MasukLilithLe jour se lève, gris et indifférent. Je me lève, le corps lourd, l'esprit engourdi. La nuit avec Cain m'a laissée changée. Quelque chose s'est brisé à l'intérieur, et à la place, il ne reste qu'une froide acceptation. Je suis sa propriété. La chose de Cain. L'idée, autrefois insupportable, est devenue un fait, une vérité biologique aussi réelle que la cicatrice sur mon bras.Mme Arlette entre avec le petit-déjeuner. Son regard, habituellement vide, s'attarde une fraction de seconde sur moi. Y voit-elle la différence ? La marque invisible que Cain a laissée ? Je baisse les yeux, incapable de soutenir son regard, même le sien.Damian me convoque dans son bureau plus tôt que d'habitude. Il est debout devant la grande fenêtre, contemplant les jardins. Il se retourne à mon entrée. Ses yeux gris me scrutent, analysant, évaluant. Il voit tout. Il doit voir l'empreinte de Cain sur moi, l'ombre qui s'est étendue dans mon âme.— Vous avez l'air fatiguée, Lilith, observe-t-il, sa voix ne
LilithLa nuit est épaisse, sans lune. Le manoir semble retenir son souffle, chaque craquement amplifié par le silence oppressant. Je suis allongée dans l'obscurité, les yeux grands ouverts, sachant que ma déclaration à Damian lui a donné une permission tacite. Une invitation. L'attente est devenue une torture en soi, un compte à rebours vers une violation inévitable.La clé tourne dans la serrure. Le son est terriblement familier maintenant. Mon corps se tend, chaque muscle se préparant à l'assaut. La porte s'ouvre, et sa silhouette massive obstrue la lumière du couloir avant de refermer le monde derrière lui.Cain. Il ne sent pas le whisky ce soir. Il sent le propre, le savon, et une détermination froide qui est bien plus effrayante que sa fureur habituelle. Il se tient là un moment, laissant mes yeux s'habituer à sa présence dans la pénombre.— Tu m'attendais, hein ? sa voix est basse, un murmure rauque qui caresse l'air.Je ne réponds pas. Je ne peux pas. Ma gorge est nouée.Il s'
LilithLes jours qui suivent se fondent en une succession de moments étouffants, chacun pesant un peu plus lourd sur mes épaules. Je vis dans un état d'hypervigilance constant, chaque nerf à vif. La gouvernante, dont j'ai appris qu'elle se nomme Mme Arlette, est un spectre silencieux qui apporte mes repas, nettoie ma chambre et m'accompagne lorsque Damian l'exige. Elle est un prolongement du manoir, aussi froid et impersonnel que les murs de pierre.Damian me convoque dans son bureau, une pièce sombre tapissée de livres de droit et de comptabilité. Il m'observe travailler sur des dossiers, corriger des lettres, apprendre les rouages de son empire. C'est une torture raffinée. Utiliser mon esprit, ce qui me reste de plus personnel, pour servir celui qui me détruit. Il me parle peu, se contentant de donner des ordres brefs. Son regard, cependant, ne me quitte jamais. Il étudie mes réactions, mes silences, la façon dont mes doigts tremblent parfois sur le clavier. Il cartographie mon âme,
LilithLe contrat. Ses mots dansent devant mes yeux, gravés au fer rouge dans ma mémoire bien après que la gouvernante l'ait ramassé et soit sortie, me laissant seule avec Cain. Garantie. Intérêts. Douloureux. Chaque terme est un crochet enfoncé dans ma chair, me reliant à Leo, où qu'il soit. Une laisse invisible, mais dont la traction pourrait lui briser la nuque.Cain n'a pas bougé. Il est adossé au chambranle de la porte, les bras croisés, me dévisageant avec une intensité nouvelle. Ce n'est plus la colère brute de tout à l'heure. C'est quelque chose de plus calculé, de plus pervers. La révélation du contrat a changé la donne. Pour lui, pour moi. Pour tout.— Alors comme ça, petite oiseau, commence-t-il, sa voix un ronronnement rauque, ton frère est la clé de ta cage. Intéressant.Je ne réponds pas. Je reste à genoux, le regard fixé sur la place où le document était posé. Si je ne bouge pas, si je ne respire pas, peut-être que le sol va m'engloutir.— Tu sais, poursuit-il en se pou
LilithLa lumière de l'aube filtre à travers les barreaux de la fenêtre, dessinant des lignes pâles et tristes sur le sol. Je n'ai pas dormi. Mes yeux sont secs et brûlants, mes membres lourds comme du plomb. L'angoisse de la nuit, le souvenir des grattements et de cette respiration de l'autre côté de la porte, sont encore ancrés dans ma chair, plus tenaces que la douleur de ma blessure.Comme un automate, je me lève lorsque la gouvernante entre avec le plateau du petit-déjeuner. Son regard glisse vers mon bras, où la coupure de Cain a séché en une traînée rouge et noire, mais son expression ne change pas. Elle dépose le plateau.—Monsieur Damian vous attend dans la salle à manger dans trente minutes, annonce-t-elle de sa voix monocorde. Il exige que vous soyez présentable.Présentable. Le mot résonne amèrement dans mon esprit vide. Comment être présentable quand on vous a volé votre âme ?Je me lave rapidement, l'eau froide ravivant la douleur de ma blessure. Je n'ai rien d'autre à m
LilithLe sang a fini par coaguler, formant un lacis noirâtre et douloureux sur ma peau. Personne n'est venu panser la blessure. Personne n'a prononcé un mot de réconfort. La gouvernante m'a jeté un regard vide en apportant le dîner , une assiette de soupe froide et un morceau de pain , puis est repartie sans un bruit. La solitude dans cette chambre est pire que tout. C'est un silence qui pèse, qui étouffe, peuplé des échos de leurs voix et du souvenir de la lame sur ma chair.La nuit est tombée, drapant le manoir dans une obscurité épaisse. Les murs semblent se resserrer, les ombres s'animer. Je reste assise sur le lit, le dos contre la tête de lit en bois sculpté, les genoux remontés contre ma poitrine. Je serre mon bras blessé contre moi. Chaque pulsation douloureuse est un rappel : je ne suis plus humaine. Je suis une chose. Une propriété endommagée.Un bruit.Subtil. Presque imperceptible. Ce n'est pas le pas lourd de Cain, ni la démarche assurée de Damian. C'est un frottement. C







