Alessia
Je serre les dents.
— "Si c’est ce que tu voulais, pourquoi m’avoir fait venir ?"
Il sourit, ce sourire lent et calculé qui me fait frémir malgré moi.
— "Parce que je veux comprendre pourquoi tu résistes autant."
— "Tu n’as pas encore compris ?" Je le fixe, les yeux brûlants. "Je ne suis pas un pion dans ton jeu."
Il se penche, son visage à quelques centimètres du mien.
— "Non. Tu es bien plus que ça."
Mon souffle se bloque dans ma gorge.
— "Alors pourquoi ce petit jeu ?"
Il passe un doigt sur ma mâchoire, remontant lentement vers ma joue.
— "Parce que je veux savoir jusqu’où tu iras avant de céder."
Je me tends, mon corps répondant involontairement à ce contact. Il le sent. Je le vois dans la manière dont son sourire s’élargit légèrement.
— "Tu perds ton temps."
— "Vraiment ?"
Ses doigts glissent lentement jusqu'à ma gorge, s’arrêtant juste sous ma mâchoire. Sa main est chaude, puissante, et je déteste le frisson qui me parcourt.
— "Parce que ton souffle me dit le contraire."
Je me dégage brusquement, posant mon verre avec force sur la table.
— "Je vais partir."
Il ne bouge pas.
— "Non."
Je fronce les sourcils.
— "Quoi ?"
Il lève un doigt, et aussitôt, deux hommes en costume noir se postent devant l’entrée de l’alcôve.
— "Tu ne pars pas."
Je me redresse, furieuse.
— "Tu crois pouvoir me retenir prisonnière ?"
— "Je ne crois rien." Il me fixe, son regard noir et perçant. "Je le fais."
— "Lorenzo…"
— "Assieds-toi, Alessia."
Ma gorge se serre. L’air dans mes poumons devient lourd, oppressant.
— "Pourquoi ?"
— "Parce que ce que je vais te dire, tu dois l’entendre."
Je reste debout, mes poings serrés, le cœur battant à tout rompre.
— "Si tu penses que tu peux me briser…"
— "Je n’ai pas besoin de te briser." Il se lève lentement, son corps imposant se glissant jusqu'à moi. Il s’arrête juste devant moi, son souffle chaud caressant ma peau. "Je veux que tu m’appartiennes."
Je le fixe, incapable de détourner le regard.
— "Je n’appartiens à personne."
Il sourit.
— "On verra."
Il se détourne, laissant une brise glacée dans son sillage.
— "Asseyez-vous," dit-il aux hommes en costume.
Ils s’exécutent immédiatement.
— "Maintenant, Alessia…" Il se tourne vers moi, ses yeux brûlant d’une lueur dangereuse. "Laisse-moi t’expliquer ce que signifie vraiment être à moi."
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Lorenzo
Je vois la tension dans ses épaules, la manière dont son regard passe d’un point à un autre, cherchant une échappatoire. Alessia est intelligente. Elle sait qu’elle est coincée, mais elle cherche encore un moyen de se libérer.
Elle n’a pas encore compris que je ne lui laisserai jamais cette opportunité.
— "Tu as deux choix." Je m’appuie contre le dossier du canapé, croisant les jambes. "Tu peux sortir de ce club, reprendre ta vie comme si rien n’avait changé. Ou…"
— "Ou quoi ?"
Je souris.
— "Ou tu restes. Et tu découvres jusqu’où je suis prêt à aller pour t’avoir."
Elle écarquille les yeux.
— "Tu es malade."
— "Peut-être."
Elle me fixe, et je vois son conflit intérieur dans la manière dont ses lèvres se pincent. Elle veut fuir. Mais quelque chose la retient.
Son désir.
Elle le nie, mais je le sens dans la tension de son corps, dans la manière dont elle retient son souffle à chaque fois que je la touche.
Je tends la main vers elle.
— "Viens."
Elle ne bouge pas.
— "Je te déteste."
— "Je sais."
Je me lève lentement, m’approchant d’elle avec une lenteur délibérée. Mes doigts effleurent son bras.
— "Alessia… tu ne peux pas lutter contre ça."
— "Je vais essayer."
Je ris doucement.
— "Je t’encourage à le faire."
Elle se tend alors que ma main glisse le long de son bras.
— "Pourquoi fais-tu ça ?"
— "Parce que je peux."
Elle m’observe, le souffle court. Puis, contre toute attente, elle recule.
— "Alors regarde-moi bien, Lorenzo."
Je fronce les sourcils.
— "Quoi ?"
Elle s’approche, son regard s’illuminant d’une étincelle de défi.
— "Si tu crois que je vais tomber à tes pieds aussi facilement…"
Elle se hisse sur la pointe des pieds, son souffle frôlant ma joue.
— "… tu vas devoir essayer plus fort."
Un frisson parcourt ma colonne vertébrale.
Alessia recule, un sourire insolent sur les lèvres.
— "On verra qui gagnera ce jeu."
Je la fixe, le sang battant dans mes tempes.
Elle est en train de me provoquer.
De me défier.
Et je n’ai jamais aimé ça autant que maintenant.
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Alessia
Je m’éloigne de lui, les jambes tremblantes. Mon cœur bat la chamade, mes mains sont moites.
Je viens de défier Lorenzo Costa.
Le plus dangereux des mafieux.
L’homme qui m’a déjà prise dans ses filets.
Je suis en train de jouer avec le feu.
Mais le pire…
… c’est que j’aime ça.
Lorenzo
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Le silence règne entre nous, un silence lourd de promesses et de menaces. Alessia a réussi à me défier, à m'humilier d'une manière que je n'avais pas anticipée. Mais cette sensation de défi, je la recherche. C'est ce qui rend ce jeu encore plus excitant.
Je la regarde, son corps tendu, luttant contre ses émotions. Je vois l'instabilité derrière ses yeux, le désir caché, la colère et la douleur qui se battent pour prendre le dessus.
AlessiaLa maison de mon enfance me hantait, avant même que je ne la voie.Elle avait ce genre de silence qu’on entend de loin. Le genre de silence qu’on reconnaît, même sans l’avoir jamais traversé.Un silence qui a le goût du passé. Et parfois de la cendre.Le trajet s’est fait dans une densité presque irréelle.Pas une musique. Pas un mot de trop.Lorenzo tenait le volant comme on retient une vérité trop lourde. Ses phalanges blanches, son regard vissé à la route, et ce soupir qu’il n’a jamais poussé, mais que je sentais brûler sous sa peau.Il ne fuyait pas.Il revenait.Et c’était peut-être pire.Je n’ai pas demandé où nous allions.Je savais.C’était écrit sur ses épaules.Dans la tension de sa mâchoire.Dans ce besoin de retour, si proche de la fuite.Dans la manière dont il n’osait pas me regarder, comme s’il avait peur que je voie en lui quelque chose qu’il n’avait pas encore osé affronter.Quand la maison s’est dressée devant nous, j’ai eu l’impression que l’air s’épaississa
AlessiaIl n’était plus là, et pourtant, tout portait encore la trace de sa présence.Dans la chaleur encore tiède du drap, dans le creux à peine visible de son épaule sur l’oreiller.Dans la façon dont le silence de l’appartement vibrait encore de ses gestes, de sa voix.J’aurais pu croire que je l’avais rêvé. Mais non. La nuit était passée sur ma peau comme un aveu. Une nuit sans mensonge, sans masque, sans détour. Une nuit qui avait tout changé, sans rien promettre.J’ai marché jusqu’à la cuisine, pieds nus sur le carrelage froid. J’aurais voulu m’en moquer, mais je frissonnais. Pas seulement à cause de la température.Les gestes étaient simples. Ouvrir le placard. Prendre une tasse. Verser de l’eau dans la bouilloire.Mais mes mains tremblaient légèrement.Quelque chose en moi s’était déplacé, délogé.Je ne savais pas encore si c’était une fissure ou une renaissance. Mais c’était là. Inévitable.En buvant lentement le café brûlant, j’ai senti une tension remonter. Elle ne venait p
AlessiaJe ne sais pas combien de temps nous sommes restés là, emmurés dans le silence, ses bras autour de moi comme un rempart qu’aucun mot ne devait franchir. Ce n’était pas un silence vide. C’était celui qui suit les tempêtes, celui qui recouvre les gravats et les corps, celui où l’on retient sa respiration en espérant que rien ne se brise encore.Chaque respiration était une ancre. Chaque battement de son cœur contre ma tempe me ramenait d’un endroit où j’étais restée trop longtemps enfermée. Je ne pleurais pas. Je ne tremblais pas. Mais j’étais écorchée. Entièrement. Vivement. Et pourtant… vivante.J’aurais pu rester là toute la nuit. Toute une vie. Mais je savais que c’était impossible. Le monde allait revenir. Avec ses exigences, ses souvenirs, ses menaces. Il ne pardonne jamais longtemps ces instants de répit volés.— Tu dors ? a-t-il chuchoté.— Non.Il a resserré son étreinte, son menton contre mon crâne. Ses doigts effleuraient lentement ma colonne vertébrale, comme pour s’
AlessiaIl n’y avait plus que le silence, et ce battement sourd entre mes tempes.Le monde entier s’était refermé derrière nous. Comme une porte que l’on claque après avoir fui trop longtemps. Lorenzo était là, dans mon refuge, dans ce lieu où j’avais appris à recoller mes morceaux loin de lui. Là où chaque brique, chaque rideau, chaque livre portait l’empreinte d’une Alessia qui avait survécu.Et pourtant, c’était encore lui, toujours lui, que j’avais convoqué dans ces murs. Comme une brûlure qu’on gratte encore et encore pour s’assurer qu’elle ne guérisse jamais tout à fait.Je l’ai regardé sans parler. Mon cœur battait trop fort dans ma poitrine. Trop irrégulièrement. Trop bruyamment. Je sentais encore sa main serrer la mienne, comme s’il avait peur que je disparaisse. Comme si j’étais un mirage, et lui un homme qui avait trop erré dans le désert, les lèvres fendillées de silence.— Tu n’as pas froid ? a-t-il demandé, en me scrutant avec cette attention qui me brûlait.Je l’ai fixé
LorenzoLe jour s’était levé sans faire de bruit, glissant entre les volets comme une ombre timide qui ose à peine déranger le silence de la maison. Alessia était partie depuis plusieurs heures, sans un mot, laissant derrière elle une trace de chaleur dans le lit défait et l’odeur âcre de sa peau mêlée à la mienne.Je suis resté immobile, assis sur le bord du lit, les mains croisées sur mes genoux, le regard perdu dans ce vide qui s’étirait plus profond qu’un gouffre. J’avais cru qu’après la tempête, viendrait la paix. Mais il n’y avait que le fracas sourd des cendres sous mes pieds. Et cette douleur obstinée, comme un battement sourd, qui ne voulait pas s’éteindre.Chaque souvenir de la nuit précédente me revenait en éclats. Cette tension entre nous, ce fragile équilibre entre amour et rancune, entre désir et peur, comme si nos corps voulaient se réconcilier alors que nos âmes restaient blessées. J’avais senti ses mains hésiter, ses lèvres qui cherchaient un mot qui ne venait pas, sa
LorenzoElle dormait sans vraiment dormir. Son souffle heurté battait contre mon flanc comme une vague hésitante, retenue par quelque chose d’invisible et de trop ancien pour être nommé. Je sentais sa fatigue ancrée jusque dans ses os, dans cette manière qu’elle avait de ne pas complètement s’abandonner, même après m’avoir pris comme une tempête prend la mer : en brisant tout sur son passage.Mais même les tempêtes finissent par s’échouer.Je n’ai pas fermé l’œil.Pas une seconde.Je suis resté là, les yeux ouverts sur la pénombre, à écouter les bruits de la maison : le tic-tac distant de l’horloge du couloir, le craquement du bois sous les changements de température, son souffle. Ce souffle. Comme une prière ou une malédiction, je ne savais plus.Mon bras sous sa nuque, sa jambe jetée sur ma hanche, comme si son corps lui-même refusait d’admettre qu’elle me gardait là. Elle ne me repoussait pas. Mais elle ne m’appelait pas non plus. J’étais dans cet entre-deux fragile qu’on appelle p
LorenzoJe suis resté encore un moment devant la porte close. À écouter les battements du silence, à deviner ses larmes étouffées de l’autre côté. Mon cœur cognait plus fort que mes poings n’auraient su le faire. Mais je ne frapperais pas. Pas ce soir.Je ne suis pas venu pour imposer.Je suis venu pour m’offrir.Pour perdre.Pour tomber.Quand j’ai posé la main sur la poignée, j’ai cru qu’elle résisterait. Qu’elle me repousserait. Qu’elle me cracherait sa colère une dernière fois. Mais non.Elle n’était pas verrouillée.Et ce détail m’a arraché un frisson.Je suis entré.La lumière était basse, tamisée par les lourds rideaux tirés. Une odeur d’orage et de sueur flottait dans l’air, mêlée à celle de sa peau que je connaissais par cœur, comme un poison lent. Alessia ne s’est pas retournée. Assise sur le bord du lit, les coudes sur les genoux, la tête baissée, elle respirait comme on s’étrangle. Son dos se soulevait par à-coups, fragile et tendu comme un fil prêt à rompre.Je suis resté
AlessiaIl est resté là toute la nuit.Je le savais. Même sans le voir. Même sans ouvrir la porte. Sa présence était un poids dans l’air, une chaleur irrésolue dans le silence. À chaque fois que je m’approchais, j’entendais sa respiration derrière le bois. Calme. Contrôlée. Mais pas paisible. Jamais paisible.Lorenzo ne sait pas ce que c’est, la paix.Et moi, je suis fatiguée de la guerre.J’ai regardé la poignée plusieurs fois. Une dizaine. Une centaine. Comme si elle allait tourner toute seule. Comme si l’univers allait décider à ma place. Mais rien. Juste cette tension stagnante. Cette peur muette. Et la question qui revenait, lancinante, vrillée dans ma poitrine : et s’il ne partait jamais ?Quand je suis sortie, il s’est levé d’un seul mouvement. Pas brusque. Juste… comme s’il s’était tenu prêt. Comme s’il attendait ce moment depuis des heures, peut-être même depuis des années. Ses yeux me cherchaient déjà. Comme toujours.Il avait cette façon de me regarder qui me dérangeait. Pa
LorenzoJe suis resté là longtemps, seul dans la cuisine, les yeux fixés sur la tasse qu’elle avait laissée. Le café avait refroidi. Il portait la trace de ses lèvres. Un vestige d’elle. Une empreinte discrète, mais brûlante. Et ça m’a suffi pour tenir debout.Pas cette fois.Pas encore.Elle m’a giflé. Pas fort. Pas comme une punition. Mais comme un cri contenu trop longtemps. Un désespoir jeté à la figure. Ce n’est pas la claque qui m’a marqué. Ce sont ses yeux. Sa voix. Son absence de haine. Parce que ce n’est pas la colère que je redoute.C’est son indifférence.Je l’ai vue me regarder comme un étranger. Comme si elle essayait de reconnaître, en moi, quelque chose de vivant. Quelque chose d’humain. Et je n’étais plus sûr de pouvoir lui offrir ça.Je n’ai jamais su m’excuser. Pas vraiment. Pas comme il faut. J’ai appris à m’imposer. À corriger. À punir. À tenir. Mais pas à demander pardon. Pas à supplier. Ce mot ne traverse pas ma gorge. Il s’y coince, comme une lame.Mais ce que j