Chapitre 1

« Cinq ans à jouer cette comédie, il est temps d'y mettre fin. »

« La voir accourir comme un chien obéissant était si ennuyeux. Quelle idiote... Se laisser berner par un faux certificat d'union ! Croire qu'une orpheline pourrait devenir la Luna de la Meute de l'Ombre Lunaire ? Si elle n'avait pas eu un minois acceptable, je n'aurais même pas daigné jouer ce rôle. »

La voix venue de la pièce a fait s'évaporer la joie fulgurante qui m'avait emplie. Cette révélation, être la fille d'un Alpha, promise à hériter d'une meute, a perdu soudain toute sa lumière. Une froideur insidieuse s'est alors insinuée, tel un serpent de glace, et m'a envahie jusqu'à la moelle.

Dans la pièce, la conversation se poursuivait :

« Tu m'avais fait la même promesse le jour de notre remise de diplôme ! Et regarde ce qui en est advenu, absolument RIEN ! Tu aurais dû fuir directement pendant la cérémonie d'union, l'humilier devant tous ! Pourquoi gaspiller ton temps avec cette orpheline ? »

Mes pieds ont semblé se sceller au sol. Mon cœur s'est serré comme sous l'emprise d'une main invisible. Une puissante sensation d'étouffement m'a oppressée, coupant mon souffle.

Un bref silence a suivi ces mots, bientôt rompu par un claquement de langue agacé d'Ethan : « Assez. Elle est restée à mes côtés toutes ces années. Inutile d'être brutal. »

Sara a paru irritée : « Ce n'est pas ce que tu disais avant. Tu disais ne pas en avoir assez, que sa gratitude empressée te rappelait un animal de compagnie facile à contenter. Que même si tu la giflais, elle reviendrait te remuer la queue. »

Une pointe d'agacement a percé dans la voix d'Ethan : « Où veux-tu en venir ? Après tout, elle est ma compagne. »

« Ta compagne ? Votre certificat est un faux ! Et tu l'as dit toi-même : ce n'était qu'un jeu. Serait-ce devenu sérieux ? Tu laisserais une orpheline sans lignée devenir la Luna de la Meute de l'Ombre Lunaire ?! »

La voix de Sara, brisée de sanglots, transformait chaque syllabe en lame empoisonnée. Un sanglot m'est monté à la gorge, si violent que j'ai dû y enfoncer mon poing pour l'étouffer. Ces mots ont résonné en moi comme une série de déflagrations, faisant vaciller le monde autour de moi.

Le vertige m'a saisie, mais une pensée a surgi, plus insupportable encore : le jour où nous avions obtenu notre certificat d'union, Ethan était retourné seul au Conseil des Alphas après la photo, prétextant avoir oublié quelque chose... Mais la vérité ? C'était pour m'empêcher de recevoir le document authentique !

Mon cœur, tordu par cette révélation, a failli se briser net.

Les voix intermittentes continuaient de filtrer.

« Je ne romprai pas notre lien », a soupiré Ethan, « Hélène est une orpheline. Où irait-elle sans moi ? »

Voyant sa résistance faiblir, Sara a enchaîné, les yeux brillants : « Alors voilà, la semaine prochaine, c'est vos cinq ans. Tout le monde sera là. Fais en sorte qu'elle perde toute dignité ce jour-là. Qu'elle n'ose plus jamais se montrer en public, et doive rester à jamais dépendante de toi. »

« Juste comme avant », a-t-elle ajouté, ultime incitation.

Ethan a marqué une pause avant de répondre : « D'accord. »

Dehors, je tremblais sans pouvoir m'arrêter. Les souvenirs que j'avais refoulés remontaient, implacables.