LOGINChapitre 7
LE POINT DE VUE DE DAMIEN
Il y a seize ans, ma mère est morte. On a dit que c’était un accident. Mais dans notre monde, les accidents n’existent pas. Il n’y a que des messages. Des leçons. Des trahisons.
Ce jour-là, dans ce manoir trop vaste pour ne pas étouffer, quelque chose a disparu. Pas un corps. Pas une preuve. Non… Juste un collier. Un bijou ancien, orné de rubis, que ma mère portait toujours. Elle disait qu’il l’avait protégée toute sa vie. Qu’il appartenait à ses ancêtres.
Et quand je l’ai retrouvée, le collier n’était plus là. Juste sa peau froide, son regard éteint, et cette impression tenace qu’elle avait été trahie par quelqu’un de proche.
Un an plus tard, je l’ai revu. Le collier. Il est réapparu comme une gifle à la figure, lors d’une vente aux enchères à Vienne. Et ce n’est pas un collectionneur ou un amateur d’antiquités qui l’a acquis. Non. C’était une gamine.
Une gamine à peine haute comme trois pommes, juchée sur la pointe des pieds sur la scène, sa robe de marque virevoltant autour de ses genoux. Elle a tendu les bras, fière comme une princesse. Et quand elle a saisi le collier, elle a souri.
Ce sourire… Il m’a brûlé la rétine.
Je ne connaissais même pas son nom à l’époque. Juste une petite fille trop riche, trop choyée, à qui on offrait des trésors comme on offrirait une friandise. Et moi… J’étais le fils qu’on oubliait dans les couloirs de la maison. Celui qui devait attendre qu’on l’autorise à parler. Celui que mon père regardait à peine.
Ce collier appartenait à ma mère. À la seule femme que ce salaud ait peut-être un jour aimée. Mais même ça, même ce souvenir, il l’a laissé filer entre ses doigts, pour faire plaisir à une autre famille, à un autre monde. Les Belmont.
Depuis ce jour, je n’ai rien dit. Rien montré. J’ai courbé l’échine. J’ai appris. Observé. Et lentement, j’ai gravé chaque marche dans la pierre, les mains pleines de sang et de silences.
Aujourd’hui, je suis à la tête de notre empire. Un empire que j’ai reconstruit à ma manière. Froid. Calculé. Impitoyable.
Et je n’ai jamais cessé de faire surveiller cette fille. Christine Belmont.
Les années ont passé. Elle a grandi, elle est devenue magnifique, arrogante, effrontée. Et moi… je patientais. Je guettais le bon moment.
Il y a deux mois, elle s’est inscrite sur cette croisière. Un voyage de luxe sur un yacht perdu au milieu de l’océan, rempli de jeunes fils et filles à papa qui pensent que l’univers tourne autour de leurs caprices. Des enfants gâtés. Des proies faciles.
C’était parfait.
Mon plan ? Détourner le yacht. Exiger une rançon d’un million par passager. Rien qu’un prétexte. Parce que ce que je voulais, moi, c’était elle. Et le collier.
Je me suis glissé à bord, déguisé en serveur. Tenue noire, regard bas, oreillette discrète. Je n’étais qu’une silhouette parmi d’autres. Et puis… je l’ai vue.
Christine.
Elle portait une robe noire , fendue jusqu’à la cuisse. Elle riait, une coupe de champagne à la main, entourée d’autres parasites dorés. Et puis, il y a eu ce type, un héritier quelconque, trop tactile. Elle l’a repoussé d’un revers de main comme on chasse une mouche, puis elle m’a vu. Moi. Invisible aux yeux de tous, mais pas à elle.
Son regard s’est accroché au mien. Un éclat. Un défi. Et sans prévenir, elle m’a attrapé par le poignet.
— Danse avec moi, murmure-t-elle. T’as pas l’air aussi chiant que les autres.
Je me suis laissé entraîner. Son corps s’est collé au mien, chaud, sûr de lui. Elle m’a dominé dès le premier pas, comme si elle dictait les règles et m’imposait sa cadence.
Et pendant que la musique battait dans mes tempes, pendant que ses doigts frôlaient ma nuque, j’ai compris : elle n’avait pas changé.
Toujours cette même fille capricieuse. Sublime. Provocante. Un peu cruelle. Le genre de femme qui obtient tout ce qu’elle veut… sauf cette fois.
Parce que cette fois, je tiens les rênes.
Cette nuit-là, je l’ai vue vaciller.
Et puis il y a eu ce type qui l'a drogué. Grand, costume bien taillé, sourire trop poli pour être sincère.
Je savais déjà. Ce genre de manège, je le repère avant même qu’il commence.
Au début, j’ai juste croisé les bras, adossé au mur, mon plateau vide coincé contre ma hanche. Un frisson de satisfaction m’a traversé. Elle allait tomber de haut, cette petite princesse trop gâtée. Enfin. Elle allait comprendre ce que c’était, l’impuissance. Ce que ça faisait de ne plus contrôler son corps, de ne plus être admirée mais convoitée. Détruite.
C’était bien fait pour elle. Une punition divine. Cosmique. Et je n’étais pas Dieu.
Alors j’ai tourné les talons.
Mais mes jambes ont refusé d’avancer.
Mon poing s’est serré autour du plateau. J’ai respiré fort. Longtemps. Pourquoi je m’en foutais pas, putain ? Pourquoi ça me tordait le ventre comme ça ?
Je l’ai regardée s’éloigner, titubante, sa tête tombant mollement sur l’épaule de cet enfoiré. Ses jambes ne suivaient plus. Elle ne parlait presque plus. Une poupée qu’on traînait dans un couloir de luxe, sous les projecteurs d’un yacht doré.
Je savais ce qu’il allait lui faire.
Je l’ai suivi.
Pas parce que je tenais à elle. Non. J’avais une mission. La vengeance, l’humiliation, c’était tout ce que je voulais. La faire plier, la briser, lui reprendre ce qu’elle n’aurait jamais dû posséder. Mais cette nuit-là, dans ce couloir étouffant, un autre instinct a pris le dessus.
Quand j’ai poussé la porte de la cabine, un frisson m’a traversé l’échine. Il était déjà en train d’arracher sa robe.
Christine avait la robe déchirée jusqu’au ventre. Le tissu pendant, misérable.
Elle essayait. Elle luttait. À moitié consciente, les bras faibles, les yeux dans le vague, droguée jusqu’à la moelle.
Je lui ai donné un coup avec l'extincteur. Le bruit de son crâne cognant contre le chambranle a été assourdissant, mais délicieux.
Il n’a même pas eu le temps de gémir.
Je l’ai balancé dehors comme un sac d’ordures.
Et puis je me suis retourné vers elle, je l'ai demandé où était sa cabine. Je l’ai soulevée, lentement, avec précaution. Elle pesait à peine. Une coquille vide.
Une fois à l'intérieur de sa cabine je l'ai installée.
Christine, ses cheveux en bataille, la bouche entrouverte, la poitrine qui se soulevait à peine sous la fine bretelle de sa robe baissée. Je me suis approché lentement, comme un animal sur le point de flairer une proie blessée.
Je n’aurais pas dû rester.
Mais elle a tendu la main, me suppliant de rester…
Je l’ai regardée pendant de longues minutes. J’aurais pu appeler à l’aide, la faire transférer à l’infirmerie, partir comme si de rien n’était. Mais quelque chose en moi... m’a cloué là.
J’ai tendu la main.
D’abord pour replacer une mèche de cheveux humide qui collait à sa joue. Puis pour effleurer sa clavicule, si fine qu’on aurait cru qu’elle allait se briser sous mes doigts. Mon cœur cognait. Fort. Comme si je m’apprêtais à plonger dans quelque chose d’interdit. De dangereux.
Je me suis penché sur elle.
J’ai murmuré son prénom. Juste pour entendre comment il sonnait sur mes lèvres. Elle n’a pas répondu. Mais son corps a frissonné. Presque imperceptiblement.
Étendue là, fragile, vulnérable, le souffle court, les cuisses serrée.
Le produit faisait effet. L'homme l'avait bien dosé avec précision pour la forcer à se confronter à ses instincts les plus bruts, les plus primaires.
Alors ce soir, j’ai décidé de la faire plier.
Pas par la douleur.
Par le désir.
Je me suis approché d’elle lentement, comme un prédateur qui savoure sa proie avant de la mordre. Elle a tressailli sous mes doigts. Ses muscles ont réagi avant son esprit. J’ai effleuré sa peau, sa nuque tendue, ses seins frémissants sous le tissu à moitié arraché. Chaque contact la faisait haleter, comme si elle en voulait plus… mais qu’elle refusait de le reconnaître.
Je voulais la briser, oui.
Je voulais la voir mendier.
Je voulais entendre mon prénom sortir de sa bouche dans un souffle brisé. Pas de peur. De besoin.
Alors je l’ai provoquée. Lentement.
Un doigt qui s’attarde là où elle devient folle. Une langue furtive sur la ligne de sa mâchoire. Des mots crus soufflés à son oreille, juste pour la faire gémir, pour l’obliger à admettre qu’elle n’était pas indifférente.
Et puis, ses hanches ont bougé.
Un frémissement. Une plainte étranglée. Un “s’il te plaît” presque inaudible.
C’est là que je l’ai regardée vraiment.
Ses joues rougies. Son torse qui se soulève à chaque inspiration tremblante. Ses jambes qui s’ouvrent lentement pour moi .
Putain. J’ai senti une tension sauvage me traverser le ventre.
Elle était à moi. Enfin. Plus de barrières. Plus de fierté. Juste ça : sa soumission, offerte, nue, désarmante.
Elle m’a supplié de la prendre.
Et à cet instant précis, j’ai ressenti quelque chose que je n’avais pas anticipé : de la jouissance, oui, mais aussi… une forme de libération.
Plus de colère.
Plus de vengeance.
Seulement elle.
Je l’ai pénétrée sans douceur. Elle s’est cambrée, un cri déchirant s’est échappé de ses lèvres, mêlé de douleur et d’extase. Elle me voulait. Elle me rejetait. Elle s’y perdait, et moi avec.
Elle s’est accrochée à moi, comme si j’étais la seule chose qui la rattachait au réel.
Je suis allé plus loin, plus fort, la tenant contre moi, collé à sa peau brûlante. Chaque gémissement qu’elle lâchait, chaque contraction autour de moi, me faisait vriller un peu plus.
Et dans ce tourbillon de sueur, de chair et de haine oubliée, j’ai tout lâché.
Mes principes. Ma mission. Le collier , Rien ne comptait plus.
Juste elle. Et ce putain de vertige qui m’aspirait avec elle.
La nuit tombe sur la villa.Une nuit qui, en théorie, devait être calme.Reposante.Magique.En théorie.Damien installe Éliana dans son berceau, hyper concentré, comme si poser un bébé était une opération militaire de haute précision.— Très bien, ma princesse… tu vas dormir toute la nuit, hein ? Juste une petite nuit. Papa est fatigué, tu vois ?Je lève un sourcil.— Damien, elle a trois jours.— Oui, trois jours… mais elle peut au moins essayer, non ?Je ris.Il me regarde, l’air vexé, mais déjà amoureux de sa propre fragilité.Raphaël, lui, dort profondément.On ose à peine respirer pour ne pas le réveiller.On se glisse dans notre lit.Damien me colle immédiatement, me couvre de son bras, soupire très fort.— Enfin… un moment de paix.Trente secondes.Puis :OUAAAAAAAAAHHHH !Éliana.Et Raphaël, évidemment, se réveille par solidarité fraternelle.Damien bondit du lit comme s’il avait entendu une grenade.— Quoi ?! C’est quoi ?! Ils font ça toujours en même temps ? Pourquoi ils fo
Du point de vue de ChristineLes portes automatiques s’ouvrent dans un bruit sec.Lumière blanche.Odeur de désinfectant.Et le chaos.— URGENCE OBSTÉTRIQUE ! CRIE DAMIEN.— Une femme en travail, jumeaux ! C’est urgent !Il ne me lâche pas.Sa main est collée à la mienne, tremblante mais solide.Deux infirmières arrivent en courant.— Posez-la sur le fauteuil, monsieur.— Je la pose pas ! Je la laisse pas ! Je reste avec elle !— Monsieur, laissez-nous—— NON !Je sens sa panique vibrer dans son bras.Une contraction me déchire à nouveau.Je serre les dents, la main de Damien, tout ce que je peux.— Madame, respirez… respirez…— Je… j’y arrive pas ! Ils viennent… je le sens !Damien devient presque fou.— Mais bougez-vous, bordel ! Vous entendez pas qu’elle souffre ?!Les infirmières échangent un regard inquiet :un mari paniqué, un travail qui avance trop vite, un cas critique.On me roule vers la salle d’accouchement.Les lumières défilent au-dessus de moi, comme des éclairs.Damien
Je suis assise dans l’un des fauteuils de la nursery, mes mains sur mon ventre rond, lorsque j’entends soudain une agitation dans le couloir.Des voix.Des pas pressés.Des cartons qu’on transporte.Et au milieu du chaos… la voix de Damien, en mode chef de chantier.— Doucement avec ça ! C’est fragile, bon sang !— Patron, c’est vous qui avez dit de faire vite !— Oui mais vite intelligemment, pas vite comme des cervelles de moineaux !Je souris malgré moi.Je savais qu’il était allé à la boutique.Je savais qu’il allait revenir avec de la déco.Mais je n’imaginais pas… une armée.La porte s’ouvre brusquement.Quatre hommes entrent avec des rouleaux de papier mural étoilé.Trois autres portent des panneaux lumineux en forme de lunes.Deux femmes poussent un chariot rempli de guirlandes nuageuses et de mobiles célestes.Et derrière eux, un designer tiré à quatre épingles tremble littéralement.— Bonjour… Madame Damien… commence-t-il.Je ris.— C’est juste Christine.— Oui, bien sûr ! C
Du point de vue de DamienLe soleil du matin traverse doucement les rideaux de la chambre, une lumière chaude venant se poser sur le lit.Je me réveille lentement… et la première chose que je vois, c’est elle.Christine, endormie sur mon bras, les cheveux éparpillés sur l’oreiller comme une cascade.Son ventre rond soulève légèrement la couverture.Elle respire doucement, paisiblement, comme si le monde entier n’existait plus.Mon cœur se serre.Encore une fois.Toujours.Je passe une main sur sa joue et je la caresse du bout des doigts.Elle bouge un peu, tourne la tête vers moi et pousse un petit soupir.Je murmure :— Réveille-toi doucement, mon amour…Elle ouvre enfin les yeux — encore à moitié perdue — et cette seconde où elle me reconnaît…je crois que c’est mon paradis.— Mmmh… Damien… tu es déjà réveillé ? chuchote-t-elle, la voix encore endormie.Je souris.— Je te regardais dormir.— Encore ?— Tout le temps. C’est devenu une habitude.Elle rit doucement, ce petit rire qui m
Du point de vue de DamienJ’entrais dans la cuisine, pensant trouver Ricardo ou l’un des chefs.Mais non.C’est Christine.Debout.Échevelée.Portant un de mes t-shirts qui lui arrivait aux cuisses.Et mélangeant quelque chose dans une casserole.Elle se tient le dos, juste une seconde, comme si quelque chose tirait un peu.Je fronce les sourcils.— Christine… qu’est-ce que tu fais ?Elle sursaute, se retourne, et me sourit d’un air coupable.— Je voulais juste… cuisiner un peu.Je m’approche, lentement, en la détaillant de haut en bas.Ses yeux fatigués, ses mouvements un peu lents, ses épaules affaissées — elle n’a clairement pas l’énergie pour ça.— Bébé…Je pose mes mains sur ses hanches.— Tu avais besoin de quelque chose ? Tu pouvais appeler Ricardo.— Oui mais…Elle hausse les épaules.— Ça me manque.— Ça te fatigue, oui.Elle baisse les yeux.Et là… je vois la petite secousse de ses jambes, comme si elle avait porté toute la planète pendant une heure.Je soupire et éteins la
Du point de vue de ChristineJe suis dans le salon, installée sur le canapé, une couverture sur les jambes. Damien est assis juste à côté de moi, la tête penchée sur mon ventre comme s’il lisait un livre sacré.— Les bébés… ? Vous êtes réveillés ? murmure-t-il avec un sourire tellement tendre qu’il me donne presque mal au cœur.— Arrête, ils ne comprennent pas encore…— Mais ils sentent… et c’est suffisant.Ses doigts caressent mon ventre… et BAM, un petit coup répond.Damien éclate de rire.Il pose un bisou et un autre coup arrive.— Tu vois ? Ils me reconnaissent.Je n’ai même pas le temps de répondre.Selena débarque.En basket, jean et t-shirt noir — look “je n’ai pas le temps”.— MAIS ?!Elle s’approche, les mains sur les hanches.— Je pars deux secondes et vous êtes déjà en train de faire une visioconférence utérine sans moi ?— Selena… commence Damien.— Non. NON. Laisse-moi parler.Elle pointe mon ventre :— Pourquoi ils réagissent que quand toi tu touches ?!Je ris. Damien au







