Mag-log inAlyss
Le premier rayon de soleil perce les immenses baies vitrées du penthouse, striant de lumière dorée les corps enlacés sur le sol du salon. Des vêtements épars, un vase renversé, un pistolet oublié près du canapé. Les preuves d'une nuit de passion et de violence.
Alyss est déjà réveillée. Allongée sur le dos, elle observe le profil de Clara endormie contre son épaule. Le visage de la mafieuse, détendu par le sommeil, a perdu sa froideur habituelle. Elle paraît plus jeune, vulnérable. Une mèche de cheveux noirs barre sa joue. Alyss résiste à l'envie de la repousser.
Sa propre peau est un catalogue de leurs étreintes : des marques rouges sur ses bras, ses hanches, là où les ongles de Clara se sont enfoncés, cherchant à s'accrocher, à posséder. Sur son épaule, une fine entaille, souvenir du verre brisé du vase qu'elles ont renversé dans leur chute. Ce n'était pas de la tendresse. C'était une conflagration. Un besoin animal de se proumer qu'elles étaient vivantes après avoir frôlé la mort.
Son esprit, pourtant, est déjà en alerte. Elle calcule. Marco va savoir que son équipe a échoué. Il va savoir que Clara est toujours en vie, et protégée. La suite sera plus violente. Plus définitive.
Clara bouge, un gémissement étouffé s'échappant de ses lèvres. Ses yeux s'ouvrent, et pendant une fraction de seconde, c'est la confusion. Puis la réalité revient, en une vague froide. Alyss voit les remparts se reconstruire dans son regard. La muraille de glace se reforme, brique par brique.
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Clara
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La première sensation est la chaleur. La chaleur du corps contre le sien. Puis l'odeur. Le cuir, la sueur, le sexe. Et le sang.
Ses yeux s'ouvrent. Elle voit le plafond familier de son salon, la lumière crue de l'aube qui révèle le désastre. Et elle voit Alyss. Son regard clair, lucide, déjà ancré dans la réalité dont Clara voudrait pouvoir s'extraire.
La honte l'envahit d'abord, brûlante et acide. Elle s'est jetée sur cette femme, cette tueuse, comme une bête. Elle a perdu le contrôle. Elle a montré sa faiblesse, sa peur, son besoin.
Puis, la peur est remplacée par une froide résolution. Elle se redresse, s'éloignant du contact d'Alyss, ramassant son peignoir de soie déchiré pour se couvrir. La soie froide contre sa peau chaude est un choc.
— Il faut que tu partes, dit-elle, la voix rauque, encore empreinte de la nuit.
Elle ne la regarde pas. Elle ne peut pas. Si elle la regarde, elle risque de se souvenir. De vouloir.
— Marco va riposter. Il va falloir agir en premier.
La voix d'Alyss est calme, pratique. Elle ne s'offusque pas du rejet. Elle l'avait anticipé.
Clara se retourne enfin, son visage redevenu un masque de pierre.
—"Agir" ? Tu as déjà fait assez de dégâts.
— Les dégâts, c'était eux, dans le couloir. Moi, je vous ai sauvé la vie. Et ce n'était pas dans le contrat.
Leurs regards se croisent, un duel silencieux. Le souvenir de la nuit passe entre elles, palpable, électrique. Clara serre les dents.
— Qu'est-ce que tu veux ? De l'argent ? Plus d'argent ?
—Je croyais que c'était clair. Je veux une alliance. Je veux être à vos côtés. Pas dans votre lit. Sur le champ de bataille.
Alyss se lève, nue, indifférente à sa propre nudité. Elle marche vers la fenêtre, contemplant la ville qui s'éveille. Son dos est un tissu de muscles tendus et de fines cicatrices blanches. Une carte des batailles passées.
— Vous ne pouvez pas gagner cette guerre seule, Clara. Vos hommes vous trahissent. Votre famille veut votre mort. Vous avez besoin de quelqu'un qui n'a rien à perdre. Qui n'a de loyauté qu'envers vous.
— Et pourquoi cette loyauté ? crache Clara. Pourquoi moi ?
Alyss se retourne, son regard planté dans celui de Clara.
—Parce que vous regardez l'abîme sans cligner des yeux. Parce que vous avez peur, mais vous avancez quand même. Et parce que… personne ne m'a jamais regardée comme vous l'avez fait hier soir. Pas comme un monstre. Pas comme un outil. Comme un égal. Comme un miroir.
Les mots frappent Clara en plein cœur. Ils résonnent avec une vérité qu'elle ne peut nier. Dans le chaos de la nuit, elle n'avait pas vu une tueuse. Elle avait vu une femme aussi brisée et dangereuse qu'elle.
Elle s'approche, s'arrêtant à quelques centimètres d'Alyss. Elle lève une main et effleure la cicatrice sur son épaule, là où la lame l'a touchée.
— Ça fait mal ?
—Non. C'est juste une cicatrice.
Clara laisse ses doigts glisser le long du bras d'Alyss, jusqu'à sa main. Elle sent les callosités, la force brute contenue.
— Tu as raison. Marco va frapper plus fort. Il va viser ce que j'aime.
— Aimez-vous quelque chose ? demande Alyss, sincèrement curieuse.
Un sourire froid et triste étire les lèvres de Clara.
—Mon empire. Mon pouvoir. C'est tout ce qui me reste.
— Alors protégeons-le. Ensemble.
Leurs mains se serrent. Ce n'est pas une étreinte amoureuse. C'est un pacte. Scellé dans le sang et le désir. Un pacte qui sent la poudre et la trahison.
Clara se détourne et marche vers son bureau. L'instant de vulnérabilité est passé. La chef est de retour.
—Prends une douche. Habille-toi. Nous avons un oncle à voir.
Alors qu'Alyss disparaît dans la salle de bain, Clara reste immobile, les doigts serrés sur le bord du bureau. Elle vient d'inviter le loup dans la bergerie. Et une partie d'elle, une partie sombre et excitée, a hâte de voir combien de sang ils vont verser ensemble.
ClaraLa victoire sur Kovac et Bianchi a un goût de cendres. Un goût de solitude. Le pouvoir est consolidé, les frontières de son empire redessinées à l'encre de sang et de peur. Pourtant, une nervosité nouvelle habite Clara. Une faille qu'elle ne peut colmater.Alyss. Toujours Alyss.La désobéissance de la tueuse a été un coup de couteau, aussi précis qu'une opération chirurgicale. Elle lui a rappelé une vérité fondamentale : la bête qu'elle a lâchée dans son jardin n'est pas domestiquée. Elle est partenaire, oui. Mais une partenaire qui possède son propre code, sa propre morale tordue, et le pouvoir de la défier.Ce soir, une réception. Une célébration de sa "victoire" contre les corbeaux. Le grand salon de son penthouse fourmille de visages souriants, de rires forcés, de louanges hypocrites. Elle serre des mains, échange des bises, joue son rôle de reine magnanime et invulnérable.Mais ses yeux, sans cesse, cherchent une silhouette dans l'ombre. Une présence qu'elle sait pourtant i
ClaraL'aube trouve Clara de retour dans son penthouse, le corps encore imprégné du parfum d'Alyss, un mélange de cuir, de nuit et de sueur. La rencontre dans l'atelier a été une tempête nécessaire, un rééquilibrage de son âme. Mais à la lumière froide du jour, la réalité se rappelle à elle, plus menaçante que jamais.Sur son bureau, une nouvelle pile de rapports l'attend. Le dernier en date est marqué "URGENT". Elle l'ouvre, et un froid mortel lui parcourt l'échine. Les familles Bianchi et Kovac, deux clans mineurs mais ambitieux, ont scellé une alliance. Ils profitent de la prétendue "traque" d'Alyss et de la prétendue "vulnérabilité" de Clara pour grignoter son territoire. Des livraisons interceptées. Des hommes intimidés. Un message clair : le trône de Clara est vacant, et les corbeaux se rassemblent pour le festin.Sa main se serre sur le papier, le froissant. La fureur est une lame blanche en elle. Elle avait prévu une période de consolidation, pas une guerre ouverte sur plusieu
ClaraLes semaines qui suivent sont un ballet macabre et exquis. Clara orchestre la comédie avec une maestria diabolique. Les funérailles de Marco sont un événement public, un spectacle de deuil et de détermination. Vêtue de noir, le visage voilé d'une résolution de marbre, elle serre des mains, accepte les condoléances, et jure devant tous de venger son oncle bien-aimé.— Je ne connaîtrai pas le repos tant que cette vermine, Alyss, n'aura pas payé pour son crime, prononce-t-elle d'une voix claire et porteuse, devant une foule de dignitaires et de caïds.Le mensonge est un poison doux sur sa langue. Chaque mot est un clou planté dans le cercueil de son ancienne vie, scellant sa nouvelle autorité. En privé, dans le sanctuaire de son bureau, elle règne. Les affaires de la famille n'ont jamais été aussi florissantes. La peur qu'inspire la mort de Marco, combinée à la détermination affichée de Clara, a consolidé son pouvoir d'une main de fer.Mais le pouvoir est un fauteuil solitaire. La
ClaraLe silence qui tombe sur le hangar est plus assourdissant que les coups de feu. Une fumée âcre flotte, mêlée à l'odeur de poudre et de sang. Les corps des hommes de Marco gisent, immobiles, dans des poses grotesques. Au centre, Marco se tord de douleur, geignant, une main pressée sur son épaule déchiquetée.Clara respire à grands coups, les poumons brûlants, les oreilles bourdonnantes. Son cœur bat à tout rompre, mais son esprit est d'un calme glaçial. Elle baisse son arme, le canon encore fumant, et se tourne vers Alyss.Sans un mot, elle traverse la distance qui les sépare. Ses doigts se referment sur le col du sweat-shirt d'Alyss, serrant le tissu, attirant son visage tout près du sien. La fureur et l'adrénaline forment un cocktail explosif dans ses veines.— Tu as osé, souffle-t-elle, sa voix rauque, chargée d'une colère qui pourrait réduire l'acier en poussière. Tu as osé me trahir. Même pour une fraction de seconde.Son autre main se lève, non pas pour gifler, mais pour sa
ClaraL'aube point à peine lorsque Clara se réveille,le corps encore vibrant du souvenir des heures passées. Le lit est vide à côté d'elle, mais la chaleur d'Alyss imprègne encore les draps. Elle se lève, enveloppée dans sa soie, et se dirige vers la fenêtre. La ville s'étire, paisible, ignorant le tremblement de terre qui se prépare dans l'antre de sa reine.Son téléphone vibre. Marco. Elle laisse sonner, comptant les secondes, savourant son angoisse. À la quatrième sonnerie, elle répond, d'une voix traînante, feignant la fatigue.—Allô, oncle ? À cette heure ?La voix de Marco est un râle, déchiré entre la fureur et la panique.—Où est mon fils, Clara ? Où est Lorenzo ?— Lorenzo ? Je l'ai quitté à la réception. Il semblait… pressé. Un problème ?Un silence à l'autre bout du fil, chargé de haine.—Je sais que c'est toi. Rends-le-moi. Et je te promets une mort rapide.Clara ricane, un son bas et dangereux.—Tu n'es plus en position d'exiger quoi que ce soit, Marco. Tu veux ton fils ?
AlyssLe "terrier" de Lorenzo est un entrepôt frigorifique abandonné en bordure des docks. L'air y est glacial, saturé d'une odeur de rouille et de poisson pourri. Alyss s'y est infiltrée par une bouche d'aération, silencieuse et invisible, un spectre dans la nuit.Accroupie dans l'ombre sur une coursive métallique surplombant l'espace principal, elle observe la scène. Lorenzo est là, entouré de quatre hommes lourdement armés. Il parle fort, d'une voix aiguë et nerveuse, plein de l'importance de sa mission.— Elle va sortir de la réception, la voiture l'emmènera par le chemin habituel. Vous l'interceptez au carrefour de la 12ème rue. Vous la prenez vivante. Mon père veut s'en occuper personnellement.Vivante. Le mot résonne dans le crâne d'Alyss. Clara avait raison. Marco veut le plaisir de la tuer lui-même. Une erreur. On ne laisse pas une proie comme Clara en vie.Elle sort son pistolet, le silencieux déjà vissé au canon. Sa mission est de capturer Lorenzo. Mais les hommes autour de







