Home / Romance / Les clauses du cœur / Chapitre 4 — Là où rien ne comble le vide

Share

Chapitre 4 — Là où rien ne comble le vide

Author: Darkness
last update Last Updated: 2025-07-13 21:03:06

Aaron

Je suis déjà au bureau avant le lever du soleil.

La ville est encore endormie, prise dans ce demi-silence qui précède la guerre. Les premiers mails affluent, mais je les laisse en suspens. Ce matin, rien d’ordinaire ne mérite mon attention.

Aujourd’hui, je tire le premier fil.

Je fixe l’écran, la lumière bleutée baignant mon visage de sa lueur artificielle. La silhouette de Fleure apparaît, capturée dans un cliché de surveillance, pris en sortant de mes locaux . Elle marche vite. Le dos droit. Les poings fermés.

Fuir. Toujours fuir.

Mais moi, je ne cours jamais après personne.

Je tends des pièges. Je les observe tomber dedans.

Je compose un numéro. Il ne sonne qu’une fois.

— Monsieur Valesco.

— Elle a une dette chez vous, je crois.

— Fleure Monet ? Oui. Dossier en cours de recouvrement. Les pénalités ont commencé à s’accumuler. Vous voulez que ...

— Je veux que vous durcissiez les conditions. Discrètement. Qu’on la rappelle aujourd’hui. Qu’on mette la pression. Mais sans mentionner mon nom.

Un silence admiratif.

— Compris. Elle ne saura rien.

Je raccroche.

Les gens pensent que le pouvoir est un cri, une menace, une violence brute. Ils oublient que le vrai pouvoir, c’est la finesse.

Un fil invisible tiré au bon moment.

Un obstacle qui surgit au pire instant.

Une décision qu’on croit libre… alors qu’elle a été conditionnée.

Je ne veux pas forcer Fleure à dire oui.

Je veux qu’elle se pense libre.

Je veux qu’elle vienne d’elle-même.

Qu’elle me croie son seul choix, sa meilleure option, son dernier pari.

Alors, je tisse.

J’appelle mon chef de projet principal.

— Il y a une candidate que je veux intégrer sur nos plans à moyen terme. Je veux qu’elle ait un aperçu de nos branches européennes. Faites-lui parvenir un dossier simulé. Quelque chose d’assez complexe pour l’attiser, pas assez pour l’effrayer.

— Et si elle refuse ?

— Elle lira. Elle ne pourra pas s’en empêcher.

Parce qu’elle est comme moi.

Elle aime comprendre. Décortiquer. Diriger.

Même si elle fait semblant de refuser le pouvoir, elle en a la fièvre dans le sang.

Fleure Monet ne veut pas d’un homme comme moi.

Mais elle veut un monde que moi seul peux lui offrir.

J’appelle ensuite mon avocat.

— Prépare une révision du contrat. Ajoute un addendum : clause de sortie sans pénalités au bout de six mois si les deux parties le souhaitent.

Il ricane.

— Vous rendez les choses trop faciles.

— Non. Je lui donne une illusion de contrôle. Ce qu’elle réclame.

Je raccroche.

Puis je me lève, mon regard se perdant sur les buildings qui s’élèvent comme des menaces vers le ciel.

Je devrais être tranquille. Je devrais savourer ma victoire anticipée.

Mais quelque chose cloche.

J’ouvre un tiroir. En sors une chemise beige. Elle contient le rapport psychologique que j’ai demandé, discrètement. Un ancien collègue, un profiler discret.

Fleure Monet.

Orgueilleuse. Méfiante. Brillante.

Son dossier est un champ de mines.

Un père absent. Une mère écrasante.

Un besoin viscéral de mériter.

Une peur panique de dépendre.

Et malgré tout ça… un désir d’être choisie.

Pas pour son utilité. Pas pour ses chiffres.

Pour elle.

Je ferme le dossier, le cœur légèrement plus lourd.

Parce que je sais que ce que je fais, là, maintenant…

C’est tout ce qu’elle redoute.

Je la manipule. Je l’oblige à se rapprocher.

Et je déteste admettre que ce n’est pas seulement stratégique.

Que je la veux vraiment.

Pas seulement pour ses compétences.

Pas seulement parce qu’elle m’a dit non.

Mais parce qu’elle brûle.

Parce qu’elle m’agace.

Parce qu’elle me défie.

Parce qu’elle me voit, peut-être, derrière le masque.

Je croise mon reflet dans la vitre.

Impeccable.

Impassible.

Inébranlable.

Mensonge.

Je reprends place dans mon fauteuil.

Tout est en place.

La banque appellera ce matin.

Le dossier arrivera dans sa boîte mail à midi.

L’addendum au contrat suivra dans l’après-midi.

Et moi, j’attendrai.

Calmement.

Patiemment.

Comme un chasseur qui sait que sa proie finira par revenir.

Pas par peur.

Mais par choix.

Ou du moins… ce qu’elle croira être un choix.

Les murs de ma suite sont recouverts de silence.

Un silence voulu. Choisi.

Un silence comme un cercueil tendu de velours noir.

Il est presque minuit.

La ville pulse au loin, à travers les baies vitrées.

Lumières étouffées. Rumeurs lointaines.

Mais ici, le monde s’arrête.

Je me verse un verre de whisky.

Le liquide ambré tourbillonne lentement contre les parois de cristal. Deux glaçons. Juste assez pour réveiller le feu, jamais pour l’éteindre.

Je n’ai rien avalé depuis ce matin, sauf quelques mots froids balancés à des cadres tremblants.

Mon estomac est vide.

Ma tête, pleine.

Elle est là, nue, allongée sur le lit comme un tableau trop bien éclairé.

Sa peau est lisse, sa courbe parfaite, ses lèvres entrouvertes dans une invitation calculée.

Un mannequin, payé pour son silence autant que pour sa beauté.

Une distraction, une ombre de plaisir.

Rien de réel.

— Reviens, murmure-t-elle, sa voix traînant comme un ruban de satin.

Je pose mon verre.

Je n’ai pas envie d’elle.

Mais j’ai envie de l’effacer. Elle.

Fleure.

Son nom claque dans ma tête comme une gifle.

Je m’approche mécaniquement, mes gestes précis, chirurgicaux.

Mes mains effleurent la hanche offerte, comme si je touchais un objet d’art.

Elle frissonne sous ma paume. Elle croit que c’est du désir.

Je ne frémis pas.

Je prends.

Je dirige.

Je pénètre comme on ferme une porte, sans émotion, sans tendresse.

Elle gémit. Elle croit que ça me plaît.

Mais je suis ailleurs.

Je suis avec Fleure.

Ses yeux qui me transpercent.

Ses mains qui tremblent de colère.

Cette tension dans sa gorge, cette morsure dans sa voix.

Elle m’a regardé comme si j’étais un poison.

Et c’est exactement ce que je suis.

Je me perds dans des gestes vides, mon souffle est stable, ma mâchoire tendue.

Je m’enfonce dans un corps, mais c’est elle que je veux faire plier.

C’est sa bouche que je veux faire taire de force.

Son regard que je veux briser, juste un peu, pour voir ce qu’il y a dessous.

Personne ne m’a jamais défié comme elle.

Personne n’a jamais osé me renvoyer un contrat à la figure comme si j’étais un vendeur de tapis.

Elle ne sait pas encore ce qu’elle a déclenché.

Un rire silencieux me tord les lèvres.

Je me retire sans prévenir. Sans mot.

Elle me regarde, confuse, vexée.

Mais je ne suis déjà plus là.

La douche coule, brûlante, tentant d’arracher ce goût amer de peau sans passion.

Mes muscles sont noués.

Je me racle les pensées à coup de vapeur.

Mais rien n’y fait.

Elle est là.

Dans mes nerfs.

Dans ma mémoire.

Dans mes fantasmes.

Fleure Monet.

Feu contenu dans une robe trop sage.

Orgueil à vif.

Je sors, une serviette autour de la taille.

L’autre est toujours là, dans le lit.

Elle m’observe, les jambes croisées, le dos droit comme une offre.

— Tu veux que je reste cette nuit ?

Sa voix est douce, trop douce.

Elle cherche à gagner un peu plus de terrain.

Je la fixe.

— Non.

Un seul mot. Une seule syllabe.

Elle comprend. Elle s’habille, en silence. Pas une protestation. Elle sait déjà qu’elle ne reviendra pas.

La porte se referme derrière elle.

Enfin.

Je rouvre le dossier.

Celui de Fleure.

La première photo.

Une robe noire. Un port altier. Un regard qui dit : « Essaye seulement. »

Je trace du doigt la ligne de son menton, la courbe de ses lèvres.

Je la veux.

Mais pas comme les autres. Pas pour une nuit.

Je la veux dans mon système. Dans mes affaires. Dans mes décisions.

Je veux sa voix dans mes réunions, ses silences dans mes calculs, son regard quand tout s’effondre.

Je veux l’intégrer.

L’apprivoiser.

L’ébranler.

Une semaine.

Sept jours.

Et ensuite… elle sera à moi.

De son plein gré, ou presque.

Je repose le dossier. Je ferme les yeux.

Et je souris.

Le jeu vient à peine de commencer.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • Les clauses du cœur    Chapitre 25 — Pacte avec le Diable

    FleureLa nuit s’est engloutie derrière les rideaux épais de sa chambre. Pas une lueur ne filtre, si bien que je pourrais croire être enfermée dans une tombe. Et pourtant, j’entends chaque battement de mon cœur, chaque respiration d’Aaron, chaque mouvement de drap qui me rappelle que je ne suis pas seule.Je n’ai pas dormi. Comment dormir, alors que ses paroles continuent de tourner dans ma tête ?"Tu n’appartiens plus à personne d’autre."Elles se sont gravées en moi comme une sentence. Comme si en acceptant de venir à cette soirée, en me laissant marquer par son sceau devant tous, j’avais bel et bien signé un pacte invisible. Un pacte avec le diable.Je me tourne sur le côté, les yeux fixés sur l’ombre de son profil. Il dort à moitié, paisible, une main repliée sous sa nuque, comme s’il régnait même dans son sommeil. Et moi… je me sens captive, piégée dans une cage dorée.Je serre la serviette autour de moi, toujours incapable de remettre la robe ou même de chercher une chemise. C’e

  • Les clauses du cœur    Chapitre 24 — Le refus et l’ultimatum

    FleureLa voiture ralentit et s’arrête enfin devant les grilles monumentales de son domaine. Les hauts portails de fer forgé s’ouvrent lentement dans un grincement qui me donne l’impression de franchir une frontière invisible. Au-delà, le manoir se dresse, massif, écrasant, illuminé par des dizaines de fenêtres aux lueurs dorées. Une forteresse. Un piège.Mon cœur cogne dans ma poitrine. La soirée m’a déjà laissée à bout de souffle, mais je sens que le pire commence seulement.Aaron sort le premier. Son ombre se projette sur le sol pavé comme celle d’un conquérant. La portière s’ouvre de mon côté, et sans un mot, il m’offre sa main. Je ne veux pas la prendre. Mais son regard est un ordre, et mes doigts, malgré moi, s’y accrochent. Sa poigne ferme m’arrache toute possibilité de fuite.Je me redresse, les jambes encore tremblantes.— Je veux rentrer chez moi, lâché-je, d’une voix sèche, presque cassée.Il se fige. Lentement, ses yeux se plissent. Le silence autour de nous devient lourd,

  • Les clauses du cœur    Chapitre 23 — Le triomphe du conquérant

    AaronSes lèvres brûlent encore contre les miennes quand je relève lentement la tête, sans la lâcher. Je garde mon front collé au sien, mes doigts toujours ancrés à sa nuque, comme s’il suffisait de cette pression pour rappeler au monde entier qu’elle est sous mon joug.Autour de nous, la salle n’ose plus respirer. Le silence n’en est pas un : c’est un tonnerre contenu, un grondement muet de cœurs serrés, de regards jaloux, de bouches ouvertes. Tous ces visages fixés sur nous, suspendus entre l’indignation et l’envie, m’enivrent. Je le sens, je le respire, et c’est une ivresse plus puissante que le vin le plus rare.Je garde sa nuque dans ma main, sa peau palpitante sous mes doigts. Elle ne peut pas m’échapper. Sa respiration heurtée, son regard fuyant, le feu de ses joues… chaque signe de son trouble est mon trophée.Et moi, je ne regarde pas Fleure. Non. Pas encore.Je regarde la salle.Leurs yeux sont des miroirs brisés : désir trouble, haine contenue, fascination maladive. Certain

  • Les clauses du cœur    Chapitre 22 — Le baiser des chaînes

    FleureLa salle entière est encore suspendue à l’éclat du Bleu Hope quand Aaron resserre sa prise sur ma main. Le diamant capte chaque lumière, chaque souffle, comme s’il avait capturé l’attention de la terre entière. Mais lui n’en a pas assez.Il veut plus.Il veut tout.— Ce soir, dit-il d’une voix qui roule comme un tonnerre maîtrisé, je proclame devant vous ce qui ne sera jamais remis en question : elle est mienne.Un frisson traverse l’assemblée. L’air devient lourd, chargé d’électricité. Puis, soudain, son autre main se glisse derrière ma nuque. Son geste est ferme, sans appel, presque brutal dans sa douceur calculée. Un étau chaud et glacé à la fois.Je n’ai pas le temps de respirer. Pas le temps de détourner le visage.Ses lèvres s’abattent sur les miennes.Le choc me brûle.Sa bouche est ardente, avide, dévorante. Ce n’est pas un baiser d’apparat. Ce n’est pas un signe de tendresse mondaine. C’est une flamme qui s’impose, un sceau qui marque au fer rouge. Il veut me posséder

  • Les clauses du cœur    Chapitre 21 — L’éclat du Bleu Hope

    FleureLe cristal des lustres vibre au-dessus de nos têtes, éclaboussant la salle d’éclats dorés et argentés. Les conversations bruissent comme une mer agitée, chaque mot dissimulant des calculs, des ambitions, des jugements. Je sens le poids de ces regards sur moi, encore plus lourd que la robe qui me serre la poitrine.Aaron ne lâche pas ma main. Sa poigne est ferme, presque douloureuse, comme s’il voulait me rappeler à chaque seconde que je lui appartiens. Un étau invisible, poli par un sourire charmeur.La musique s’adoucit soudain, comme si tout l’air de la salle retenait son souffle. Aaron s’avance de quelques pas, m’entraînant avec lui, et un cercle naturel se forme autour de nous. Tous les invités se taisent, suspendus à ce qu’il va dire, à ce qu’il va montrer.Son regard balaie l’assemblée, confiant, triomphant.— Mes chers amis, commence-t-il d’une voix claire et grave, ce soir n’est pas seulement celui de l’annonce de mes fiançailles… c’est aussi la célébration d’un lien un

  • Les clauses du cœur    Chapitre 20 — La nuit des chaînes dorées

    FleureLa nouvelle tombe comme un couperet, froid et sans appel : Aaron organise une soirée. Une soirée de fiançailles. Pour annoncer au monde entier que je lui appartiens, que je suis sa fiancée.Le message arrive le matin même, laconique, glacial. Pas une place pour le doute, ni la contestation. Je le relis encore, le cœur se serrant un peu plus à chaque lecture.« Tu seras à mes côtés. »Ces mots résonnent en moi comme une sentence. Une chaîne invisible qui se resserre. Je suis prise au piège d’un spectacle orchestré pour afficher ma soumission, pour sceller mon sort devant tous ceux qui comptent dans ce monde.Je passe la matinée dans un état de tension sourde, incapable de penser à autre chose. L’idée même de cette soirée me donne la nausée, mais je sais qu’il est impossible de reculer.Vers midi, on sonne à la porte. Un homme élégant, discret, dépose un grand paquet soigneusement emballé.— Une livraison pour Mademoiselle Fleure, annonce-t-il d’une voix neutre, évitant soigneuse

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status