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Author: Segnora
last update Last Updated: 2025-05-08 21:20:53

L’après-midi était calme, presque oppressant, dans l’appartement moderne d’Isabela à Makati. Elle venait de se changer, troquant son tailleur impeccable pour un ensemble décontracté en prévision de la soirée. Les néons de la ville créaient une lueur constante à travers les grandes fenêtres, mais elle n’y prêtait guère attention. Ses pensées étaient encore accaparées par la victoire du jour au tribunal.

Le bruit du téléphone la tira de ses réflexions. Ce n’était pas un message, mais un coursier. Elle soupira, détestant être interrompue, mais se leva de son canapé et se dirigea vers la porte. Un homme portant une veste noire lui tendit une enveloppe épaisse.

"Pour Maître Isabela Reyes", dit-il sans un mot de plus, avant de disparaître aussi vite qu’il était arrivé.

Isabela ferma la porte, un soupir d’irritation franchissant ses lèvres. Elle observa l’enveloppe, lourde, en papier de qualité supérieure. Aucune adresse, juste son nom, écrit à la main dans une calligraphie élégante. Un petit sceau de cire rouge, orné d’un "A" entrelacé avec une fleur de frangipanier, scellait l’enveloppe.

"Qu'est-ce que c’est encore ?" murmura-t-elle, levant les yeux au ciel. Elle brisa le sceau avec une nonchalance calculée et s’assit dans le fauteuil en cuir près de la fenêtre, dépliant la lettre d’un geste distrait.

La lettre, sobre et formelle, était rédigée avec soin :

Maître Isabela Reyes,  

Je suis le notaire chargé de la succession de Monsieur Don Fernando Alcaraz, un riche propriétaire terrien basé à Palawan. Il est stipulé dans son testament que vous êtes mentionnée comme héritière potentielle. Votre présence est requise à Palawan pour procéder à la lecture de ce testament.  

Veuillez agréer, Maître, l’expression de mes salutations distinguées.  

Me Ruben Santos, Notaire.

Isabela resta figée, la lettre entre ses mains. Les mots tournaient en boucle dans sa tête, mais elle n’arrivait pas à y croire. Un testament ? Un héritage ? Et moi, mentionnée dans l’affaire de cet homme ? La lettre semblait irréelle, presque absurde. Jamais elle n’avait entendu parler de Don Fernando Alcaraz. Et Palawan… Ce nom, bien que lointain, semblait la frapper d’une manière étrange, un écho silencieux dans son esprit. Quelque chose, dans cette lettre, résonnait comme une note de musique jamais jouée.

Elle hocha la tête, un sourire nerveux se dessinant sur ses lèvres. "C’est sûrement une erreur", se murmura-t-elle, en secouant la tête. Pourtant, une petite voix intérieure la poussait à y prêter plus d’attention. Pourquoi ce nom me trouble-t-il autant ?

Instinctivement, elle chercha "Don Fernando Alcaraz" sur son téléphone, espérant trouver quelque chose de concret. Mais, à sa grande déception, les résultats se réduisaient à quelques articles anciens mentionnant vaguement un magnat des affaires, un homme apparemment disparu depuis longtemps, son nom associé à de vieux projets immobiliers à Palawan. Aucun détail spécifique, rien de vraiment utile. Pas de trace d'un lien quelconque avec elle.

Elle baissa les yeux sur la lettre, presque déconcertée. Un héritage ? De qui, et pourquoi moi ? Ces questions tournaient dans sa tête. Elle ne connaissait ni cet homme, ni ce nom, mais tout semblait étrange, presque irréel.

Elle se leva de son fauteuil et se dirigea vers la fenêtre, jetant un coup d’œil distrait à la ville qui s’étendait sous ses yeux. Des pensées confuses s’agitaient dans son esprit. Pourquoi l’avait-il désignée ? Et surtout, comment ? Tout cela n’avait aucun sens. Elle fronça les sourcils. Elle se rappela soudain une vieille photo qu’elle avait trouvée un jour dans un tiroir de sa tante, une photo qu'elle n’avait jamais pu regarder de près, une image de famille, floue et incomplète. Une image qui l’avait troublée sans raison apparente. Elle secoua la tête, comme pour chasser cette pensée.

"Non, ça ne peut pas être ça…" murmura-t-elle à voix basse, mais la petite voix intérieure qui la questionnait persistait, plus insistante.

Elle plia la lettre et la posa sur la table. Un long soupir s’échappa de ses lèvres alors qu’elle se laissait tomber à nouveau dans le canapé. Ce nom… Alcaraz… Pourquoi avait-elle cette étrange sensation qu’il était lié à quelque chose de plus grand, de plus sombre ? Et pourquoi, quand elle pensait à ce nom, se sentait-elle aussi… vulnérable ?

Elle se leva d’un bond, frustrée par ses propres pensées. C’est absurde, pensa-t-elle en serrant les poings. Elle ne laisserait pas une lettre aussi anodine la perturber. Mais une part d’elle savait qu’elle avait besoin de réponses.

Isabela se dirigea vers son bureau avec une détermination nouvelle, mais toujours empreinte de scepticisme. Elle s'assit à son ordinateur, le regard fixé sur l'écran. L'idée de cette lettre, de cet héritage mystérieux, n'avait pas quitté son esprit depuis qu'elle l'avait lue. Mais elle savait qu'il lui fallait en savoir plus, que ce soit pour rejeter cette affaire une bonne fois pour toutes, ou pour comprendre pourquoi le nom Alcaraz lui semblait si… familier.

Elle ouvrit un moteur de recherche et tapa rapidement "Don Fernando Alcaraz". Des résultats apparurent en quelques secondes, mais rien d’utile à première vue. Des sites de notaires, des informations génériques sur les droits de succession, mais rien de concret. Elle redoubla d’efforts, affinant sa recherche en ajoutant des mots comme Palawan, héritage, propriétaire terrien.

Les premiers résultats étaient des liens vers des articles archivés datant de plusieurs années. Quelques photographies en noir et blanc apparurent dans le coin de son écran, montrant un homme en costume avec une prestance imposante. Ses cheveux grisonnaient sur les bords, mais il portait un regard dur, celui d’un homme qui semblait ne jamais s'incliner. Au-delà de ces clichés figés dans le temps, il n’y avait que peu d’informations.

Un article plus détaillé s’ouvrit sur un site d'archives locales, mentionnant brièvement Don Fernando Alcaraz comme un magnat ayant investi massivement dans l’hôtellerie et le commerce sur l'île de Palawan dans les années 1980. Son nom était associé à plusieurs projets immobiliers et de développement touristique qui avaient, à l'époque, fait parler de lui dans la presse. Rien d'exceptionnel, rien d’effrayant, juste l’image d’un homme d’affaires prospère.

Cependant, au fur et à mesure qu’elle défilait, une autre rubrique attira son attention. Des rumeurs. Des affaires douteuses. Les articles évoquaient des accusations vagues, des disputes avec des partenaires commerciaux et des allégations d’activités suspectes concernant des transactions immobilières douteuses. Mais aucune preuve concrète n'était avancée. Tout semblait entouré de mystère, comme si les informations avaient été soigneusement effacées, ou pire, n'avaient jamais été révélées.

Isabela s’arrêta sur un article de presse plus ancien, publié dans un petit journal local. Il faisait état d’une enquête de corruption qui avait impliqué Don Fernando dans les années 90, mais là encore, les détails étaient flous, les accusations non confirmées. L’article évoquait même des disparitions mystérieuses liées à ses affaires, mais l’auteur du texte semblait avoir disparu lui-même, à en juger par les dates.

Elle ferma le site d’un coup sec et se leva brusquement, agacée. Rien, absolument rien de concret. Juste des rumeurs, des échos d’un passé trouble, mais rien qui puisse expliquer sa présence dans ce testament. Pourquoi ce nom me hante-t-il autant ?

Elle chercha une autre source, scannant frénétiquement l’écran. Mais au fond d’elle, un doute l'envahissait. La recherche en ligne ne faisait que la mener en boucle. Aucun détail sur son lien avec Don Fernando Alcaraz, rien qui justifie sa place dans cette histoire.

Isabela soupira en se laissant retomber dans son fauteuil, la tête pleine de questions sans réponse. La seule certitude qu’elle avait désormais, c’était qu’elle ne pouvait pas ignorer cette affaire. Quelque chose clochait, et elle le savait.

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