Home / Mafia / LE PRIX DE LA HAINE / Chapitre 5 : Le Silence des Couloirs

Share

Chapitre 5 : Le Silence des Couloirs

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-12-02 20:51:40

Lilith

Le sang a fini par coaguler, formant un lacis noirâtre et douloureux sur ma peau. Personne n'est venu panser la blessure. Personne n'a prononcé un mot de réconfort. La gouvernante m'a jeté un regard vide en apportant le dîner , une assiette de soupe froide et un morceau de pain , puis est repartie sans un bruit. La solitude dans cette chambre est pire que tout. C'est un silence qui pèse, qui étouffe, peuplé des échos de leurs voix et du souvenir de la lame sur ma chair.

La nuit est tombée, drapant le manoir dans une obscurité épaisse. Les murs semblent se resserrer, les ombres s'animer. Je reste assise sur le lit, le dos contre la tête de lit en bois sculpté, les genoux remontés contre ma poitrine. Je serre mon bras blessé contre moi. Chaque pulsation douloureuse est un rappel : je ne suis plus humaine. Je suis une chose. Une propriété endommagée.

Un bruit.

Subtil. Presque imperceptible. Ce n'est pas le pas lourd de Cain, ni la démarche assurée de Damian. C'est un frottement. Comme du tissu contre le bois.

Mon corps se fige. Mon souffle se bloque. J'écoute, tous mes sens en alerte.

Le bruit provient du couloir. Il se rapproche. Lentement. Méthodiquement. Ce n'est pas la gouvernante. Son pas est léger, rapide.

La poignée de ma porte bouge.

Elle ne tourne pas. Elle bouge. Comme si quelqu'un la touchait, la caressait de l'autre côté.

La peur m'envahit, une peur froide et visqueuse, différente de la terreur violente que j'ai connue plus tôt. Celle-ci est sournoise. Elle glisse dans mes veines comme un poison.

La poignée cesse de bouger.

Un silence.

Puis, un nouveau son. Un grattement. Doux. Répétitif. On dirait des ongles qui errent sur la surface de la porte, cherchant une prise, un moyen d'entrer.

C'est lui. Cain. Cela ne peut être que lui. Cette approche torturante, ce jeu malsain... cela lui ressemble.

— Laissez-moi tranquille, je chuchote, ma voix n'est qu'un souffle rauque dans le silence.

Les grattements s'arrêtent. Comme s'il avait entendu. Comme s'il écoutait.

Puis, ils reprennent, plus insistants. Plus rapides. Criiik... criiik... Le son me transperce le crâne, s'insinue sous ma peau. Je me bouche les oreilles, serrant les yeux, mais je l'entends encore. C'est en moi.

Soudain, un choc sourd contre la porte. Un seul. Lourd. Menaçant.

Je sursaute, un petit cri étouffé m'échappant. Mon cœur bat à tout rompre, cognant contre mes côtes comme un oiseau affolé.

Le silence revient, plus lourd, plus oppressant que jamais. J'attends, pétrifiée, les muscles tendus à se rompre. Une minute. Deux. Rien.

Peut-être qu'il est parti. Peut-être que ce n'était qu'une intimidation de plus, un jeu pervers pour me maintenir dans la peur.

Je desserre légèrement mes mains sur mes oreilles, osant à peine respirer.

C'est alors que je l'entends.

Une respiration.

Lente. Profonde. Juste de l'autre côté de la porte. Si proche que je pourrais jurer sentir son souffle chaud traverser le bois.

Il est là. Il ne fait rien. Il ne dit rien. Il se contente d'être là, à m'écouter trembler, à savourer ma terreur. Cette proximité silencieuse est pire qu'une violence ouverte. C'est une violation de mon espace, de mon intimité déjà si violemment bafouée. C'est une promesse. Une promesse qu'il peut me toucher, même à travers les murs. Qu'il n'y a nulle part où me cacher.

Les larmes coulent à nouveau, chaudes et silencieuses. Je me recroqueville davantage, me faisant aussi petite que possible, espérant disparaître, devenir invisible.

La respiration, de l'autre côté, semble s'accélérer légèrement. Comme s'il sentait ma détresse. Comme s'il s'en nourrissait.

Puis, elle cesse.

Un pas, cette fois clairement identifiable – celui, lourd et traînant, de Cain – s'éloigne dans le couloir. Il siffle même un air bas et discordant, un air de victoire.

Je reste prostrée sur le lit, longtemps après que ses pas se soient évanouis. Tremblante. Humiliée. Vaincue.

La leçon de Damian était une torture physique, une marque visible de leur emprise. Celle de Cain, ce soir, était une torture de l'esprit. Une entaille plus profonde, invisible, tracée directement dans mon âme.

Je me couche enfin, épuisée, mais le sommeil ne vient pas. Chaque ombre dans la pièce prend sa forme. Chaque craquement du manoir est son pas qui revient. La porte, dans la pénombre, semble vivante. Menaçante.

Ils ne me laisseront aucun répit. Aucun sanctuaire. Même dans le silence des couloirs, même dans l'obscurité de ma chambre, ils sont là. Le froid calculateur et le feu rôdeur. Et je suis prise entre eux, une proie qui apprend, jour après jour, nuit après nuit, à quel point son cauchemar est sans fond.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • LE PRIX DE LA HAINE    Chapitre 10 : L'Éveil des Ombres

    LilithLe jour se lève, gris et indifférent. Je me lève, le corps lourd, l'esprit engourdi. La nuit avec Cain m'a laissée changée. Quelque chose s'est brisé à l'intérieur, et à la place, il ne reste qu'une froide acceptation. Je suis sa propriété. La chose de Cain. L'idée, autrefois insupportable, est devenue un fait, une vérité biologique aussi réelle que la cicatrice sur mon bras.Mme Arlette entre avec le petit-déjeuner. Son regard, habituellement vide, s'attarde une fraction de seconde sur moi. Y voit-elle la différence ? La marque invisible que Cain a laissée ? Je baisse les yeux, incapable de soutenir son regard, même le sien.Damian me convoque dans son bureau plus tôt que d'habitude. Il est debout devant la grande fenêtre, contemplant les jardins. Il se retourne à mon entrée. Ses yeux gris me scrutent, analysant, évaluant. Il voit tout. Il doit voir l'empreinte de Cain sur moi, l'ombre qui s'est étendue dans mon âme.— Vous avez l'air fatiguée, Lilith, observe-t-il, sa voix ne

  • LE PRIX DE LA HAINE    Chapitre 9 : La Chair et l'Âme

    LilithLa nuit est épaisse, sans lune. Le manoir semble retenir son souffle, chaque craquement amplifié par le silence oppressant. Je suis allongée dans l'obscurité, les yeux grands ouverts, sachant que ma déclaration à Damian lui a donné une permission tacite. Une invitation. L'attente est devenue une torture en soi, un compte à rebours vers une violation inévitable.La clé tourne dans la serrure. Le son est terriblement familier maintenant. Mon corps se tend, chaque muscle se préparant à l'assaut. La porte s'ouvre, et sa silhouette massive obstrue la lumière du couloir avant de refermer le monde derrière lui.Cain. Il ne sent pas le whisky ce soir. Il sent le propre, le savon, et une détermination froide qui est bien plus effrayante que sa fureur habituelle. Il se tient là un moment, laissant mes yeux s'habituer à sa présence dans la pénombre.— Tu m'attendais, hein ? sa voix est basse, un murmure rauque qui caresse l'air.Je ne réponds pas. Je ne peux pas. Ma gorge est nouée.Il s'

  • LE PRIX DE LA HAINE    Chapitre 8 : Le Choix du Bourreau

    LilithLes jours qui suivent se fondent en une succession de moments étouffants, chacun pesant un peu plus lourd sur mes épaules. Je vis dans un état d'hypervigilance constant, chaque nerf à vif. La gouvernante, dont j'ai appris qu'elle se nomme Mme Arlette, est un spectre silencieux qui apporte mes repas, nettoie ma chambre et m'accompagne lorsque Damian l'exige. Elle est un prolongement du manoir, aussi froid et impersonnel que les murs de pierre.Damian me convoque dans son bureau, une pièce sombre tapissée de livres de droit et de comptabilité. Il m'observe travailler sur des dossiers, corriger des lettres, apprendre les rouages de son empire. C'est une torture raffinée. Utiliser mon esprit, ce qui me reste de plus personnel, pour servir celui qui me détruit. Il me parle peu, se contentant de donner des ordres brefs. Son regard, cependant, ne me quitte jamais. Il étudie mes réactions, mes silences, la façon dont mes doigts tremblent parfois sur le clavier. Il cartographie mon âme,

  • LE PRIX DE LA HAINE    Chapitre 7 : Le Poids du Silence

    LilithLe contrat. Ses mots dansent devant mes yeux, gravés au fer rouge dans ma mémoire bien après que la gouvernante l'ait ramassé et soit sortie, me laissant seule avec Cain. Garantie. Intérêts. Douloureux. Chaque terme est un crochet enfoncé dans ma chair, me reliant à Leo, où qu'il soit. Une laisse invisible, mais dont la traction pourrait lui briser la nuque.Cain n'a pas bougé. Il est adossé au chambranle de la porte, les bras croisés, me dévisageant avec une intensité nouvelle. Ce n'est plus la colère brute de tout à l'heure. C'est quelque chose de plus calculé, de plus pervers. La révélation du contrat a changé la donne. Pour lui, pour moi. Pour tout.— Alors comme ça, petite oiseau, commence-t-il, sa voix un ronronnement rauque, ton frère est la clé de ta cage. Intéressant.Je ne réponds pas. Je reste à genoux, le regard fixé sur la place où le document était posé. Si je ne bouge pas, si je ne respire pas, peut-être que le sol va m'engloutir.— Tu sais, poursuit-il en se pou

  • LE PRIX DE LA HAINE    Chapitre 6 : Le Petit-déjeuner

    LilithLa lumière de l'aube filtre à travers les barreaux de la fenêtre, dessinant des lignes pâles et tristes sur le sol. Je n'ai pas dormi. Mes yeux sont secs et brûlants, mes membres lourds comme du plomb. L'angoisse de la nuit, le souvenir des grattements et de cette respiration de l'autre côté de la porte, sont encore ancrés dans ma chair, plus tenaces que la douleur de ma blessure.Comme un automate, je me lève lorsque la gouvernante entre avec le plateau du petit-déjeuner. Son regard glisse vers mon bras, où la coupure de Cain a séché en une traînée rouge et noire, mais son expression ne change pas. Elle dépose le plateau.—Monsieur Damian vous attend dans la salle à manger dans trente minutes, annonce-t-elle de sa voix monocorde. Il exige que vous soyez présentable.Présentable. Le mot résonne amèrement dans mon esprit vide. Comment être présentable quand on vous a volé votre âme ?Je me lave rapidement, l'eau froide ravivant la douleur de ma blessure. Je n'ai rien d'autre à m

  • LE PRIX DE LA HAINE    Chapitre 5 : Le Silence des Couloirs

    LilithLe sang a fini par coaguler, formant un lacis noirâtre et douloureux sur ma peau. Personne n'est venu panser la blessure. Personne n'a prononcé un mot de réconfort. La gouvernante m'a jeté un regard vide en apportant le dîner , une assiette de soupe froide et un morceau de pain , puis est repartie sans un bruit. La solitude dans cette chambre est pire que tout. C'est un silence qui pèse, qui étouffe, peuplé des échos de leurs voix et du souvenir de la lame sur ma chair.La nuit est tombée, drapant le manoir dans une obscurité épaisse. Les murs semblent se resserrer, les ombres s'animer. Je reste assise sur le lit, le dos contre la tête de lit en bois sculpté, les genoux remontés contre ma poitrine. Je serre mon bras blessé contre moi. Chaque pulsation douloureuse est un rappel : je ne suis plus humaine. Je suis une chose. Une propriété endommagée.Un bruit.Subtil. Presque imperceptible. Ce n'est pas le pas lourd de Cain, ni la démarche assurée de Damian. C'est un frottement. C

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status