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OBSESSION Mortelle
OBSESSION Mortelle
Auteur: L'invincible

CHAPITRE 1 : Mon Don 1

Auteur: L'invincible
last update Dernière mise à jour: 2025-12-04 19:03:21

AURÉLIA

La pluie frappe les pavés luisants comme un rappel incessant de ma solitude. Je presse le pas, le col de mon manteau noir relevé contre l'humidité qui cherche à pénétrer jusqu'à mes os. Dans mon sac, mes gants de cuir , ma première barrière, ma protection la plus basique contre ce que mes mains peuvent faire. Contre ce que je suis.

Mes cheveux blonds, trop bouclés, trop voyants, s'échappent de mon capuchon. Je les déteste certains jours. Ils attirent les regards dans un monde où je devrais être invisible. Une cascade de boucles dorées qui tombent jusqu'au milieu de mon dos, héritage de ma mère nordique, contraste cruel avec la noirceur de mon existence. Mon visage aux traits fins, trop pâle, est souvent décrit comme une beauté glaciale des pommettes hautes, des lèvres naturellement roses mais rarement souriantes, et des yeux gris-bleu qui, selon ma mère, voient trop. Je suis mince, trop mince, avec une morphologie qui semble faite pour se fondre dans l'ombre : élancée, presque fragile en apparence, mais avec une tension constante dans les épaules, une vigilance qui raidit ma posture.

Je passe devant l'entrée d'une ruelle sombre et mon regard est irrésistiblement attiré vers l'ombre. Un chat gît là, immobile, la fourrure collée par la pluie. Mon cœur se serre. C'est un réflexe, une traction presque physique dans ma poitrine, comme si chaque mort à proximité tirait sur le fil invisible qui relie mon âme à ce pouvoir maudit. Je m'agenouille, l'eau froide transperçant le tissu de mon pantalon. J'ôte mon gant droit, laissant apparaître une main fine, aux doigts longs, à la peau si pâle qu'elle semble presque translucide sous la lumière des réverbères.

L'étincelle jaillit, discrète, à peine visible , un éclair de chaleur dorée qui traverse ma paume, mon poignet, remonte le long de mon avant-bras. Le chat frissonne, ouvre des yeux vitreux, émet un faible miaulement. Il se relève, chancelant, et disparaît dans l'obscurité. Pour une heure, peut-être deux. Puis la vie le quittera à nouveau, cette fois pour de bon.

C'est toujours temporaire. Toujours.

Je remets mon gant, les doigts tremblants. Ce don , cette malédiction , me laisse chaque fois vidée, comme si une partie de moi partait avec celui que je ranime. Une fatigue profonde s'installe dans mes membres, et cette faim étrange, cette soif qui ne s'étanche jamais vraiment. Physiquement, je me sens plus mince encore après chaque utilisation, comme si le pouvoir puisait dans mes propres réserves vitales.

Tu devrais être plus prudente.

La voix intérieure est celle de ma mère, morte depuis cinq ans, mais dont les avertissements résonnent encore en moi. Elle savait, elle seule. Et elle avait peur pour moi. Pour ce qu'ils pourraient me faire s'ils découvraient mon secret. Ta beauté te rend déjà visible, ma chérie, me disait-elle en brossant mes boucles rebelles. Ton pouvoir, lui, te rendrait précieuse. Et les choses précieuses, on les vole, ou on les brise.

Je reprends ma marche vers l'appartement, ce minuscule refuge au-dessus de la librairie où je travaille. La ville, ce soir, semble retenir son souffle. Les enseignes au néon se reflètent dans les flaques, créant un monde inversé, déformé , un peu comme moi. Extérieurement, je ressemble à ces femmes élégantes des vitrines de magazines, avec ma silhouette fine et mes traits délicats. Intérieurement, je suis ce reflet dans l'eau de pluie : difforme, brisé, méconnaissable.

Quand j'atteins ma rue, je les vois.

Deux hommes en costumes sombres, élégants et pourtant menaçants, stationnent devant ma porte. Leur posture trahit une puissance contenue, une violence en laisse. Ils ne regardent pas autour d'eux ; ils attendent. Ils savent.

Mon cœur bat à tout rompre contre ma cage thoracique trop étroite. Je m'immobilise, prête à fuir, mes muscles se tendant pour la course, mais une voiture noire et luisante se range doucement le long du trottoir. La portière arrière s'ouvre.

Et il en sort.

Matteo Rinaldi.

Je ne l'ai jamais vu en personne, mais je le reconnais aussitôt. Les photos dans les journaux , toujours floues, toujours à distance , ne rendent pas justice à sa présence. Il est plus grand que je ne l'imaginais, avec une élégance naturelle qui semble déplacer l'air autour de lui. Ses cheveux noirs sont légèrement grisonnants aux tempes, et son regard… son regard me trouve immédiatement dans l'ombre où je me suis figée.

Je sens son regard parcourir ma silhouette, s'attarder sur mes cheveux qui brillent faiblement sous la lumière du réverbère, sur mon visage qu'il doit trouver trop pâle, trop exposé. Je croise instinctivement les bras sur mon corps, comme pour me faire plus petite, moins visible. En vain.

Il sourit. Pas un sourire chaleureux. Un sourire de possession, de reconnaissance.

 — Mademoiselle Aurélia. Nous devons parler.

Sa voix est calme, posée, avec un accent à peine perceptible. Elle porte à travers la distance humide qui nous sépare. Elle n'a pas besoin de crier.

Je reste silencieuse, paralysée. Mes doigts se crispent sur mon sac, cherchant inconsciemment la protection des gants. Je sens la texture du cuir sous mes doigts, et je me demande s'il sait déjà pourquoi je les porte toujours. S'il sait que sous ce cuir se cachent les mains qui peuvent défier la mort.

Il fait froid. Vous devriez rentrer. Ou plutôt, permettre que je vous raccompagne.

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