LOGINÉliseLe trajet de retour depuis Megève est une succession de paysages flous. Le train glisse dans la vallée, mais mon esprit est resté là-haut, sur cette piste forestière. L’échec est un goût métallique au fond de la langue. Une sensation étrangère, dérangeante. Comme une craquelure apparue sur une couche de peinture que l’on croyait parfaite.Thibault vivra. Sa blessure à la tête est sérieuse, mais non mortelle. Une commotion, des côtes fracturées. Une leçon, pas une sentence.Je ferme les yeux, analyse la séquence. Où est l’erreur ? Le calcul de la tension ? L’usure supposée du boulon surestimée ? Une intervention extérieure ? L’homme Moreau. Le lieutenant. Sa présence était une variable non quantifiée, un grain de sable dans le mécanisme huilé. Je l’ai vu, garé dans son véhicule banal, les yeux rivés sur le chalet. Il m’a vue. Nos regards se sont croisés à distance, deux pinceaux s’effleurant sur deux toiles différentes.Cela change la donne.Je n’éprouve pas de peur. La peur est
ÉliseJe souris, baisse les yeux.—Vous êtes trop aimable, monsieur Thibault. Mais je crains d’être bien trop craintive pour ces machines.Il rit, plus fort, flatté. Parfait.Plus tard, alors que l’alcool coule à flots, je glisse vers les toilettes. Un couloir secondaire mène à l’arrière de la cuisine, vers la porte du garage. Je la franchis en moins de cinq secondes, laissant la foule derrière moi.Le garage est une cathédrale froide, sentant l’huile et le caoutchouc neuf. Le gros 4x4 noir y trône. Mon cœur bat un peu plus vite, non de peur, mais de concentration extrême. C’est le moment de vulnérabilité maximale. Je sors de mon petit sac un outil spécifique, une clé à douille magnétique modifiée. Je me glisse sous le véhicule, malgré mes vêtements civils. L’espace est étroit, glacé. La lumière de ma lampe frontale miniature balaie les entrailles de la machine.Je ne touche pas aux freins. C’est trop évident, trop vérifiable. Non. Je vise la direction. Un petit boulon de fixation sur
ÉliseLe vernis bleu outremer sèche sur les pétales de la fleur que je brode dans la robe du portrait. Ma main est un métronome de précision. Chaque coup de pinceau est une pensée. Chaque pensée efface le bruit du monde extérieur. Sauf un. Un bruit qui s’est insinué depuis une semaine, un grattement à la porte de mon existence ordonnée.Le lieutenant Moreau.Je l’ai vu, hier, en sortant des archives municipales où je consultais des permis de construire pour mon prochain sujet, Marc Thibault. Moreau était de l’autre côté de la rue, en civil, mais sa posture raide, son regard qui balayait la foule sans la voir, le trahissaient. Il n’était pas là par hasard. Il suivait une piste. Une piste qui, selon toute logique, ne devrait pas exister.Je repose le pinceau. L’atelier est silencieux, baigné de la lumière froide de ma lampe de travail. Mais en moi, c’est l’alerte. Rouge et sourde. Kerbrat était parfait. Legrand était impeccable. Vernet était une œuvre close. Pourtant, il sent quelque ch
Personnage principal : Élise, une femme d'une trentaine d'années, discrète, organisée et d'une apparence si banale qu'on l'oublie dans une foule. Elle est restauratrice d'art, méticuleuse et patiente.Histoire :Élise n'est pas une tueuse en série par rage ou folie,mais par une conviction profonde et troublante : elle est "la restauratrice de l'ordre social". Elle repère des hommes qui ont commis des actes odieux (violences conjugales, agressions, corruptions qui ont ruiné des vies) mais que la justice n'a pas pu ou su condamner. Méticuleusement, elle les étudie, s'insère dans leur vie avec une feinte fragilité, puis les tue en faisant passer chaque meurtre pour un accident ou un suicide parfaitement orchestré. Elle ne ressent ni remords ni plaisir, seulement la satisfaction froide d'avoir "corrigé une erreur". L'histoire suit le lieutenant Moreau, un policier intuitif qui, en apparence, enquête sur une série de morts sans lien. Son instinct lui dit qu'un tueur intelligent sévit, mais
LénaLa lueur bleutée de l'aube filtrait à travers les stores vénitiens de mon bureau, striant de pâles raies de lumière sur les dossiers éparpillés. L'air sentait le café froid et l'insomnie. Sur l'écran de mon ordinateur, les visages des cinq victimes me fixaient, muets. Cinq montres. Cinq heures figées. Cinq témoins de la mort de Sarah, réduits au silence.Mes doigts tremblaient légèrement en effleurant la photo de ma sœur, glissée dans la sous-chemise du vieux dossier. Dix ans. Dix ans d'une douleur sourde, devenue l'épine dorsale de ma vie, la raison pour laquelle j'avais rejoint la police.Marc poussa la porte, deux gobelets de café fumant à la main. Son regard tomba sur le dossier ouvert.— Toujours dessus ? Tu devrais rentrer, Léna. Prendre quelques heures de sommeil.— Je ne peux pas. Il reste deux témoins. Deux noms sur cette liste. Et il va les trouver avant nous.Je pointai l'écran.— On a des équipes sur eux 24h/24. Ils sont en sécurité.— La sécurité est une illusion, Ma
LénaLa lame du drone frôle mon bras, déchirant la manche. Une douleur cuisante. Je riposte en enfonçant mon éclat de verre dans son œil capteur. Il s'écrase lourdement.— Léna ! La sortie !Marc ouvre un chemin sanglant vers une arche métallique. Au-delà, une lumière bleue pulsée. Le repaire de la bête.Nous nous engouffrons, laissant derrière nous le jardin souillé et les drones furieux.La pièce est un cerveau géant. Sphérique. Les murs, le sol, le plafond : un écran unique où défilent des données, des schémas cérébraux, des visages vidés de leur âme. L'air est glacé, stérile.Au centre, sur une plateforme, il nous attend.Le Collectionneur.Ce n'est pas un dieu. C'est un homme. Un homme pâle, frêle, branché à un réseau de câbles qui plongent dans sa colonne vertébrale. Son visage est creusé, ses yeux agrandis par des lunettes optiques complexes. Ses doigts, fins et nerveux, pianotent sur un clavier holographique.Quand il parle, sa voix est fatiguée, usée. Humaine.— Vous avez dét