Chapitre 6
LE POINT DE VUE DE Damien MONTBRUN
« Je te jure que je ne l’ai plus revue depuis ce jour-là. »
Elle a dit ça, le premier jour, la voix rauque, presque cassée. Depuis… plus rien.
Trois jours que je la tiens enfermée ici. Trois putains de jours. Pas un cri. Pas une larme. Pas même un regard vers moi. Christine Belmont… la princesse intouchable, silencieuse comme une tombe.
Elle est là, assise sur cette chaise en cuir usé, les poignets attachés juste assez fort pour lui faire sentir qu’elle n’est plus en contrôle. Ses jambes croisées, les chevilles liées. La robe noire qu’elle portait le soir où je l’ai enlevée est froissée, glissée sur son épaule, dévoilant une parcelle de peau.
Sa nuque, ses clavicules.
Je m’approche. Lentement. J’entends son souffle s’accélérer. Elle reste droite, la tête haute, mais ses doigts tremblent à peine. Je la connais maintenant, je sais reconnaître ses minuscules failles. Elle est douée pour les masquer, mais je les traque.
Je les savoure.
Je m’agenouille devant elle. Nos regards se croisent enfin. Ses yeux, d’un vert profond, me transpercent avec autant de haine que de défi.
— Rien à dire, Christine ? Rien du tout ?
Elle baisse les yeux. Silence.
— Ton silence commence à me gonfler. Tu penses que je vais lâcher l’affaire juste parce que tu la joues martyre? Tu crois que ton petit jeu me touche?
J’ai tout essayé. La douleur, la honte. Rien. Elle ne parle plus et ne crie plus. Même pas une supplication.
J’aurais jamais cru qu’une femme qui dit rien, ça pouvait frapper aussi fort.
Au début, elle était en feu. Elle gueulais, fière, presque provocante . Ces yeux me défiaient. Et même à moitié crevée, elle se redressais. Comme si elle avais encore le dessus.
J’avais rêvé de la voir comme ça. Brisée .
Je me souviens quand elle a fermé sa gueule pour de bon. C’était la nuit. Elle gelait. Les lèvres violettes, les bras croisés, à peine en train de respirer. Mais pas un mot. Pas une plainte.
Je lui ai mis une gifle. Doucement. Juste pour voir si y’avait encore un peu de feu en elle . Une réaction.
Mais elle a juste éteint son regard. Elle était là, mais déjà partie. Comme si j’existais plus.
Et depuis, rien. Juste ce silence qui me ronge. Qui me fout la rage.
Je pourrais la fouetter. L’attacher plus fort. La forcer à ramper. Mais à quoi bon, si même la peur a déserté ses traits ? Ce n’est plus une question de vengeance. C’est devenu personnel. Intime.
Chaque nuit, je me tiens debout devant elle. Parfois, je l’observe dormir. Parfois je m’assois juste là, sur la chaise en face, et je la regarde respirer.
Je me hais de ressentir ça.
Je devrais vouloir la briser. Je devrais ne voir en elle qu’une voleuse arrogante. Une fille de bonne famille qui s’est accrochée à ce collier sans savoir ce qu’il cache.
Ce collier…
Je serre les poings.
Ce foutu collier.Elle n’a jamais su qu’il appartenait à ma mère. Qu’il est tout ce qu’il me reste d’elle.
Et ce n’est pas qu’un bijou. Il renferme quelque chose. Une puce. Un indice. Une vérité que personne ne veut que je découvre. Ce n’est pas un bijou, c’est une clé. Une clé pour comprendre pourquoi elle est morte comme un chien dans cette foutue villa.
Elle ne le quittait jamais. Pas même pour dormir.
Elle le caressait parfois, machinalement, comme si c’était un talisman. Une armure contre ses propres démons. Et puis un jour… elle est morte. Brutalement.
Et le collier a disparu.
Volatilisé. Avec elle. Avec ses secrets.
Peut-être même que ce collier renferme la vérité sur ce qui est arrivé à ma mère. Les vraies raisons de sa mort. Des aveux. Des documents. Une liste. Un testament caché. Je ne sais pas encore.
Damien Montbrun. Voilà mon nom. Voilà l’homme que je suis devenu : un homme prêt à enfermer, faire souffrir, plonger dans l’ombre… pour un bijou qui cache peut-être toute la vérité sur la mort de celle qui m’a donné la vie.
Jusqu’à ce que je le retrouve. Sur elle.
La fille des gens qui ont tout. L’héritière parfaite.
Le dernier maillon du mensonge.
Je me lève, encore une fois. Mes pas résonnent dans la pièce comme des coups de marteau dans le silence.
Je m’approche. Je la vois se raidir. Même là, elle refuse de reculer.
— Regarde-moi, je dis.
Elle ne bouge pas.
Je tends la main. Je lui attrape le menton. Doucement, presque tendrement. Sa peau est tiède. Tremblante. Elle fronce à peine les sourcils, mais ses yeux restent vides.
— Christine…
Ma voix se fait plus basse, rauque, presque suppliante sans que je le veuille.
— Tu vas parler. Tu dois parler.
Elle cligne lentement des yeux. Je sens ses cils effleurer mes doigts. Mon souffle cogne contre sa joue.
— Dis-moi où se trouve ce collier . A qui tu l’as donné. Ce que tu sais.
Rien.
Le silence, encore.
Je me penche plus près, jusqu’à ce que ma bouche effleure sa peau.
— Parle. Ou je recommence.
Un frisson la traverse. Elle détourne le visage, à peine. C’est la seule réponse que j’obtiens.
Mais c’est suffisant.
Car je sais qu’elle m’entend.
Et moi… je ne suis pas encore prêt à abandonner.
Chapitre 34LE POINT DE VUE DE M. BELMONTJe ne sais même plus comment j’ai tenu debout. J’étais dans ma voiture, les mains crispées sur le volant, et le téléphone n’arrêtait pas de sonner. Chaque vibration était comme un coup de marteau dans mon crâne. Je finis par décrocher, le souffle court.— Monsieur Belmont ? La voix affolée de mon directeur d’usine grésilla dans l’habitacle. Les comptes sont vides… Nous n’avons plus de quoi payer les employés, ni même couvrir les livraisons. On est… on est en faillite.Je serrai les dents si fort que ma mâchoire menaça d’éclater.— Impossible. Vérifiez encore ! J’ai placé des fonds de secours pour parer à ce genre de situation !Un silence, puis la voix, brisée :— Tout a disparu, monsieur. Tout.Je coupai brutalement l’appel, mais à peine avais-je reposé le téléphone qu’un autre numéro s’affichait. Une société de transport. Puis une autre. Puis un fonds d’investissement. Tous me disaient la même chose : faillite, dettes, zéro en caisse. Mes en
Le point de vue de Damien Je m’enfermai dans la salle de bain, refermant la porte le plus doucement possible, comme si le moindre clic du verrou pouvait signer ma mort. Mes mains étaient moites, mon souffle saccadé. Je plaquai mon dos contre le mur glacé, sentant la porcelaine de la cuvette juste à côté de moi.Mon cœur battait à un rythme insoutenable, chaque pulsation résonnait dans mes tempes comme un tambour de guerre. Respire, Damien. Respire. Mais rien n’y faisait. J’avais l’impression que mes poumons se vidaient sans jamais se remplir.De l’autre côté de la porte, j’entendais les pas de Belmont. Lents. Lourds. Chacun d’eux s’écrasait sur mon âme comme une condamnation. Puis, plus rien. Le silence.Mon esprit s’emballa. Et si… Et s’il avait remarqué quelque chose d’éteint sur l’ordinateur ? ? Et s’il savait déjà que quelqu’un se trouvait dans cette pièce ?Je serrai les poings, crispant mes doigts contre mes paumes au point de sentir mes ongles s’y enfoncer.Puis, j’entendis le
Chapitre 32LE POINT DE VUE DE DAMIEN Je restai debout, figé, le regard rivé à l’écran de l’ordinateur de Belmont. Le virus rampait déjà dans ses entrailles numériques, et chaque ligne de code qui s’affichait ressemblait à une détonation silencieuse dans ma tête. Le tic-tac de l’horloge sur le mur sonnait comme une provocation. Chaque seconde paraissait une éternité.Je portai le téléphone à mon oreille. Ma respiration était lourde, oppressée.— Dis-moi… il reste combien de temps ?Sa voix claqua, calme mais ferme, comme toujours :— Encore quelques minutes.Quelques minutes… Une éternité. Je passai une main dans mes cheveux, nerveux, incapable de tenir en place. Mon cœur battait comme un tambour de guerre. Alors je me mis à marcher, des allers-retours dans la pièce, les mains serrées en poings.Mon regard se posa sur le coffre-fort, lourd, imposant, encastré dans le mur comme une sentinelle muette. C’était là, derrière cette forteresse de métal, que reposait ce que je désirais plus
Chapitre 31. LE POINT DE VUE DE DAMIENMon esprit bouillonnait encore des images que j’avais vues, et surtout de la présence de ce fameux Roland. J’avais deviné depuis un moment qu’il existait, car j’avais surpris des bribes de conversation en écoutant à la porte du bureau de monsieur Belmont. Mais le voir en chair et en os, aujourd’hui, m’avait profondément surpris. Je ne m’attendais pas à ce qu’il apparaisse si vite, encore moins dans un contexte aussi tendu.Alors, oui, la petite scène que j’avais jouée devant Christine n’était qu’une comédie. Je voulais qu’elle croit que je découvrais l’existence de son fiancé. C’était une manière de la pousser à s’expliquer, à se livrer, à me dire enfin toute la vérité de sa bouche.Dans la chambre, elle me fit face, visiblement nerveuse. Ses mains tremblaient légèrement, et ses yeux fuyaient parfois les miens. Elle savait que la situation exigeait des explications, et pourtant, je sentais aussi une certaine détermination dans sa voix lorsqu’e
Chapitre 30. LE POINT DE VUE DE DAMIEN— « Alors ? » dis-je en baissant la voix.Elle me fit signe d’approcher. Son ton était bas, presque un murmure, mais je sentais dans ses mots cette assurance glaciale qu’elle seule pouvait dégager.— « On va faire simple, Damien. J’ai programmé une clé USB piégée. Elle est bourrée de virus… du genre que même les pare-feu les plus blindés ne peuvent pas détecter. »Elle sortit de la poche intérieure de sa veste un petit objet noir, anodin en apparence, mais qui pouvait faire plier les systèmes de sécurité les plus robustes. Ses doigts fins le faisaient tourner entre eux avec une aisance agaçante. Comme si ce n’était rien.Je fronçai les sourcils, serrant la mâchoire.— « Tu veux que j’introduise ça dans l'ordinateur de Belmont ? »Elle hocha la tête, ses yeux brillant d’un éclat presque enfantin, mais dangereux.— « Exactement. Tu n’auras qu’à trouver un accès USB relié à son système de sécurité. Dès que tu branches, je prends le relais. Le reste
Chapitre 29. LE POINT DE VUE DAMIENLe lendemain matin, je fus tiré du sommeil plus tôt que je ne l’aurais voulu. Mes yeux s’ouvrirent d’un coup, comme si mon corps refusait de s’accorder le luxe du repos. À mes côtés, Christine dormait encore, paisible, une mèche rebelle posée en travers de sa joue. Je restai un instant à la regarder respirer, son visage détendu contrastant avec la tension qui me rongeait. Puis je me levai doucement, essayant de ne pas troubler son sommeil, et filai à la douche.L’eau glacée coulant sur ma peau me ramena brutalement à la réalité : je n’étais pas ici pour m’abandonner dans ses bras, pas vraiment. Chaque minute passée dans cette maison était un risque supplémentaire. Belmont me surveillait déjà… je le sentais.J'étais habillé en revenant dans la chambre, je fus surpris de trouver Christine debout, éveillée, les yeux rivés sur moi. Elle m’accueillit d’un sourire malicieux.— « Tu comptais aller où, comme ça ? » demanda-t-elle d’une voix douce mais piqu