DavidLa lame est froide dans ma main.Le prêtre me regarde avec gravité, attendant que je pose la question qu’il sait déjà sur mes lèvres.— Qu’est-ce que je dois faire ?Il inspire profondément, puis tourne les pages du vieux livre jusqu’à une section couverte de symboles tracés à l’encre brune.Du sang séché.— Ce rituel n’a été accompli que par un seul homme avant toi… Et il en est sorti brisé.Un frisson me parcourt.— Mais il a survécu.Le prêtre hoche lentement la tête.— Oui. Il a survécu. Mais à quel prix ?Je serre les dents.— Je veux savoir.Il me jauge un instant avant de poursuivre.— Tu dois les affronter dans leur propre domaine. Si tu veux briser leur emprise sur toi, tu dois descendre là où elles tirent leur pouvoir.Il désigne un passage du livre.— Le monde des ombres.Un silence.Mon cœur tambourine dans ma poitrine.— Elles ne me laisseront jamais entrer.Le prêtre esquisse un sourire triste.— Elles t’attendent déjà.Je serre la lame plus fort.— Alors dites-moi
DavidL’obscurité m’avale tout entier.Un gouffre sans fond, où les murmures suintent à travers les ombres, tissant un piège invisible autour de moi. Mon corps tombe, encore et encore, sans fin ni repère. Je ne ressens ni sol, ni ciel, seulement un froid qui s’infiltre sous ma peau, serpentant jusqu’à mes os.Puis, brutalement, je m’écrase.Le choc me coupe le souffle.Je suis au sol.Mes mains rencontrent une surface humide et poisseuse. Du sang.Je redresse lentement la tête.Le Corbeau est là, debout devant moi, la lame encore plantée dans son flanc. Mais elle ne saigne pas.Elle sourit.— Tu n’es pas prêt.Sa voix est un frémissement d’ombre.Je serre les dents et tente de me relever, mais mes membres sont lourds. Comme s’ils étaient entravés par des chaînes invisibles.— Laisse-moi sortir.Son rire claque comme un fouet.— Sortir ? Mais tu viens à peine d’entrer.Un bruissement dans mon dos. Je me retourne d’un coup.Deux silhouettes émergent des ténèbres.La Mouche Tsé-Tsé et Le
DavidL’instant où je traverse le miroir, une force m’arrache de la réalité.Mon corps se disloque, se tord dans un tourbillon d’ombres et de lumières aveuglantes. Un hurlement me perce les tympans – est-ce le mien ou celui des sorcières ? Impossible de savoir. Je chute, aspiré dans un vide sans fin, où les voix se mélangent en un chaos assourdissant.Puis, brutalement, tout s’arrête.Je m’effondre sur un sol glacé, le souffle coupé.Je reste un moment sans bouger, les muscles tremblants. L’air est dense, chargé d’une odeur métallique, comme du sang séché.Je me redresse lentement.Autour de moi, une obscurité épaisse, vivante. Un couloir étroit s’étend à perte de vue, ses murs suintants de noirceur. Des lueurs rougeâtres palpitent par intermittence, projetant des ombres distordues.Où suis-je ?Je me redresse avec difficulté, chaque mouvement me coûtant un effort immense. Mon corps est lourd, engourdi. Comme si quelque chose tentait de me retenir ici.Puis, un murmure.Un frisson me
DavidLe matin arrive, mais la lumière du jour ne dissipe pas l’ombre qui pèse sur moi.Je reste assis sur mon lit, fixant mes bras.Ces veines noires qui serpentent sous ma peau, comme des racines d’un arbre maudit, sont la preuve que je n’ai pas rêvé. Que cette nuit d’horreur a bien eu lieu.Je me lève lentement.Dans la maison, le silence règne.D’habitude, mon grand-père est déjà debout à cette heure, sa voix résonnant dans la cour. Mais aujourd’hui, il n’y a rien.Quelque chose ne va pas.Je sors de ma chambre.Chaque pas que je fais semble résonner plus fort que d’habitude, comme si la maison elle-même retenait son souffle.Dans le salon, je le vois.Mon grand-père est assis, le regard perdu dans le vide.— Grand-père ?Il ne répond pas.Je m’approche, lentement. Son visage est fermé, plus grave que jamais.— Elles t’ont marqué, murmure-t-il.Je me fige.Il l’a vu.Je n’ai même pas besoin de lui montrer mes bras, il sait.— Elles t’ont trouvé, poursuit-il. Je t’avais prévenu, Da
DavidLe rire du Corbeau me vrille les tympans. Il résonne dans l’air comme un écho venu d’un autre monde, un son qui semble exister en dehors du temps. Je suis toujours à genoux, le souffle court, la douleur irradiant mon bras comme un feu intérieur.Elles m’entourent.La Mouche Tsé-Tsé est silencieuse, immobile, son regard fixé sur moi avec une intensité glaciale. Le Hibou, elle, esquisse un sourire à peine perceptible, mais ses yeux noirs semblent sonder mon âme.— David, souffle le Corbeau. Tu peux encore lutter, mais à quoi bon ?Je serre les poings, ancrant mes doigts dans la terre froide et poussiéreuse sous moi.— Je ne suis pas des vôtres.— Tu l’es déjà, réplique-t-elle avec douceur, comme si elle parlait à un enfant capricieux. Tu le sens, n’est-ce pas ? La marque en toi s’étend, elle t’appelle.Je baisse les yeux.Les veines noires serpentent plus loin sur ma peau, remontant lentement vers mon cou. Une sueur froide coule le long de ma nuque.— Ce n’est pas vrai.— C’est in
DavidLe silence dans la maison de mon grand-père est lourd, pesant. L’air est saturé d’un parfum étrange, un mélange de cire brûlée et d’herbes que je ne reconnais pas.Mon grand-père est assis devant moi, les mains croisées sur ses genoux, le regard fixe. Son visage est marqué par les années, mais ce ne sont pas les rides qui me frappent. Ce sont ses yeux.Des yeux hantés.— Elles savent que tu es revenu, dit-il finalement d’une voix rauque.Je frissonne.— Elles vont venir ?Il hoche la tête lentement.— Elles sont déjà là.Je me raidis.Mon regard se pose sur les ombres qui s’étirent dans les coins de la pièce. Elles bougent imperceptiblement, ondulantes comme des vagues silencieuses.Elles écoutent.Elles attendent.— Pourquoi moi ?Mon grand-père détourne les yeux.— Parce que tu es l’héritier.Un frisson me parcourt l’échine.— L’héritier de quoi ?— De ce qui nous lie à elles.Il se lève et marche jusqu’à une vieille armoire en bois sombre. Il l’ouvre lentement, dévoilant une
DavidL’air est glacé, saturé d’un murmure indistinct, un écho venu d’un autre temps. Je fixe le puits devant moi, ce gouffre béant au fond du temple en ruine. L’obscurité semble y pulser, vivante.Mon grand-père est agenouillé devant l’abîme, les mains tremblantes. Il murmure des paroles que je ne comprends pas. Une litanie ? Une prière ? Une supplique ?Un frisson me parcourt l’échine.— Grand-père… qu’est-ce qu’il y a là-dessous ?Il ne répond pas tout de suite. Puis, d’une voix rauque :— La source de leur pouvoir.Mon cœur se serre.— Tu veux dire que… c’est ici qu’elles ont…— Oui.Un silence.Un gouffre.— Elles ont fait un pacte.Son regard croise le mien.— Et maintenant, elles veulent que tu le renoues.Je recule d’un pas.— Non.Il secoue la tête.— Tu ne comprends pas, David. Tu n’as jamais eu le choix.Le sol tremble sous mes pieds.Un vent glacé s’élève du puits, soulevant la poussière et la cendre. Les gravures sur les murs s’illuminent d’une lueur rougeâtre.Quelque ch
DavidLa nuit est lourde, oppressante. L’air est chargé d’électricité, comme si l’orage menaçait d’éclater à tout instant. Je suis assis face à mon grand-père, à la lueur tremblante d’une bougie.Il a posé un vieux grimoire entre nous, un livre épais à la couverture de cuir craquelé. Ses mains ridées en caressent les bords avec une sorte de crainte respectueuse.— Tout est là.Il soulève lentement la couverture, dévoilant des pages jaunies par le temps, couvertes de symboles étranges, d’encre rouge foncée, presque brune.Du sang séché.Je déglutis difficilement.— C’est avec ce livre qu’elles ont fait leur pacte ?Mon grand-père hoche la tête.— Elles ont offert quelque chose en échange de leur pouvoir.Il s’arrête, le regard perdu dans le vide.— Elles ont offert leur descendance.Un frisson me parcourt l’échine.— Quoi ?— Elles savaient qu’elles n’avaient pas d’âme à donner, alors elles ont offert celles qui viendraient après elles.Je sens mon souffle se bloquer dans ma gorge.— T
DavidL’eau m’arrache l’air des poumons. Un silence absolu m’entoure, plus dense que tout ce que j’ai connu. Pas un bruit, pas une vibration. Juste l’immensité noire, infinie, qui m’attire vers le fond.Mes bras s’agitent par réflexe, mais il n’y a ni haut ni bas. L’eau n’est pas froide. Elle est absente. Une matière qui n’en est pas une, un gouffre qui me retient sans jamais me porter.Je descends.Ou est-ce le monde qui s’élève au-dessus de moi ?Les ténèbres s’épaississent. Une masse informe se dessine, immense, démesurée. Elle ne brille pas. Au contraire, elle absorbe la lumière qui ne devrait même pas exister ici.Puis, elle s’ouvre.L&
DavidL’appel ne s’arrête pas. Il s’insinue dans mon esprit, rampant comme une marée noire qui s’étale sur le sable. Je serre les dents, tentant de chasser cette voix qui me hante, mais elle s’accroche à moi comme une ancre.— David… Tu ne peux pas fuir.Je me redresse, le souffle court, mes doigts crispés sur le bois du bastingage. L’air est lourd, chargé d’un silence pesant. Tout semble figé, comme si le monde retenait son souffle.L’océan s’étale devant moi, immense et impénétrable. Mais sous cette surface tranquille, quelque chose veille. Quelque chose m’attend.Les Signes— Capitaine !La voix de Joren brise le silence, me ramenant à la réalité. Il accourt vers moi, l’air préoccupé.— On a un problème.Je me tourne vers lui, refoulant les ténèbres qui me rongent.— Quoi encore ?Il me désigne le ciel. Je lève les yeux et mon sang se glace.Les étoiles ont disparu.Aucune lueur ne brille dans l’immensité nocturne. Comme si une main invisible avait effacé la voûte céleste.Joren av
DavidLe silence s’abat sur le pont comme un couperet. L’ombre face à moi n’a pas bougé. Pourtant, je ressens son emprise partout autour de moi. L’air est plus lourd, plus froid. Les torches vacillent, comme si leur flamme hésitait à continuer d’exister en présence de cette entité.— Qui es-tu ? répété-je, cette fois d’un ton plus tranchant.L’ombre ne répond pas tout de suite. Puis, d’une voix profonde, presque familière, elle murmure :— Un avertissement.Je serre mon épée, prêt à frapper au moindre mouvement suspect.— Un avertissement de qui ?Elle lève lentement une main, paume ouverte vers le ciel.— Des profondeurs.Et soudain, tout bascule.La DéchirureLe pont du navire disparaît sous mes pieds. Un instant, je suis là, au milieu de mes hommes, l’instant d’après, je suis ailleurs.Un lieu que je ne reconnais pas.Le sol est noir, rugueux comme de la pierre volcanique. Autour de moi, des silhouettes sans visage flottent dans un espace sans fin. Le ciel au-dessus n’est pas un ci
DavidLe château est plongé dans une torpeur sinistre. La guerre est finie, mais le silence qui règne dans les couloirs ne signifie pas la paix. Au contraire. Il y a une tension sourde, une attente glaciale qui précède toujours une nouvelle tempête.Je suis assis sur le trône de pierre noire, les doigts drapés sur l’accoudoir froid, observant les flammes danser dans la grande cheminée. Autour de moi, le conseil murmure, échange des regards lourds de suspicion et d’ambition.— Nous devons agir vite.La voix de Markus brise le silence. Son regard est braqué sur Eldric, qui se tient debout à quelques pas du trône.— Les nobles du sud n’ont pas renoncé. Nous avons pris leur château, mais pas leur loyauté.Je lève un sourcil.— As-tu des preuves ?— Des espions ont intercepté un message. Une invitation secrète envoyée à trois seigneurs exilés. Une réunion aura lieu dans trois jours, près du port de Valdoria.Eldric croise les bras et sourit légèrement.— Ils ne perdront jamais espoir, Davi
DavidLe feu danse encore dans mes souvenirs, le crépitement des flammes résonne en écho dans ma tête. La guerre est finie, du moins en apparence. Mais je sais que ce n’est qu’un répit. Une trêve silencieuse avant la prochaine tempête.Nous avons pris le château. Nous avons écrasé nos ennemis. Mais le goût de la victoire est amer.Les Ombres du PasséJe me tiens dans la grande salle du trône, face aux murs marqués de suie et de sang. Les bannières ennemies ont été arrachées, brûlées, remplacées par les nôtres. Pourtant, l’air est lourd de souvenirs, de fantômes qui refusent de disparaître.— Ce château t’appartient désormais, David.La voix de Markus brise le silence. Il se tient derrière moi, son armure encore souillée par la bataille.— Tout ceci… je murmure en balayant la salle du regard. Combien de morts pour en arriver là ?— Assez pour ne jamais oublier.Le JugementDans la cour du château, les prisonniers sont agenouillés, leurs mains liées dans le dos. Certains tremblent, d’au
DavidLe vent hurle à travers la nuit, soulevant la poussière et les cendres laissées par le combat. Mon souffle est court, mon corps meurtri, mais je tiens debout. J’observe les ruines du sanctuaire, là où, quelques instants plus tôt, la Déesse du Corbeau et le Hibou Silencieux tentaient encore de m’anéantir.Elles ont disparu.Mais je sais qu’elles reviendront.Elles ne renoncent jamais.Je serre les poings, sentant encore l’écho du feu sacré dans mes veines. Une force ancienne s’est réveillée en moi, une puissance que je ne contrôle pas encore totalement. Mais une chose est sûre : je ne suis plus celui qu’elles pouvaient manipuler à leur guise.J’avance lentement à travers les décombres, mes pas résonnant sur les pierres brisées. L’odeur de suie et de souffre imprègne l’air, un rappel amer de la bataille qui vient de se jouer.Et pourtant, ce n’est que le début.— "David…"Une voix.Faible.À peine un murmure.Je me fige.Mon cœur rate un battement.Je tourne la tête, scrutant les
DavidLe vent hurle à travers les ruines du sanctuaire. Les colonnes brisées projettent des ombres difformes sur le sol de pierre, et la chaleur de mon feu sacré se mêle au froid surnaturel qui suinte de la Déesse du Corbeau et du Hibou Silencieux.Je suis pris entre elles.Elles avancent lentement, comme des prédateurs certains de leur victoire.— "Tu ne comprends toujours pas, n’est-ce pas ?" murmure la Déesse du Corbeau.Elle tend une main pâle vers moi.L’air se charge d’une énergie glaciale.Un mur invisible m’écrase la poitrine, me clouant au sol.Mes genoux frappent la pierre dure.Je suffoque.Mais je ne baisse pas les yeux.Elles veulent me voir briser.Elles veulent voir la peur.Je leur refuse ce plaisir.Mon feu crépite, luttant contre leur influence.Le Hibou Silencieux lève son bras.Elle ne parle jamais.Mais ses gestes suffisent.Un chuintement traverse l’air.Un trait noir fuse vers moi.Je roule sur le côté.Juste à temps.Le sol où je me trouvais un instant plus tôt
DavidLe feu danse autour de mon bras, vibrant d’une puissance ancestrale. Il ne me consume pas. Au contraire, il me reconnaît. Comme s’il savait.Ce n’est pas seulement une arme.C’est un héritage.Un don laissé par ceux qui ont combattu avant moi.Et un poids immense s’abat sur mes épaules.Je ne suis plus seulement une proie.Je suis celui qui peut les détruire.Mais pour ça…Je dois comprendre.Je dois savoir ce qu’elles veulent vraiment.Et je dois être prêt à affronter la vérité.---Le sanctuaire tremble encore sous la force du feu sacré.Je ferme les yeux et inspire profondément.Mon grand-père m’a toujours appris à écouter avant d’agir.À sentir le danger avant qu’il ne frappe.Et en cet instant, je le ressens.Quelque chose approche.Un murmure glisse entre les colonnes effondrées.Une voix trop basse pour être humaine.Puis…Le silence.Mais ce n’est pas un silence ordinaire.C’est un vide.Comme si quelque chose venait d’aspirer tout le son autour de moi.Je me retourne le
DavidL'obscurité m’enveloppe alors que je continue de courir. Mes jambes brûlent, mes poumons hurlent, mais je ne m'arrête pas. Derrière moi, l’ombre des trois sorcières plane toujours. Invisibles, mais terriblement présentes.Je ne suis plus un enfant. Je le leur ai prouvé en brûlant leur marionnette d’ombre. Pourtant, elles n’abandonneront pas. Elles veulent me récupérer. Elles veulent m’anéantir ou me plier à leur volonté.Mais je ne suis pas comme elles.Je suis autre chose.Quelque chose qu’elles n’ont pas prévu.---La route s’étend devant moi, interminable, comme si elle voulait me conduire quelque part où tout changerait. Où je pourrais enfin leur échapper.Mais je sais que c’est un mensonge.On ne fuit pas les ombres en courant.Je dois les affronter.Un vieux panneau surgit sur le bas-côté : "Prochaine ville : Black Hollow - 12 km"Black Hollow… Ce nom fait remonter en moi un souvenir ancien.Mon grand-père m'en avait parlé autrefois."Si un jour tu dois fuir, trouve la lum