Chapitre 2 : La Première Fissure
Assane
Je resserre ma prise sur le panier et me rapproche d’elle, réduisant la distance entre nous. Elle est à moi.
Pas question de laisser la moindre place au doute.
Quand Malik lève enfin les yeux et croise mon regard, je vois cette même fraction de seconde de surprise. Son masque d’indifférence tombe légèrement, mais il le replace aussitôt.
Je souris.
Un sourire lent.
Un sourire qui dit "je sais."
Les heures passent et le marché se vide peu à peu.
Awa est agitée. Elle n’a presque pas parlé, et je la vois éviter soigneusement de croiser le regard de Malik. Elle ne s’éloigne jamais trop de moi, comme si ma présence était une barrière invisible entre eux.
Parfait.
Quand vient le moment de rentrer, elle semble soulagée.
Mais moi, je ne suis pas encore prêt à clore cette journée.
Je prends un chemin plus long, nous éloignant des routes principales.
— Pourquoi on ne passe pas par le sentier habituel ? demande-t-elle.
— Parce que je veux parler.
Elle tressaille.
— De quoi ?
Je ralentis le pas et me tourne vers elle. Son visage est tendu, son regard fuyant.
— Pourquoi es-tu sortie cette nuit ?
Elle cligne des yeux, et je vois son esprit chercher une réponse rapide.
— Je n’arrivais pas à dormir. Il faisait trop chaud dans la case.
Je hoche lentement la tête.
— Et Malik ?
Sa respiration se coupe.
C’est fugace, mais suffisant.
Elle se reprend aussitôt.
— Qu’est-ce que Malik a à voir avec ça ?
Son ton est parfaitement contrôlé. Trop parfait.
Je me rapproche, réduisant l’espace entre nous.
— Tu l’attendais, Awa.
Elle recule d’un pas, et sa réaction me confirme ce que je sais déjà.
— C’est faux.
— Ne mens pas.
Mon ton est bas, tranchant.
Elle serre les poings, sa mâchoire crispée.
— Tu deviens paranoïaque, Assane.
Je la fixe longuement, savourant la peur cachée derrière son audace.
— Peut-être.
Un silence s’étire entre nous, aussi oppressant que le ciel chargé au-dessus de nos têtes.
Finalement, je tourne les talons et reprends ma marche.
Mais dans mon esprit, une certitude s’impose.
Le poison a déjà commencé à se répandre.
Awa
Le silence d’Assane me pèse.
Nous marchons côte à côte, mais je sens son regard peser sur moi, invisible, menaçant. Il ne parle plus depuis qu’il m’a accusée d’attendre Malik. Il n’a pas crié, il n’a pas insisté. Mais son silence est pire que n’importe quelle dispute.
Je n’arrive pas à calmer les battements de mon cœur.
Il sait.
Peut-être pas tout, peut-être pas encore, mais il sait que quelque chose ne va pas.
Je me mords la lèvre en serrant plus fort le panier dans mes mains. J’ai l’impression que mon propre corps me trahit. À chaque fois que je vois Malik, mon souffle se coupe, mon ventre se noue, et Assane le remarque. Je dois faire plus attention.
Quand nous arrivons au village, Assane ralentit le pas et finit par s’arrêter.
— Je vais voir père avant de rentrer.
Il me fixe un instant, attendant peut-être une réaction. Je ne lui en donne aucune.
— D’accord.
Son regard s’attarde sur moi, cherchant sans doute à déceler une faille. Puis il hoche la tête et s’éloigne, me laissant là.
Je ferme les yeux un instant et prends une grande inspiration. Enfin seule.
Mais pas pour longtemps.
Avant même que je ne fasse un pas de plus, une voix basse et familière s’élève derrière moi.
— Il t’a suivie ?
Un frisson parcourt mon échine.
Je me retourne lentement.
Malik.
Il est là, appuyé contre un mur de terre, les bras croisés, son regard sombre ancré dans le mien. Il est plus grand qu’Assane, plus imposant aussi. Son visage est plus dur, marqué par des années passées à l’extérieur du village, à travailler dans des terres lointaines.
Chaque fois que je le vois, je ressens la même chose.
Un mélange de peur et d’attirance.
— Non, dis-je d’un ton bas. Il est allé voir son père.
Malik esquisse un sourire sans joie.
— Il se doute de quelque chose.
Je détourne les yeux.
— Ça n’a pas d’importance.
— Bien sûr que si.
Sa voix est froide. Il s’approche légèrement, réduit la distance entre nous. Je retiens mon souffle, mon cœur battant à un rythme effréné.
— Awa, il va te briser si tu continues comme ça.
Je serre les dents.
— Je n’ai rien fait.
Il me scrute un instant, puis secoue lentement la tête.
— Tu peux te mentir à toi-même, mais pas à moi.
Je sens ma gorge se nouer. Il a raison. Je me mens.
Je tourne les talons et m’éloigne, refusant d’entendre ce qu’il a encore à dire.
Mais au fond de moi, je sais.
Ce n’est que le début.
---
Le soir, Assane est étrangement calme. Trop calme.
Il m’observe à chaque geste, à chaque silence. Son regard est devenu plus pesant, plus insistant.
Je fais comme si de rien n’était, je sers le repas, je parle avec légèreté.
Mais à l’intérieur, je meurs de peur.
Au moment d’aller nous coucher, il s’approche lentement, s’arrêtant juste derrière moi alors que je défais ma tresse.
— Tu n’as rien à me dire ? murmure-t-il.
Mon cœur rate un battement.
Je garde les yeux baissés, fixant mes mains tremblantes.
— Pourquoi tu me demandes ça ?
— Parce que je te connais, Awa.
Il pose une main sur mon épaule, et un frisson glacé me traverse.
— Et je sais quand tu me caches quelque chose.
Je ferme les yeux.
Le piège est en train de se refermer sur moi.
CHAPITRE 126 — Retour à la lumière AWALe bunker se referme derrière nous dans un bruit sourd de métal froissé.Un son que je n’oublierai jamais.Je reste immobile un instant, le souffle court.Ce claquement résonne comme la fin d’un cauchemar… et le début d’autre chose.Je lève les yeux.Le ciel.Je n’arrive pas à y croire.Bleu, vaste, ouvert.Pas ces néons pâles qui faisaient semblant d’imiter le jour. Pas cette lumière artificielle et crue qu’on nous imposait.Non. Le vrai ciel.Je sens ma gorge se serrer.Je voudrais hurler, pleurer, courir, m’écrouler.Mais je reste droite.Je sens la main de Lorenzo glisser dans la mienne.Solide. Tremblante.— On est dehors, Awa. On est… vivants.Je le regarde.Ses traits sont tirés. Il a des cernes, des cicatrices. Mais il est là.Il est beau.Pas d’une beauté parfaite.D’une beauté qu’on forge dans le feu.Je pose ma main sur sa joue, doucement.— On est libres, murmuré-je. Vraiment libres ?Il ne répond pas.Il n’en a pas besoin.On marche
CHAPITRE 126 — Retour à la lumière AWALe bunker se referme derrière nous dans un bruit sourd de métal froissé.Un son que je n’oublierai jamais.Je reste immobile un instant, le souffle court.Ce claquement résonne comme la fin d’un cauchemar… et le début d’autre chose.Je lève les yeux.Le ciel.Je n’arrive pas à y croire.Bleu, vaste, ouvert.Pas ces néons pâles qui faisaient semblant d’imiter le jour. Pas cette lumière artificielle et crue qu’on nous imposait.Non. Le vrai ciel.Je sens ma gorge se serrer.Je voudrais hurler, pleurer, courir, m’écrouler.Mais je reste droite.Je sens la main de Lorenzo glisser dans la mienne.Solide. Tremblante.— On est dehors, Awa. On est… vivants.Je le regarde.Ses traits sont tirés. Il a des cernes, des cicatrices. Mais il est là.Il est beau.Pas d’une beauté parfaite.D’une beauté qu’on forge dans le feu.Je pose ma main sur sa joue, doucement.— On est libres, murmuré-je. Vraiment libres ?Il ne répond pas.Il n’en a pas besoin.On marche
CHAPITRE 125 – Ce qu’on ne recolle pas sans déchirerAWALe contact est passé.Mais ce n’est pas un passage. C’est une traversée.Quelque chose me coule dans le crâne. Une chaleur dense, visqueuse. Pas douloureuse. Pire : intime.Comme si une partie de moi me serrait enfin dans ses bras… en plantant lentement ses ongles sous ma peau.J’entends ma respiration.Mais ce n’est plus tout à fait la mienne.Un souffle plus ample, plus ancien.Comme si je respirais pour deux.Ou pour mille.Je tombe en arrière.Le choc contre le sol me réveille à moitié.Mes yeux papillonnent, lents.Le plafond tourne.Ou c’est moi.Des bruits reviennent.Pas ceux du bunker. — "Un sujet peut contenir plusieurs architectures de mémoire, mais l’intégration des schémas contradictoires crée des artefacts..."Des voix de laboratoire. Des murmures dans des masques. Du sang dans des tubes.Je les revois. Pas comme des souvenirs.Comme si je les vivais.Maintenant.Encore.Le présent se désolidarise.Je ne suis plus
CHAPITRE 124 — Ce qu’on a laissé trop longtemps dormir AWALe panneau de la capsule clignote. ACTIVATION EN COURSStabilisation génétique : 41%Éveil cognitif : IncompletLa température chute encore.Mais cette fois, le froid ne vient plus des murs.Il monte de l’intérieur.Un froid ancien, cellulaire.Comme si mon propre sang s’inversait.Je sens mes nerfs se tendre comme des câbles tirés à l’extrême.Ma peau devient une frontière.Entre ce que je suis… et ce que j’aurais pu être.Le silence devient dense.Presque vivant.Pas le silence de l’absence.Le silence d’une chose qui attend qu’on la regarde.Je braque mon arme.Pas par peur.Par nécessité.Je dois garder un point fixe.Quelque chose de simple. Un poids. Un centre.La vitre craque.Un bruit sec. Une ligne en zigzag.Un motif presque organique.Comme si le verre lui-même cherchait à respirer.Derrière : elle.Ma silhouette.Mon corps.Mais plus jeune.Plus calme.Trop calme.Ses yeux sont ouverts.Mais ce n’est pas une cons
CHAPITRE 123 — Ce qu’on ne veut pas retrouverAWALe sas se referme dans un souffle métallique.Un son trop lent pour être mécanique.Trop lourd pour n’être que technique.Comme un soupir étouffé.Devant moi : un tunnel de métal ancien.Murs rongés. Odeur de condensation stagnante.Un cliquetis diffus, régulier, pulse quelque part dans les entrailles du bunker.Ni horloge, ni machine.Un rythme sans nom. Organique.Je sors une lampe thermique.L’écran s’allume d’un bleu pâle.Les murs sont froids.Mais au sol…Des zones récentes.Des résidus de chaleur humaine, pâles et dispersés.Des empreintes dans le silence.Pas les nôtres.Je me retourne.Lorenzo tient debout. À peine.Son souffle est court.Une goutte de sueur file entre ses sourcils.Sa main crispée sur la canne. L’autre main tremble.Je murmure :— Tu peux encore reculer.Il me regarde, les pupilles noircies par la douleur.Mais sa voix reste calme :— Tu savais très bien que je ne reculerais pas.Je hoche la tête.Pas parce q
CHAPITRE 122— Ce qu’on ne veut pas retrouver---AWALe sas se referme dans un souffle métallique.Pas de lumière.Juste un cliquetis diffus, quelque part dans les entrailles du bunker.Je sors une lampe thermique.Les murs sont froids.Mais au sol, des zones récentes.Des empreintes humaines.Pas les nôtres.Je me retourne vers Lorenzo.Il se tient debout. Juste.Son souffle est court. Sa main crispée sur la canne.— Tu peux encore reculer, murmuré-je.Il secoue la tête.— Tu savais très bien que je ne reculerais pas.Je hoche la tête.Et j’ouvre la première porte.---SECTEUR A — OBSERVATIONDes vitres blindées, craquelées par le temps.Derrière, des cellules.Certaines contiennent encore des silhouettes…Pas humaines.Pas tout à fait mortes non plus.Je coupe l’alimentation de sécurité.Un verrou cède dans un claquement sec.Nous entrons.Des dossiers traînent au sol.Des photos imprimées.Des visages.Certains flous, masqués par des codes-barres.D’autres reconnaissables.Je m’age