J'étais devenue une plaie et il était temps pour moi de m’en aller et de le laisser guérir de cette plaie qui l’a longuement rongé.
Je savais que cette décision n'était pas sans conséquence. Toute ma vie, je n’avais vécu que pour cet homme. Je savais qu'à présent nos routines n'existeraient plus. Je suis partie et avec moi j'ai emporté ce sentiment incroyable qui nous unissait. Mais au fond de moi, j'espérais… j'espérais qu'il me cherche, qu'il vienne me retrouver et qu'il me dise qu'on peut essayer à nouveau et qu'il serait toujours à mes côtés. J'espérais ; mon cœur l'espérait mais… mais je n'en étais plus vraiment convaincue. Je suis retournée à mon appartement où je vivais toute seule avant de le rencontrer. Lorsque j’arrivai, une vague d'émotions s'empara de mon être tout entier. C'est devant cette porte que Bryan m'avait demandé en mariage. Dans ce salon, je nous revoyais passer nos journées à discuter sans arrêt, à nous amuser et à partager nos dîners. Chaque coin et recoin de cette maison me rappelait cet amour perdu. Cet amour que j'ai laissé partir parce qu'il ne nous faisait plus de bien. À peine quelques heures que j'étais partie, je me sentais déjà vide comme si une partie de moi avait été retirée. Bryan me manquait déjà terriblement et je n'y pouvais rien. Bryan Carine, c’est la femme de ma vie. Je l'aime de tout mon cœur. Notre mariage était la meilleure chose qui me soit arrivée. Mais… au fil du temps, l'espoir que je portais en nous, en cette union, s'estompait progressivement. Carine est la mère parfaite pour mes enfants ; malheureusement ces enfants que j'espérais tant ne sont que dans mon cœur. Je me suis résolu au fait que nous n'en aurions jamais. J'ai cru en notre amour, j'ai cru en notre couple. Je l'ai soutenue pour notre famille. À toutes ces tentatives, j'étais là. À toutes ses analyses, j'étais là. Je lui tenais la main, je l'accompagnais, on le faisait à deux. Cette fois-ci, ce « NON », cette énième tentative a brisé quelque chose en moi ; je me sens à présent vide. Ce non, ce résultat négatif a résonné au plus profond de moi. Je l'ai ressenti comme un coup de poignard. Je n'allais certainement jamais être père et je devais m'en tenir à ce résultat. Lorsque le médecin répétait ces paroles que j'avais entendues à maintes reprises, comme une chanson qui tourne en boucle dans ta tête sans que tu puisses l'arrêter, elles me transperçaient le cœur et l'espoir en moi se brisait ; cet espoir ardent qui me permettait de rester près d'elle malgré tout, de tout supporter, je l'avais perdu à cet instant précis. Je le perdais et je savais que je ne le retrouverais pas. C'est égoïste, je le sais bien. Mais dites-moi, comment vous sentiriez-vous si la femme que vous aimez de tout votre cœur, avec qui vous envisagiez de fonder une famille, ne le pouvait pas ? Comment vous sentiriez-vous si la possibilité d'avoir vos propres enfants vous était enlevée à tout jamais ? L'amour supporte tout ? Je le pensais. Mais lorsque je la regardais, je la voyais tout aussi anéantie. Elle souffrait, je le savais. Son regard n'était plus le même, elle voulait que je sois là pour elle, mais je ne le pouvais plus. Je n'y arrivais plus. Je n'allais jamais pouvoir être père et rien que d’y penser me faisait le plus grand mal. Et ce mal, je le lui renvoyais, pas volontairement, mais je le lui renvoyais. Je ne pouvais pas prétendre que j'allais bien. J'ai longtemps été un support pour elle. Nous avons longuement bataillé en équipe. Je ressortais de chaque tentative avec cet espoir de ne rien lâcher. Nous voulions cet enfant ; mais je devais me résoudre : Carine et moi ne serions jamais parents. Je n'entendrais pas de cris d'enfant, je ne connaîtrais jamais la joie de la paternité à ses côtés. Je ne suis pas dur, c'est ce qui est. J'aime Carine de tout mon cœur mais je sais qu'avec elle je ne serais pas papa et ça, je n'arrive pas à l'oublier. Je suis rentré très tôt ce matin ; je m'attendais à la trouver dans notre lit, me tournant le dos ou me regardant avec ses yeux pleins de tristesse. Mais cette fois-ci, Carine n'était pas là. Je savais qu'elle ne supporterait plus, tout autant que moi. Et sa lettre posée sur le chevet a tout confirmé. Nous nous aimons toujours. On n’arrêtera peut-être jamais de s'aimer. Mais on savait qu'on se faisait du mal. Je ne savais plus comment l'aimer et elle, elle se sentait réduite. Je ne voulais pas qu'elle se sente comme ça. Je ne supporte pas de la voir triste. Mais comment ne pas penser à ça ? Comment faire face à cette réalité ? Comment lui dire que nous aurions notre enfant un jour si à chaque tentative le résultat était toujours négatif ? Elle a décidé de partir. Mon cœur criait de la retrouver, d'aller chez elle et de la récupérer. Mais ma raison me disait de la laisser partir. Je n'arrivais plus à être un soutien. Je m'en voulais ; je n'étais plus ce même Bryan. Je ne savais plus quoi faire, ni quoi dire. Notre maison était vide sans elle. Chaque coin me rappelait nos moments, mais ils me rappelaient aussi ce combat dont on ne se réjouirait pas de l'avoir gagné. Ces histoires d'amour qui se soldent par des échecs alors que ces deux personnes s'aiment énormément ? Je n'y croyais pas. Et aujourd'hui je suis dans cette situation… Cette lettre, dans mes mains tremblantes, je ne la sentais pas mais j'avais les larmes qui coulaient ; une partie de moi s'en est allée. Carine, ma moitié, partait. Mais en même temps je ne pouvais pas la retenir, j'en étais incapable. Il fallait que je sorte. Il me fallait oublier, le temps d'une journée. Je ressentais une grande tristesse mais je ne bougeais pas. Son sourire me manquait, mais il n'était plus là. Nos dîners me manquaient, mais je ne passais pas mes soirées avec elle. Carine est la femme de ma vie. Mais pas la mère de mes enfants. Carine Notre mariage, notre couple représentaient tout pour moi, mais cela ne suffisait pas. Partir, pour moi, était la seule chose à faire. Je ne pouvais plus supporter de nous voir nous éloigner. Je ne pouvais plus supporter de le voir rentrer tard et de le voir repartir aussitôt, sans pouvoir lui dire de ne pas me laisser toute seule dans mon chagrin. Nous souffrions tous les deux. Je le comprenais. Nous n'aurions jamais d'enfants, et nous le savions. Je devais le libérer de ce supplice. C'était de ma faute, je ne pouvais lui donner ce dont nous rêvions. Fonder une famille, avoir des enfants qui nous appelleraient « Papa » et « Maman ». Avec moi, il ne ressentirait pas ce que ça fait de donner la vie. J'étais limitée et je l'avais limité avec moi. J'étais seule. Cette fois-ci, ce n'était plus juste un sentiment, c'était ma réalité. Bryan devait refaire sa vie, et sans moi. Mais est-ce que je pourrais le supporter ? Tout à coup, alors que j'étais envahie par ce silence morbide, mon téléphone retentit. — Bryan?Plusieurs années plus tôt,— Oh chérie, j’ai vu Cathy aujourd’hui au marché, dit Carine en apprêtant le dîner.— T’en es certaine chérie ? Aux dernières nouvelles, elle est censée rentrer de ses vacances le week-end prochain, répondit Bryan, tout en regardant la télévision.Carine plissa légèrement les yeux.— Chéri, le dîner est prêt, annonça-t-elle.Elle s’avança vers la table dressée de couverts et y déposa la première partie du repas.Bryan se leva aussitôt du canapé, son visage illuminé d’un sourire tendre et affectueux.— Mais chérie, ça sent tellement bon, dit-il en se rapprochant d’elle.Il l’embrassa tendrement et les deux s’échangèrent un regard amoureux.— Tu sais que je t’aime de tout mon cœur, murmura Carine.— Moi encore plus. T’es l’amour de ma vie et je ne t’échangerais pour rien au monde, répondit Bryan qui l’embrassa une nouvelle fois.— Maintenant, asseyons-nous, le dîner risque de refroidir Bryan, le repoussa-t-elle tout doucement.Bryan ne détourna pas son regard
Le poing de Bryan se serra plus fort encore. Son visage était marqué par la colère et une profonde tristesse. Son regard assombri ne fixait que cette lettre qui venait de lui révéler cette désillusion qu’a ressentie Carine en le voyant avec une autre femme.Sa gorge et sa mâchoire se resserraient, ses yeux avaient déjà bien rougi à force de pleurer.Au fond de lui, quelque chose s’était brisé. Et à cause de lui, Carine n’avait pas pu être comblée jusqu’à ses derniers jours.Brusquement, il se leva de son siège, plia les lettres et les remit dans le coffret. Cette fois-ci, il ne la rangea pas dans le tiroir. Il la couvrit de sa veste et s’en alla.Lise referma tout doucement la porte de sa chambre. Une fois dehors, ses yeux brillaient et, d’un revers de la main, elle nettoya les larmes qui s’apprêtaient à sortir.Puis, elle descendit jusqu’au salon, s’asseyant face à son ordinateur afin de se plonger dans le travail. Elle se passa nerveusement les mains sur ses cheveux. Ensuite, elle s
Le temps s’était suspendu pour Bryan.Il n’aurait jamais pensé que son désir d’être père allait l’éloigner à tout jamais de Carine.Subitement, il releva la tête. Ses larmes coulèrent sur cette deuxième lettre qu’il tenait fermement.Une deuxième lettre, une deuxième confession et un deuxième coup qu’il recevait en plein cœur.Sa main s’avança vers cette boîte qu’il effleurait du bout des doigts. Ils tremblaient, mais ils avançaient tout de même vers le coffre.Il sortit la troisième lettre, soigneusement rangée avec toutes les autres.BryanCe que je ressens en ce moment précis est indescriptible... Elle attendait que je revienne mais je ne suis pas revenu vers elle.Il ferma les yeux, sa respiration s’accéléra.Je ne l’ai pas fait parce que j’avais arrêté de la voir comme une compagne de vie, une amie... Mais je la regardais désormais comme cette femme qui devait donner naissance à mes enfants.Il se passa les deux mains sur le visage, tremblant.Je l’avais cloîtrée à ce rôle, oubli
Tout comme avec la première, cette deuxième lettre lui transperça le cœur dès le début.Bryan avait les mains qui tremblaient, son regard s’était intensifié sur chaque mot, chaque phrase de Carine.Mais ses mains continuaient à tenir ce format ; tenir pour ne pas le laisser tomber. Tenir pour ne pas la laisser tomber une seconde fois.Cette deuxième lettre était un autre bout de Carine qui lui était destiné.Il se devait de la lire, peu importe si ça le mettait au pied du mur, à l’exposition de ses manquements en tant que mari.Une année et quelques mois plus tôt,Lise lui tenait la main tendrement; elle tenait à rester près de son amie. Elle ne voulait pas la laisser vivre tout cela toute seule. C’était son combat mais leur amitié faisait que ce soit leur combat.Elle la regardait tendrement, se forçant de ne pas pleurer. Sa promesse de toujours garder son sourire ne devait pas être rompue.Sous ses yeux, Carine tenait de son autre main ce stylo qui lui permettait d’écrire ce que son
Finalement, il ne parvint pas à l’ouvrir. Bryan referma le tiroir et se leva aussitôt de son siège. Il prit sa veste accrochée et s’en alla de son garage.Le regard assombri, les mains dans les poches et la tête légèrement baissée, Bryan marchait dans la rue comme un fantôme errant empli d’une grande souffrance. Chaque pas qu’il faisait semblait lourd, lourd de remords. Il marchait sans regarder autour de lui. Ses yeux étaient figés droit devant lui comme s’il se refusait de repartir vers cette réalité qui le hantait à présent.Il termina sa marche dans un parc. Il arpenta l’allée menant à un banc public. Lorsqu’il s’assit, les bruits des cris d’enfants le saisirent. Ses yeux baissés se levèrent en direction de ces cris qui devenaient de plus en plus importants.Le jardin était envahi d’enfants qui s’amusaient. Leurs rires, cette innocence dans leurs regards, cette joie de vivre lui arrachèrent, le temps de quelques instants, un léger sourire.Vint le moment où ces enfants furent appe
Il y a un an et quelques mois...— Lise, s’il te plaît, rapporte-moi quelques formats, dit Carine.— Des formats ? Pourquoi faire ? demanda-t-elle, intriguée par cette demande si soudaine.Carine se redressa sur son lit et se pencha vers son chevet. Elle en sortit un support et un stylo.— Je vais mettre tout ce que je ressens sur ces formats. Et après que je ne sois plus...Elle s’arrêta un moment.— Tu les remettras à Bryan pour moi s'il te plait, termina-t-elle.Lise s’avança, les yeux mouillés, vers son amie et lui tint la main.— Ne dis pas ça Carine, tout se passera bien. Tu dois te battre. Tu dois te battre pour nous, s’il te plaît, lui dit-elle, émue aux larmes.Carine lui sourit tendrement, posa sa main sur le bas de ses yeux et essuya les larmes qui montaient à la surface.— Lise, mon amie. Je ne veux pas te voir triste. Je veux garder jusqu’à la fin le souvenir de ce sourire qui illumine à chaque fois ton visage. S’il te plaît, fais-moi le plaisir de ne plus l’enlever, décl