fait grincer des dents.

– Tu n’es qu’une petite chose, Kaïla. Ils ne t’aiment pas. Ils te tolèrent. C’est tout.

Je veux lui répondre. Lui dire que je n’ai pas besoin de leur approbation, que je n’ai pas besoin de leur amour. Mais les mots restent coincés dans ma gorge, lourds, impossibles à sortir. Pourquoi me battre ? Pourquoi crier quand je sais que ma voix n’a aucun écho ici, que ma souffrance ne touche personne ?

Malik se penche un peu plus près de moi, son souffle me caressant la peau.

– Tu sais, Kaïla, un jour, tu finiras par te rendre compte que tu n’es rien. Un jour, tu seras tellement insignifiante que même ton ombre te tournera le dos.

Il se redresse alors, un sourire sadique se dessinant sur ses lèvres.

– Mais ce jour-là, tu seras toute seule, et tu ne pourras blâmer personne d'autre que toi-même.

Je serre les poings, mais je garde le silence. Parce qu'il a raison. Je suis seule. Toujours seule. Et plus je tente de m’échapper, plus mes liens se resserrent.

Je me retourne, prenant une grande inspiration pour me calmer, mais la scène qui se déroule sous mes yeux me fige sur place. Aric est là, au centre de la pièce, sa silhouette majestueuse dominant les autres. Il ne me voit pas. Pas encore. Mais sa présence suffit à me transpercer. Comme un rayon de soleil qui perce les nuages. Il est au sommet, il est l’alpha. Et moi… moi, je suis ici, à l’écart, sans importance.

Un autre rire éclate, cette fois plus proche. Aisha s’est approchée de lui, tout sourire, l’air presque complice, comme si elle espérait attirer son attention. Mais lui, il n’a d’yeux que pour la meute, il est un roi parmi des sujets. Alors pourquoi m’a-t-il regardée tout à l’heure ? Pourquoi ai-je ressenti cette étrange sensation d’être vue, même pour une fraction de seconde ?

Je secoue la tête, forçant mes pensées à se concentrer sur autre chose. Il ne s’agit pas de lui. Il s’agit de moi, de ce que je suis, de ce que ma famille me fait devenir.

Les paroles de Malik résonnent en boucle dans ma tête, et je me demande si un jour j’arriverai à m’échapper de tout cela. À m’échapper de cette meute, de cette famille, qui me rejette. Mais à cet instant, je sais qu’il est trop tôt. Pas maintenant. Pas encore.

Je me détourne à nouveau, incapable de rester là une seconde de plus. Mais chaque pas m’éloigne d’eux, et chaque pas me rapproche de ma propre solitude.

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