ThaliaJe ne tremble plus.Kael est contre moi. Tout contre moi. Sa bouche a quitté la mienne, mais son souffle est encore là, suspendu entre deux silences. Son regard plonge dans le mien, et je n’ai plus peur d’être vue.Je veux l’être.Vue. Sentie. Reconnue.Il passe ses doigts sur mes épaules nues, puis sur mes omoplates, lentes explorations de ce corps qui n’a jamais vraiment appartenu à personne. Jusqu’à maintenant. Jusqu’à lui.Je frémis, mais je ne recule pas. Je me tends, au contraire, à cette caresse, à ce contact qui devient feu. Sa paume glisse sur ma nuque, descend le long de ma colonne, et chaque vertèbre, chaque frisson me rappelle que je suis vivante. Présente.— Thalia…Ma peau frissonne à l’entente de mon prénom. Ce n’est pas une question. C’est un serment.— Tu es sûre ? murmure-t-il pourtant, le front contre ma tempe.Je glisse mes mains sous sa tunique, contre sa peau tendue, chaude, prête à rompre. Il tressaille au contact.— J’ai attendu cette chute toute ma vie.
KaelJe n’arrive pas à parler.Le feu a reflué, mais la marque de sa chaleur reste sur ma peau. Pas une brûlure. Une empreinte. Comme si quelque chose avait tenté de me traverser, de m’atteindre. Comme si elle l’avait fait.Thalia.Elle est là, au milieu du cercle, toujours à genoux. La tête inclinée, les bras relâchés, le souffle court. Et pourtant, tout en elle semble régner. Pas comme une reine qu’on acclame. Comme un axe. Une loi primitive que tout autour d’elle accepte sans protester.Même moi.Je m’approche, lentement. Je n’ai pas besoin de parler. Elle sait. Son regard glisse sur moi, profond, brillant, encore tremblant d’avoir trop vu.Et sans réfléchir, je tends la main.Ma paume touche sa joue. Sa peau est brûlante. Mais elle ne recule pas. Elle se penche même contre ma main. Son souffle s’attarde sur mes doigts, comme une caresse invisible. Je sens l’envie naître. Pas brutale. Pas seulement charnelle. Quelque chose de plus ancien. Une faim d’âme. Une soif de retrouver ce qu
ThaliaLa lumière ne s’est pas dissipée. Le feu s’est figé comme un cœur suspendu dans une poitrine trop pleine. Autour de moi, tout semble attendre. Même le vent. Même le ciel. Même les battements de mon propre cœur.J’ai parlé. J’ai choisi. Mais je ne comprends toujours pas ce que j’ai déclenché. Ce n’était pas un simple mot lancé à la nuit. C’était une promesse gravée dans la chair. Quelque chose de profond, de viscéral. J’ai senti mes os frissonner, mes entrailles se tendre. Mon corps tout entier s’est mis à vibrer comme une corde d’arc tendue à l’extrême.Maën m’a laissée seule au bord du feu. Elle s’est retirée dans l’ombre, comme si sa tâche était accomplie. Kael s’est rapproché, suivi de Selène, Lys, Eryx, les autres. Tous m’entourent. Tous me regardent comme si j’étais devenue autre.Je ne sais pas si je suis prête. Mais je ne peux plus reculer.KaelJe la vois. Debout. Droit dans l’éclat surnaturel de ce feu. Elle ne tremble plus. Elle est là, vivante, enracinée dans quelque
ThaliaLa nuit est tombée, et tout semble suspendu. Même le vent a cessé de bouger. Il y a cette densité dans l’air, ce goût de métal sur la langue qui précède les moments cruciaux. Le camp ne dort pas. Personne ne parle fort. Les murmures sont des prières étouffées, des souvenirs qui rampent au bord des lèvres.Je suis assise près du feu, là où tout a commencé. Là où Maën m’a regardée comme si elle voyait à travers les couches de peau, d’os, de silence. Elle n’a pas reparlé depuis son annonce. Mais elle est restée là, immobile, comme une statue de volonté ancienne.Eryx ne me quitte pas d’une semelle. Ses doigts frôlent parfois les miens, pas pour me retenir, mais pour m’assurer qu’il est là.— Tu veux parler ? me murmure-t-il.Je secoue la tête.Non. Je veux comprendre.J’ai toujours su qu’un jour, tout basculerait. Que je ne pourrais pas fuir éternellement ce que je porte en moi. Ce n’est pas une malédiction. Ce n’est pas une bénédiction non plus. C’est… une force. Une direction.E
ThaliaLe calme ne dure jamais. Pas vraiment. Il laisse des traces, oui, des empreintes sur la peau, une chaleur douce dans le ventre, mais il ne s’éternise pas. Il est fragile, comme une étoffe trop fine que le vent finit toujours par trouer.Le camp s’éveille lentement, plus uni, plus vivant. Les cendres de la nuit brillent encore sous les braises, et les murmures des survivants remplissent l’espace, porteurs de récits, d’espoir, d’angoisse aussi.Et moi, je sens en moi quelque chose d’ancien se réveiller. Une pulsation oubliée. Une vibration que même la peur ne peut noyer.L’enfant.Il est là.Silencieux encore, mais vibrant. Pas seulement dans mon corps. Dans la trame même de ce que nous sommes. Il est ce lien invisible, ce fil entre ce que nous avons été et ce que nous serons. Il murmure des mots sans langage, des battements primordiaux qui résonnent dans mes os.Je ne sais pas si j’ai peur. Pas encore.Ce qui m’habite ce matin, c’est une forme de gravité, d’attention extrême. Co
ThaliaLe jour avance, et pourtant, tout reste suspendu. Le camp respire différemment. C’est à peine perceptible, mais je le sens. Une tension s’est relâchée, une autre a pris sa place. Ce n’est plus la peur qui nous tient, mais l’attente. Une attente qui ressemble à une promesse. Ou à une frontière.Je m’éloigne un instant, seule. J’ai besoin de silence. Pas pour fuir, non. Pour écouter. Mon cœur bat plus fort depuis ce matin, comme si quelque chose en moi cherchait un rythme nouveau, une mélodie que je ne connais pas encore mais que je reconnais déjà.Sous mes doigts, la terre est tiède. Je m’accroupis, paume contre le sol, yeux clos. Je cherche le pouls du monde. Et je le sens, là, tout proche. Un écho qui répond au mien. Une réponse ancienne.— Tu viens d’où, toi ? je murmure. De moi ? D’Eryx ? Ou de plus loin encore ?Un bruissement. Une plume tombe à mes pieds. Blanche, presque irréelle.EryxJe la vois s’éloigner et je ne la retiens pas. J’ai compris que son silence est un lang