Adelina, la secrétaire de Raymond, était pleinement absorbée par son ordinateur portable, tapant sur le clavier lorsque le téléphone de bureau se mit à sonner. Elle se redressa alors et décrocha l'appel.
- Ici, la secrétaire de monsieur Raymond, lança t'elle, que puis-je faire pour vous ?
- C'est moi, Adelina.
- Monsieur Raymond ?
- Oui.
- Il y a un souci ? J'ai essayé de vous joindre depuis le matin, mais votre téléphone portable est complètement hors zone.
- J'ai été arrêté par la police hier.
- Quoi ? Pour quelle raison ?
- Je n'ai pas assez de temps, faites le nécessaire pour que mon avocat soit ici dans les minutes à suivre.
- Je vais l'appeler monsieur.
La ligne se coupa. Adelina déposa le téléphone portable, regarda autour d'elle et se leva. À chaque rencontre, elle laissait un sourire sur son visage jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans le couloir. Arrivée dans les toilettes, elle verrouilla la porte derrière elle, ouvrit l'eau du lavabo comme si elle était en train de faire quelque chose. Elle fit sortir son téléphone portable personnel, composa un numéro de téléphone qu'elle lança. L'appel retentit à deux reprises avant qu'une voix rauque ne retentisse.
- Oui Adelina, j'espère que tu m'appelles pour une bonne nouvelle ? demanda la voix au bout du fil.
- Oui, monsieur, Raymond a été arrêtés. À ce qu'il paraît, il a passé la nuit en cellule.
- T'a-t-il contacté ?
- Oui monsieur, il a dit de joindre son avocat. J'aimerais vous demander si je devrais le faire ou l'ignorer ?
- Fais-le et rassure-toi que tout se passe très bien. Si tu constates quelque chose de pas nette, tu m'appelles.
- Oui monsieur, je vous rappellerai.
Elle raccrocha, nettoya ses mains avec l'eau qui coulait, ferma le robinet, saisit un papier et s'essuya sur les mains. En ouvrant la porte, elle tomba nez à nez avec Élisa, la secrétaire de Rodrigo qui venait elle aussi dans les toilettes.
- Te voilà, je te cherchais.
- Moi ?
- Oui, toi.
- Pourquoi me cherches-tu ? Y a-t-il un souci ?
- Il est bientôt quinze heures, nos deux patrons ne sont pas encore venus. Qu'est-ce qui se passe ?
- Je n'ai absolument aucune idée, maintenant, excuse-moi, j'ai quelques dossiers à terminer.
Élisa se pencha à Adelina qui sortit des toilettes. Debout à l'entrée, elle la regarda jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans le couloir.
De retour dans son bureau, Adelina appela l'avocat de Raymond. Ce dernier ne répondit qu'après le troisième coup de fil.
- Je vous appelle pour vous informer que votre ami a été arrêté par la police, annonça Adelina.
- Quoi ? Pour quel motif ? s'en soucia l'homme au bout du fil.
- J'ignore les raisons monsieur, il est actuellement au poste.
- Je vais m'y rendre immédiatement, merci pour l'appel.
Elle raccrocha, lorgna le téléphone avant de se concentrer à nouveau sur l'écran de son ordinateur.
***
Soudain, la porte de la salle interrogatoire s'ouvrit sur un policier, derrière lui se trouvait un homme dont l'apparence en disait beaucoup. Costume bien soigné, il était bien posé, son odorant dégageait même à des kilomètres, sa montre au poignet, rythmait avec son cœur, verre fumée aux yeux, il pouvait voir là où personne ne voyait. Raymond laissa un sourire d'espoir sur les lèvres, l'homme qu'il attendait était enfin là.
- Bonjour inspectrice, vous me connaissez déjà, je n'ai plus besoin de me présenter.
- Non maître, plus la peine de me parler de vous. Maintenant, que vous êtes là, je pense que nous pouvions passer aux bonnes choses.
L'avocat s'approcha de Raymond, tira la chaise qui se trouvait à ses côtés et s'assit. Il se pencha vers ce dernier.
- J'espère que tu tiens le coup ? murmura t'il.
- Oui, merci d'être venu d'aussitôt.
- C'est la moindre des choses mon frère.
- Je peux ? demanda l'inspectrice.
- Oui, d'abord, dites-moi de quoi maître Raymond est ici ?
L'inspectrice ouvrit le dossier et fit sortir des photos ainsi que des papiers.
- Maître Raymond ici présent a été accusé pour meurtre, il serait responsable de la mort de son associé du bureau. Les deux auraient eu une grande dispute la veille de l'incident.
- Qu'est-ce qui prouve que c'est mon client qui est responsable du meurtre ?
L'inspectrice déposa une photo en face des deux hommes.
- Monsieur Raymond, reconnaissez-vous cette voiture ?
- Mon client, est-il obligé de vous répondre ? Ici ? Maintenant ?
- Écoutez-moi maître, si votre client refuse de coopérer, vous devez savoir que je ne céderai à aucune négociation. C'est vous qui voyez, entre répondre ou ne pas répondre.
- Vous connaissez la règle n'est-ce pas ?
- Bien sûr sauf qu'ici, il est question d'un meurtre sur un homme de loi et croyez-moi, ça ne sera pas facile.
L'avocat se tourna vers Raymond et lui hocha la tête.
- Oui, c'est ma voiture, répondit Raymond.
- Êtes-vous sûr ? demanda Lola.
- Oui, c'est ma voiture, confirma Raymond.
- Et ceci ? demanda Lola en sortant une nouvelle photo.
- C'est un pistolet, je ne connais pas l'origine.
- Vous voulez nous faire savoir que ce n'est pas votre pistolet ?
- Non, j'ai jamais manipulé un pistolet.
Lola retira un autre document qu'il donna à l'avocat.
- Sur ce papier, vous verrez le nom de l'auteur, la série.
- Raymonde, ce sont tes informations.
- Je ne crois pas, fais-moi voir.
Raymond prit le papier et jeta un coup d'œil.
- Non, il y a certainement une erreur. Si vous avez eu ces informations, c'est que vous savez là où je me suis en procuré si cette arme venait réellement de moi.
- Évidemment, vous avez bien vu. Nous avons cherché à appréhender là où vous avez payé ce machin, à l'heure qu'il est, mes hommes seront en train de venir avec le vendeur.
- En attendant le vendeur, j'aimerais que vous nous présentiez des preuves concrètes, qu'est-ce qui prouve réellement que ce pistolet est de Raymond, vous savez qu'on peut facilement falsifier les papiers ?
- Bien sûr maître, c'est tout à fait normal. Sauf qu'on ne peut pas falsifier l'ADN qui se trouve sur le pistolet.
- Où est-ce que vous voulez en venir ?
Elle sortit un autre papier qu'il tendit à l'avocat.
- Là, vous avez les résultats de l'ADN trouvé sur le pistolet. Alors, vous voulez encore des preuves concrètes ? Ou je peux continuer ?
- Oui, continuons.
- Sur cette photo, vous verrez le corps de Monsieur Rodrigo dans le coffre de la voiture de Monsieur Raymond que lui-même a confirmé il y a quelques minutes qu'il est bel et bien l'auteur de cette voiture.
- Il a confirmé être l'auteur, mais cela ne voudrait pas dire qu'il est responsable de ce qui se trouvait dans son coffre ce soir-là.
- Pourtant, le pistolet trouvé correspond aux balles utilisées. Et l'ADN de votre ami a été également les mêmes qui ont retrouvé sur la victime. Alors, que dites-vous maître ?
- D'abord, j'aimerais que nous soyons claires sur un point, c'est vrai que vous avez des papiers qui attestent ou du moins montrent que les informations appartiennent à mon client. Je conteste cela, ça peut être des papiers falsifiés.
- Vous voulez dire que nous aurons falsifié les papiers ? Sachez-vous ce que cela signifie ? rougit l'inspectrice.
- Inspectrice Lola, pourquoi vous rougissez ?
- Voulez-vous que je ricane ?
- C'est vous qui voyez. D'abord, mon client a été arrêté à quelle heure ?
- À vingt-deux heures, répondit Lola.
- Vingt-deux heures ? Et c'est à quatoze heures trente minutes que je reçoive un appel notifiant que mon client a été arrêté ? Je viens et je vois que vous l'interrogez ? Pourquoi ?
- Où est-ce que vous voulez en venir ?
- Que vous avez abusé de mon client. Je demande une mise en liberté provisoire sous caution.
- Pour un homicide ? Vous rêvez.
- Mon client est un avocat, il n’a jamais eu de démêlés avec la justice. Il a une adresse fixe, une carrière établie. Zéro casier judiciaire. Et je vous rappelle que les preuves sont contestées.
- Vous croyez que le juge va accepter ?
- Alors, on verra ça devant le tribunal, je ferai appel à la cour et je présenterai les maltraitances dont vous avez fait preuve avec mon client jusqu'au point de lui refuser de passer un coup de fil et de l'interroger sans son avocat.
- Écoutez maître, j'ai autorisé votre client à passer un coup de fil quand il me l'a demandé.
- Quand vous l'avez arrêté ou au moment de l'interrogation ?
- Au moment de l'interrogation bien sûr.
- Raymond, as-tu demandé de passer un coup de fil hier ?
- Oui, depuis hier, mais ils m'ont refusé l'accès.
- Mais moi, je vous l'ai autorisé et hormis cela, je pensais qu'étant donné que vous êtes avocat, vous n'auriez pas besoin de quelqu'un pour vous défendre.
- Vous n'êtes pas sans savoir que dans ces genres de situation, c'est plus conseiller d'avoir un avocat que de décider de se faire justice soi-même ? Laisseriez-vous mon client sortir à chaque fois qu'il aurait besoin d'une preuve pour refuser vos accusations ?
- Vous voulez détourner la situation en votre avantage ?
- C'est comme vous voulez, soit on se la joue à votre rythme ou à la nôtre. Si vous me le permettez, j'aimerais passer un coup de fil.
- Vous voulez appeler qui ?
- Le parquet pour lui faire un rapport. Un avocat est en train de se faire sodomiser par une inspectrice.
- Très bien, vous avez gagné. Je verrai mon supérieur pour voir si pourrais faire quelque chose.
- Sage décision ! Et, quand l'homme chez qui mon client aurait payé le pistolet serait là, faites-moi savoir aussi.
Lola se leva, rangea les trucs dans sa chemise de dossier et prit la sortie. Au moment d'ouvrir la poignée de la porte, il se tourna vers Raymond.
- Ce n'est pas encore fini.
Sur ces mots, elle ouvrit la porte et sortit.
L'avocat desserra sa cravate et se tourna vers Raymond. Ce dernier, tête baissée, les yeux dans le vide, cherchait désespérément une porte de sortie.
- Je te ferai sortir de là mon cher frère, fit l'avocat en tapotant l'épaule de son ami.
- Penses-tu que je ferai une telle chose ?
- Non, tu ferais jamais une telle chose. Quand on sortira d'ici j'aimerais que tu me dises exactement ce qui s'est passé le temps que j'enquête de mon côté pour mieux comprendre la situation.
- Je te dirai tout, sans laisser un détail.
- Super Raymond, soit sans craint, je suis là.
- Merci mon cher ami.
- Tu me remercieras après. Pour le moment, prions que le juge accepte la requête.
- Et s'il refusait ? demanda Raymond.
- Compte sur moi, je ferai le nécessaire.
Raymond leva les yeux vers son ami. Le sourire rassurant qu'il lut sur le visage de celui-ci lui fit unbien, il sourit à son tour, gardant espoir.