LE POINT DE VUE DE CHRISTINE
Allongée sur une chaise longue près de la piscine du pont supérieur, je savoure le clapotis régulier de l’eau et les derniers rayons du soleil sur ma peau bronzée. Mon corps est parfaitement moulé dans un maillot de bain noir.
Dans ma main droite, je tiens une coupe de champagne que je fais lentement tourner, le regard perdu quelque part entre le ciel et la mer.
Autour de moi, y'a plein de monde : les serveurs en uniforme blanc glissent sans bruit entre les transats, une douce musique jazzy flotte dans l’air.
Amanda et Noémie, mes deux meilleures amies, rient aux éclats près du jacuzzi. On dirait des enfants. Des enfants qui n’ont jamais entendu parler de responsabilités.
— Tu sais, Chris, je me demande encore comment tu fais pour garder cette forme de rêve alors que tu bois du champagne toute la journée, me lance Amanda en sirotant son cocktail multicolore.
— Le secret, chérie, c’est de ne jamais finir sa coupe… je réponds avec un sourire en coin, sans pour autant reposer la mienne.
Je retire mes lunettes de soleil, révélant mon regard noir, perçant, presque provocateur. On m’a toujours dit que mes yeux intimidaient. Peut-être est-ce vrai.
J’ai grandi dans un monde où tout m’était dû. Fille unique d’un magnat de la finance à la réputation internationale, j’ai appris très tôt que dans la vie, tout peut s’acheter, sauf l’élégance naturelle et ça, j’en suis pourvue.
Mon enfance était super : des étés dans les Hamptons, des hivers à Courchevel, des Noëls à Tokyo, des anniversaires à Dubaï. À dix ans, j’avais déjà un styliste personnel. À seize, un chauffeur. Et maintenant, à vingt-deux ans, je célèbre la fin de mes études sur l’un des yachts les plus luxueux du monde, entourée de mes meilleures amies et de l’élite européenne.
— Et cette robe ? demande Noémie, en désignant du doigt la robe noire moulante posée sur mon lit, visible à travers la baie vitrée de notre cabine. Tu comptes vraiment porter ça ce soir ?
— Absolument. Elle a été faite sur mesure à Paris. Papa l’a vue et m’a dit que j’allais faire de l’ombre aux étoiles. Et je compte bien lui donner raison.
Amanda lève les yeux au ciel.
— Ton père est beaucoup trop laxiste avec toi. Si je portais ce genre de robe devant le mien, il me ferait enfermer dans un couvent.
Sauf que le tien vend des climatiseurs, pas des entreprises entières à Wall Street, je réplique en riant.
-Allez, ce soir, on conquiert ce bateau, les filles. On est là pour marquer les esprits.
Le soleil disparaît complètement quand on regagne notre cabine pour nous préparer. Le paquebot, illuminé comme une ville en fête, vibre déjà des prémices du gala.
Les membres de l’équipage s’affairent, les passagers affluent en robes longues, smokings impeccables, bijoux hors de prix. Une ambiance presque irréelle.
Je connecte ma playlist au petit haut-parleur Bluetooth. Les basses sensuelles emplissent la pièce. Chacune de nous s’approprie un coin de la cabine.
Maquillage. Miroirs. Éclats de rire. Parfum. Rouge à lèvres écarlate. Tout s’enchaîne à la vitesse de l’excitation. L’effervescence est partout. Et peu à peu, on se transforme, toutes les trois, en déesses de la nuit.
J’enfile ma robe. Un fourreau noir satiné, fendu jusqu’à la cuisse, dos nu, parfaitement ajusté à ma taille. Il épouse mes courbes comme une seconde peau. J’accroche à mes oreilles les boucles en diamant que maman m’a prêtées, puis je glisse mes pieds dans des talons aiguilles vertigineux.
Amanda, fidèle à son goût, porte une robe rouge au décolleté plongeant. Noémie, elle, est douce comme toujours, avec sa robe couleur champagne parsemée de perles, légère et romantique.
— Ce soir, on leur montre qui sont les vraies reines de la nuit, dit Noémie en appliquant son rouge à lèvres.
— Champagne, drames et regards brûlants, ajoute Amanda. On veut tout !
Naomie me lance un clin d’œil complice en ajustant ses boucles d’oreilles.
— Tu sais que tu vas faire tourner toutes les têtes, ce soir, hein ?
— Et je compte bien les faire exploser, je réponds avec un sourire en coin.
Je me retourne lentement devant le miroir, faisant onduler le tissu fluide de ma robe. Chaque pli épouse mes formes comme s’il avait été cousu pour moi.
— Christine… si aucun homme ne s’évanouit en te voyant, je démissionne de mon poste de meilleure amie, déclare-t-elle en riant.
Je hausse un sourcil, amusée.
Je trace un trait net de rouge bordeaux sur mes lèvres, puis les presse l’une contre l’autre. Mon regard s’ancre dans le miroir, un éclat décidé au fond des pupilles.
— Mais ce soir, les filles… ce soir, je ne veux pas d’homme. Juste des regards. Des murmures. Peut-être un baiser volé, mais rien de plus.
— Ha ! s’exclame Amenda. Si tu le dis …
Naomie attrape sa pochette , élégante et minimaliste, puis se redresse pour lisser sa robe .
— Bon. Il est temps de les faire tomber. J’espère que cette soirée sera à la hauteur de nos tenues.
— Elle le sera, je dis en attrapant mon sac. Parce qu’on y va. Et que quand on arrive… tout change.
— Mission séduction activée, conclut Amenda en se levant, un sourire diabolique aux lèvres.
Je sais que je suis belle. Mais ce soir, je veux plus. Je veux être inoubliable. Je veux que les regards se tournent, que les cœurs s’emballent, que les conversations s’arrêtent juste le temps qu’on passe.
Ce soir, ce paquebot est mon royaume.
On sort de la cabine, portées par une nuée de parfums, de rires et de confiance en soi. Dans les couloirs, les regards se retournent déjà. Les murmures fusent. Des sourires apparaissent. Les yeux s’écarquillent.
Chapitre 62 LE POINT DE VUE DE DAMIEN J’étais encore dans la chambre, le téléphone à la main, les nerfs tendus comme un arc. Quand j’ai appelé Selena, ma voix n’était qu’un ordre sec :— Localise la voiture de Christine. Tout de suite.Elle a soupiré, comme toujours quand je lui demande quelque chose dans l’urgence, mais je savais qu’elle s’exécuterait. Une poignée de secondes plus tard, je reçois l’adresse. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.L’hôpital. Celui où le détective est hospitalisé.Je serre les dents. Qu’est-ce qu’elle fout là-bas ? Pourquoi elle ne m’a rien dit ?Normalement, Christine me dit tout. Même ses colères, même ses doutes. Mais là… elle est partie seule, en cachette, et en plus pour voir le détective ?Selena, à l’autre bout du fil, balance calmement :— Peut-être qu’elle n’a plus envie de te mêler à sa vengeance. Peut-être qu’elle veut régler ça seule.— Non, c’est pas vrai, je rétorque aussitôt, ma voix grondant. Christine m’aurait dit où elle allait. Ell
CHAPITRE 61LE POINT DE VUE DE CHRISTINEJ’entrai dans la chambre du détective à pas mesurés, le cœur battant à tout rompre. L’odeur d’hôpital, froide et métallique, me fit grimacer. Il était là, allongé, les traits tirés, le visage marqué par la douleur mais ses yeux, eux, brillaient d’une lucidité glaciale.— C’est bien que vous soyez venue, dit-il d’une voix encore rauque.Je serrai mon sac contre moi et hochai la tête.— J’espère… j’espère que vous vous trompez. Que Damien n’a rien à voir dans tout ça.Ses lèvres esquissèrent un sourire fatigué.— On le saura d’ici peu.Mes doigts tremblaient quand je sortis l’ordinateur de mon père et le posai sur ses genoux. Il se redressa lentement, étouffant un gémissement de douleur, puis l’ouvrit. L’écran s’illumina et il posa ses mains abîmées sur le clavier.— Je peux vérifier si quelqu’un a forcé un accès.Je fronçai les sourcils.— Mais… comment vous pouvez savoir ça ?Son regard vif se posa sur moi.— Les systèmes laissent toujours des
Chapitre 60LE POINT DE VUE DE CHRISTINELe matin, Damien dormait encore profondément, son souffle régulier emplissant la chambre. Moi, j’étais éveillée depuis longtemps déjà, le cœur battant d’un rythme trop pressé. J’avais pris ma décision durant la nuit, entre deux insomnies. Aujourd’hui, je devais agir.Je sortis du lit sur la pointe des pieds, retenant même ma respiration pour ne pas troubler la sienne. Mon téléphone, glissé discrètement dans la poche de mon peignoir, me paraissait peser une tonne. Je traversai le couloir, chaque craquement du parquet me donnant l’impression de hurler dans le silence. Puis je poussai la porte du bureau.Un frisson m’envahit aussitôt. L’air y avait cette odeur de vieux papier et de cuir qui ne m’avait jamais quittée. Ce bureau… c’était l’endroit où mon père m’avait appris à écrire mes premiers mots, où il me racontait ses projets d’affaires, ses rêves, mais aussi ses inquiétudes. J’entendis presque son rire résonner entre les murs, et un instant j
CHAPITRE 59LE POINT DE VUE DE CHRISTINE Je serrais le téléphone si fort que mes jointures en devinrent blanches. Mes mains tremblaient, mes pensées s’entrechoquaient comme des vagues en pleine tempête. Faut que je sache. Je dois savoir ce qu’il se passe vraiment. Mais comment ? Devrais-je en parler à Damien ? Lui répéter ce que le détective vient de me dire ? Non… ce serait insensé, suicidaire même. Quelle femme saine d’esprit accuserait l’homme qui a tout fait pour la protéger, sans preuve tangible ?Depuis qu’il est entré dans ma vie, Damien a été une épaule solide, un roc sur lequel je pouvais m’appuyer. Jamais il n’a donné le moindre signe d’ombre, jamais une faille qui aurait pu me faire croire qu’il était lié de près ou de loin aux tragédies qui ont ravagé ma famille. Au contraire… il m’a sauvée. Il a été là quand je m’effondrais, il a tenu ma main dans la douleur, il m’a relevée quand tout me semblait perdu.Et aujourd’hui… on voudrait me faire croire qu’il est l’auteur de to
Chapitre 58LE POINT DE VUE DE SELENAJe laissai un silence s’installer, volontaire, pour que sa menace résonne entre nous. Puis je me mis à sourire, lentement, presque avec douceur.— Tu sais quoi, Damien ? murmurai-je, en penchant légèrement la tête sur le côté. Tu crois toujours que tu peux me dicter ma conduite. Que tes choix sont légitimes, mais pas les miens. Tu crois que je vais plier parce que tu fronces les sourcils et que tu joues les grands seigneurs. Mais… je ne suis plus la petite sœur docile que tu pouvais protéger en me tenant par la main.Je fis un pas vers lui, réduisant encore l’espace. Son parfum, son souffle… je le sentais, tout près, mais je n’avais pas peur.— Tu veux que j’arrête de voir Roland ? poursuivis-je, la voix plus ferme. Alors toi, arrête de voir Christine. Parce que c’est la même chose. Tu crois que ta croisade pour la sauver ne nous met pas en danger ? Tu crois que coucher dans son lit ne t’attache pas encore plus à son destin, à ses ennemis ? Tu cro
Chapitre 57LE POINT DE VUE DE DAMIEN Je posai ma serviette sur la table, le sourire de façade toujours vissé sur mes lèvres, et dis doucement à Christine :— Je vais juste aux toilettes, je reviens.Elle hocha distraitement la tête, encore perdue dans ses pensées. Parfait.Je me levai, chaque pas mesuré, comme si je n’avais aucune urgence. Pourtant, à l’intérieur, mon cœur battait vite, trop vite. Mon regard balaya la salle, et je l’aperçus. Selena. Ou plutôt Victoria, comme elle s’amusait à se faire appeler ce soir. Elle riait légèrement à une blague de Roland, mais je savais que ce n’était qu’une couverture. Ses yeux, un instant, croisèrent les miens. Un éclat froid. Elle avait compris.Sans un mot, je passai à côté de leur table. Je ralentis à peine, juste assez pour qu’elle sache que je voulais lui parler. Son sourire ne bougea pas, mais je sentis son regard me suivre jusqu’au couloir qui menait aux toilettes.La porte battante claqua derrière moi. J’inspirai profondément, m’app