Mon amour silencieux

Lorsque Rachel est entrée dans le restaurant, le test de grossesse toujours serré dans sa main, elle a aperçu Bette en train de porter un morceau de pâtisserie aux lèvres de Lamar. Ce dernier l'a accepté avec un sourire, sans la moindre hésitation.

Épouse ou non, Rachel savait mieux que quiconque qu'il refusait toujours les gestes nourriciers des autres. Mais pour Bette, son grand amour, cette règle ne tenait plus.

« Rachel, te voilà ! Tu aurais pu m'appeler pour que j'aille t'accueillir… Oh, pardon, j'ai oublié que tu ne pouvais pas parler », a souri Bette avec une aisance déconcertante.

Rachel a esquissé un sourire forcé avant de s'asseoir en silence.

Soudain, Bette a repris : « À propos, j'ai croisé l'oncle de Lamar hier. Il a l'air de vraiment attendre que vous ayez un enfant. »

L'atmosphère s'est figée instantanément autour de la table. Lamar a éclaté alors d'un rire cynique : « Je ne laisserai jamais une muette me donner un enfant. Et si le bébé naissait muet, lui aussi ? »

Rachel était muette de naissance. Elle avait entendu mille insultes dans sa vie, mais rien ne faisait aussi mal que le mépris désinvolte de Lamar. Elle a posé une main sur son ventre, songeant aux résultats du test, et a senti une douleur sourde l'envahir.

Oui, elle était enceinte. Déjà un mois.

Elle avait d'abord imaginé que cet enfant pourrait sauver leur mariage. Mais maintenant, elle comprenait qu'il était inutile d'en parler à Lamar.

Elle a dissimulé discrètement le test de grossesse…

Un mois plus tôt, Lamar, ivre mort, l'avait forcée. Une seule fois avait suffi.

Le médecin lui avait dit qu'avec son corps fragile, une interruption de grossesse pourrait la rendre stérile. Elle savait que Lamar ne voudrait jamais de cet enfant… mais elle, elle ne pouvait s'y résoudre.

Il était temps de partir avec ce secret.

Bette, les yeux brillants d'une ruse calculée, a glissé : « Voyons, Lamar, tous les anciens veulent un héritier. Si tu penses comme ça, il ne te reste qu'à le faire avec une autre, non ? »

Son regard a enveloppé Lamar d'une lourde insinuation.

Et comme prévu, Lamar lui a rendu son sourire, les yeux emplis de désir : « Alors… ce serait toi, ma solution ? »

Humilier son épouse en demandant, devant elle, de procréer avec une autre femme. La cruauté ne pouvait aller plus loin.

Bette a réprimé à peine un sourire avant de répondre, faussement timide : « Arrête de plaisanter, ta femme est là. »

Sans insister, elle a servi à nouveau Lamar, changeant habilement de sujet.

Elle le tenait en haleine, ni refus clair, ni acceptation explicite. Une manœuvre magistrale.

Quant à Lamar, en entendant le mot « femme », il a jeté un regard distrait à Rachel. La voyant toujours aussi passive, il a eu un ricanement méprisant.

Rachel a compris ce qui l'amusait tant. Leur mariage n'avait toujours été qu'un accident.

Six mois plus tôt, Lamar voulait épouser Bette coûte que coûte.

Mais les Deslys, trop fiers, méprisaient les origines modestes de Bette. Face à leur opposition, cette dernière, orgueilleuse, avait préféré s'exiler à l'étranger.

Par hasard, Maxime, oncle de Lamar, était alors tombé dans la rue. Personne n'osait l'aider… sauf Rachel, qui l'avait conduit à l'hôpital.

Séduit par sa gentillesse, Maxime l'avait présentée à Lamar. Sous le coup de la colère, ce dernier l'avait épousée, une muette insignifiante, juste pour défier sa famille.

Le résultat ? Ses parents, exaspérés, avaient abandonné toute ingérence dans sa vie sentimentale.

Rachel se sentait comme une voleuse qui avait dérobé le bonheur d'autrui. Timide et craintive, elle n'aurait jamais accepté ce mariage… sans les frais médicaux de sa petite sœur.

Elle a baissé les yeux, et une pensée a surgi : Et si elle partait ?

Ainsi, Lamar et Bette pourraient être heureux, et sa grossesse resterait secrète.

Elle éprouvait certes de l'affection pour Lamar, mais savait trop bien qu'il la détestait.

Reste que… que deviendrait sa sœur ?