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LA HAQUEUSE ET LE MAFIEUX
LA HAQUEUSE ET LE MAFIEUX
Author: L'invincible

Chapitre 1 – La Clé d’Entrée

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-05-07 23:47:23

SASHA

Les chiffres dansent devant mes yeux.

Des lignes de code défilent à une vitesse folle.

Je suis dedans.

Le monde extérieur s’efface. Le béton froid du hangar devient un écho lointain, l’odeur de métal et d’huile brûlée ne me touche plus. Il n’y a plus que moi, le clavier, et cette brèche minuscule dans la forteresse numérique du cartel Moretti. Le genre de faille que personne ne voit. Sauf moi. Parce que je vis pour ça. Pour l’impossible. Pour l’interdit.

La pluie martèle le toit en tôle comme une mitraillette. Le bruit est assourdissant, presque hypnotique. Mes doigts glissent sur les touches sans hésitation. Chaque commande que j’entre me rapproche d’une vérité qu’aucun humain ne devrait connaître.

Je suis à la frontière du néant. Une erreur, et je meurs. Pas de procès. Pas de seconde chance.

Mais je souris.

Parce que je suis à deux lignes de toucher le cœur du monstre.

Une porte cryptée clignote sur mon écran. Sa surface est noire, brillante, intimidante. Elle pulse, comme un organe vivant, protégé par une triple sécurité biométrique et un algorithme mouvant. Un système conçu pour être inviolable. Une chimère. Un avertissement.

Je n’en ai rien à foutre.

Je déploie mon cheval de Troie, injecte la première phase de mon virus une bête numérique affamée qui se faufile entre les lignes de défense. Le système résiste. Je souris plus fort. Le défi m’excite. Chaque barrière que je franchis est un frisson, une victoire, un cri silencieux dans ma tête.

Et puis, je le vois.

Operation Cendres.

Trois mots. Mais mon instinct s’enflamme.

Les dossiers liés sont cryptés en profondeur. Pas du trafic de drogue ordinaire. Pas de la contrebande ou du blanchiment. Non. C’est autre chose. Plus sombre. Plus personnel. Je sens la tension du système autour de cette clé. Je sens qu’elle ne devait jamais être vue. Et moi, je regarde.

Je suis à deux secondes de tout ouvrir. Deux secondes d’éternité.

Je clique.

Et le monde s’effondre.

ERREUR SYSTÈME.

ALERTE ACTIVE.

TRACE DÉTECTÉE.

— Merde…

La panique, immédiate. Physique. Comme une gifle.

Je frappe les raccourcis. Coupe l’alimentation. Le système lutte, se débat. J’efface les logs. Je crame les ponts. Mon disque dur est réduit en poussière par une impulsion magnétique. Je débranche tout. Mon cœur bat dans ma gorge.

Je n’ai pas le temps de réfléchir.

Je dois disparaître. Maintenant.

Je ramasse mon sac déjà prêt, attrape la clé contenant le fragment que j’ai pu extraire, et me faufile par la trappe arrière du hangar. La nuit m’avale. Le froid me déchire les os. La pluie est glaciale, mais je cours. À travers les ruelles, les flaques, les ombres. Chaque silhouette pourrait être une arme. Chaque feu de voiture, un guet-apens.

Je viens de voler quelque chose à l’homme le plus dangereux d’Europe.

Et il ne le laissera pas passer.

LUCIANO

L’orage fait vibrer les vitres blindées de mon bureau.

Un éclair découpe le ciel, révélant un décor que peu ont eu le droit de voir. Bois sombre. Livres anciens. Un mur entier couvert d’écrans. Le reste de la pièce est plongé dans une pénombre contrôlée.

Je joue aux échecs contre moi-même. Un roi blanc isolé. Piégé par la lente avancée d’un fou noir.

Mon téléphone vibre trois fois. Une vibration grave. Codée.

Je ne bouge pas. Mateo entre. L’air fermé. Les yeux sombres.

— Quelqu’un a tenté d’entrer dans Cendres.

Je ne réponds pas tout de suite. Je me lève, tourne la tête vers l’écran. L’image est claire. Une tentative de pénétration. Mais pas une erreur de débutant. Non. Une intrusion méthodique. Calculée. Audacieuse.

— Combien de niveaux franchis ?

— Tous. Jusqu’à la dernière serrure.

— Et l’empreinte ?

— Unique. Un virus personnalisé. Non répertorié. Origine masquée, mais j’ai isolé un fragment. On cherche encore le vecteur d’entrée.

Je tends la main. Mateo me donne la clef. Je l’analyse. J’en reconnais le style. La signature d’un esprit dangereux. Une tueuse de codes. Une sorcière de silicium.

— Qui ?

Mateo hésite. C’est ce qui m’inquiète. Il sait que je déteste attendre.

— C’est une femme.

Je reste silencieux.

Puis je souris. Un rictus sans chaleur.

C’est rare. Une femme capable d’un tel exploit. Rarissime. Mais plus encore : elle ne savait pas. Elle ne pouvait pas savoir ce qu’elle a touché. Ce qu’elle a réveillé.

Cendres, c’est plus qu’un projet. C’est une promesse. Une fin.

— Je veux tout savoir. Nom. Visage. Dents. ADN. Rêves. Cauchemars.

— Bien, monsieur. On lance la traque ?

— Pas encore. Laisse-la croire qu’elle a fui. Observe-la. Pousse-la à refaire surface. Et ensuite…

Je fixe le pion blanc, seul sur l’échiquier.

— … on ferme la grille.

SASHA

Je traverse des frontières comme on traverse des rêves.

Une fausse identité. Une perruque. Un accent. Chaque jour, je me transforme.

Je ne dors plus.

Je ne mange plus vraiment.

Mais j’écoute. Et j’attends.

Des rumeurs courent dans les réseaux sombres. Quelqu’un cherche. Quelqu’un paie cher. Très cher.

Et dans le code… dans les recoins du darknet, j’ai senti son empreinte. Il est là. Partout. Invisible. Comme une bête tapie dans le réseau. Il sait. Il me traque. Il ne se précipite pas.

Il savoure.

Mais moi aussi, j’ai mes armes.

Je trace. Je piège. Je contre-attaque.

Je veux comprendre ce qu’est Cendres.

Je veux savoir pourquoi ce fichier était si protégé, si sacré.

Et peut-être… peut-être qu’une partie de moi veut le revoir.

Pas en chair et en os. Pas encore. Mais en présence. En trace.

En frisson.

Je ne sais pas ce qui me pousse à rester connectée. À rester si proche de la ligne rouge.

Mais je sens que ce n’est plus seulement une guerre de données.

C’est une partie d’échecs.

Et je refuse d’être un pion.

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