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CHAPITRE 2 : Mon Don 2

Auteur: L'invincible
last update Dernière mise à jour: 2025-12-04 19:05:20

AURÉLIA

Il fait un geste vers ma porte, comme s'il en était déjà le propriétaire. Comme si tout lui appartenait déjà , la rue, l'immeuble, et moi par la même occasion.

Je trouve enfin ma voix, un souffle à peine audible.

— Que me voulez-vous ?

La question s'échappe dans un nuage de buée dans l'air froid. Je le vois remarquer ma peur, la façon dont je me tiens , droite mais légèrement recroquevillée, comme une fleur qui se referme au crépuscule.

Matteo s'approche, ses hommes demeurant à distance respectueuse mais vigilante. Il porte un manteau sombre, ouvert sur un costume qui doit valoir plus que six mois de mon loyer. Quand il est à quelques pas de moi, il s'arrête, me laissant l'illusion d'un espace personnel. Son regard parcourt à nouveau ma silhouette, et je ressens ce regard comme un contact physique. Il note tout, j'en suis sûre : la coupe modeste de mes vêtements, usés mais propres ; la pâleur de mon visage qui trahit des nuits sans sommeil ; l'éclat presque surnaturel de mes yeux dans la pénombre.

J'ai entendu des histoires. Des murmures. Un chat, ce soir, dans une ruelle près du canal. Mort depuis l'après-midi, selon la vieille dame qui le nourrissait. Pourtant, il est rentré chez elle, a mangé, s'est lové contre elle. Puis il s'est éteint, cette fois pour de bon.

Mon sang se glace. Ils m'ont suivie. Ils ont vu. Et ils ont compris. La précision du récit est terrifiante. Ils n'ont pas seulement entendu des rumeurs ils ont mené une enquête, recoupé des faits. Ils savent.

Vous avez un talent fascinant. Unique. Un talent qui pourrait être d'une grande utilité.

— Je ne sais pas de quoi vous parlez.

Les mots sonnent faux, même à mes propres oreilles. Faibles. Fragiles. Comme moi.

Matteo rit, un son bas et profond qui semble vibrer dans l'air entre nous.

— Ne m'insultez pas en me prenant pour un idiot, Aurélia. Je sais ce que vous pouvez faire. Et je sais aussi que vous vivez dans la peur. Toujours à cacher vos mains, à éviter le contact, à vous effacer. Quel gaspillage.

Il avance encore d'un pas. Je sens le parfum de son après-rasage , bois, cuir et quelque chose de métallique, de dangereux. Son regard s'attarde sur mes boucles, sur la manière dont elles encadrent mon visage.

— Une femme comme vous ne devrait pas se cacher dans l'ombre. Vous avez une présence. Même maintenant, terrifiée, vous vous tenez avec une dignité qui est… remarquable.

Le compliment est un piège. Je le sens. Mais quelque chose en moi la partie de moi qui a passé sa vie à être invisible, à essayer de réduire l'espace que j'occupe dans le monde , se redresse légèrement sous son regard. Ma mère avait raison : ma beauté est une malédiction supplémentaire. Elle me signale, elle m'expose. Et maintenant, elle a attiré l'attention de l'homme le plus dangereux de la ville.

— Je peux vous offrir la protection dont vous avez besoin. Un endroit où vous n'aurez plus à vous cacher. En échange… vous m'aidez dans certaines affaires.

— Des affaires ? Vous voulez que je réveille des morts pour votre empire criminel ?

Ma voix tremble, mais de colère autant que de peur. Je me redresse complètement, abandonnant la posture recroquevillée. Je mesure 1m70, mais à côté de lui, je me sens petite. Ma minceur, que j'ai toujours vue comme une fragilité, devient soudain une arène où se joue une bataille de volontés.

Matteo incline la tête, son sourire s'atténuant à peine. Ses yeux parcourent ma silhouette dressée, et il semble apprécier ce qu'il voit cette étincelle de défi dans mes yeux gris-bleu, cette tension dans ma posture élancée.

Les termes sont si brutaux. Je préfère dire… que vous aiderez à rétablir certaines justices. À obtenir certaines vérités. Les morts, après tout, ont souvent des histoires à raconter.

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