LOGINÉlodie
Le réveil est une déchirure, une violence. La soie sensuelle du rêve se déchire d’un coup, laissant place au vide cruel des draps froids. La lumière du jour, crue, tranche à travers les persiennes comme un couteau. Mon cœur cogne encore, un écho désordonné et sourd du sien que je sentais contre mon dos, une palpitation qui résonne jusque dans le creux de mon ventre. Ma peau est moite, vibrante, vivante d’un mensonge. Chaque pore hurle le souvenir de sa chaleur, chaque muscle se souvient de l’étreinte. Entre mes cuisses, une sensation sourde, lancinante, un écho fantôme de sa possession. Je serre les dents si fort que ma mâchoire craque.
Merde. Merde, merde, merde.
Pas lui. N’importe qui d’autre. Mais lui. Louis. Le mari de ma sœur. Le père de l’enfant à naître. Ma main serre le drap, comme si je pouvais étrangler ce désir. En vain. Il est là, profond, ancré dans ma chair, plus réel que l’air que je respire.
Je m’arrache du lit. La chambre, mon refuge, est devenue une cellule. Trop silencieuse. Trop propre. Trop vide de lui. Je marche jusqu’à la salle de bain, évitant mon reflet. Sous la douche, je fais couler l’eau glacée. Elle me fouette la peau, mais elle ne lave rien. Au contraire. Sous le jet brutal, mon corps se souvient. Mes seins, sensibles, se durcissent, réclamant le poids de ses mains, la brûlure de sa bouche. Le bas de mon ventre se contracte, vide et avide. Je passe mes doigts sur mon sexe, un geste rapide, coupable, et un frisson bien trop vif me traverse. Ce n’est pas assez. C’est sa main qu’il me faut. Sa force. Sa morsure. Je me frictionne jusqu’à la douleur, mais c’est son nom que je murmure dans la vapeur qui monte.
La journée est un calvaire. Le café a le goût de cendre. Chaque son est assourdi par le bourdonnement obsédant de mon sang. Au déjeuner avec mes amies, je souris, je hoche la tête. Mais en moi, une seule litanie : Tu es faite pour moi. Juste pour moi. La voix de mon rêve, rauque, possessive, qui résonne plus fort que leurs rires. Mon jean frotte contre ma peau, un supplice exquis. Je croise les jambes, presse mes cuisses l’une contre l’autre. Une chaleur humide m’envahit, lente, implacable. Je suis mouillée pour lui. Encore.
Le message de Clara arrive. « Ce soir chez nous ! Sois sage. » Sage. Le mot est une brûlure. Je suis tout sauf sage. Mon corps est un champ de bataille où il a déjà planté son drapeau.
J’y vais. La robe simple que je porte est une torture. Le tissu effleure mes mamelons durcis, caresse l’intérieur de mes cuisses à chaque pas. Je sens mon propre parfum, mêlé à l’odeur de mon désir. Un secret impudique porté contre ma peau.
Chez eux, l’odeur du basilic et de la cire est étouffante. Clara, radieuse, son ventre rond sous la robe, m’enserre. Sa joie est une lame qui me transperce. Puis, il apparaît.
Le choc est physique, total. Une onde de choc qui part de mon ventre et explose dans ma poitrine. Il est en jean, t-shirt blanc, manches retroussées sur des avant-bras fermes où les veines dessinent un relief puissant. Ses cheveux sont en désordre, comme s’il venait de se passer les mains dedans, ou comme s’il sortait d’un lit. Il tient un shaker. Mes yeux boivent chaque détail : la courbe de ses biceps sous le coton, l’ombre à la base de son cou, la largeur de ses épaules.
Nos regards se croisent.
Dans le rêve, ses yeux étaient noirs de désir. Ici, ils sont gris-vert, perçants. Et pourtant, je vois. Je vois l’éclair, minuscule, rapide, qui traverse son iris. Une reconnaissance brutale. Un écho. Mes seins se serrent, mes entrailles se nouent. Un frisson liquide me parcourt.
— Élodie.
Sa voix est neutre,posée. Elle ne ressemble en rien au grognement de mon rêve. Mais elle fait vibrer quelque chose de profond, de primordial en moi.
ÉlodieLa semaine qui suit le barbecue est une agonie feutrée. Chaque jour est une épreuve de résistance, une lutte contre le souvenir des doigts de Louis dans l’ombre, contre l’odeur de transgression qui semble encore imprégner ma peau. Je vis en automate, répondant aux sourires par des sourires, aux conversations par des banalités. À l’intérieur, une bête tourne en rond, affamée, obsédée.Il m’envoie un message, trois jours après. Un seul mot, tombé sur mon écran comme une pierre dans un puits.—Samedi.Pas de lieu, pas d’heure. Juste une date. Une évidence. Clara doit accompagner sa mère à un salon de déco pour la future chambre. La maison sera vide.J’arrive avant lui. Je n’ai pas les clés, mais je connais le code de l’alarme, un détail offert un jour par Clara, un geste de confiance qui me brûle maintenant les doigts. Je pousse la porte et j’entre dans le silence de leur foyer. L’odeur m’assomme. Ce n’est pas son parfum à lui, ni celui de Clara. C’est leur odeur mélangée : le caf
Élodie — Louis.Il se retourne d’un bloc.Dans la pénombre, ses yeux brillent d’un éclat sauvage.— Qu’est-ce que tu fais ? Tu es folle ? Ils peuvent…—Je ne peux plus, l’interromps-je. Je ne peux plus te regarder la toucher. Te sourire et faire semblant.Je m’avance. Il ne recule pas. L’espace entre nous se réduit, chargé de tout ce qui n’a pas été dit sur la pelouse.— Tu crois que c’est facile pour moi ? Sa voix est un râle. La voir, chaque jour, et penser à toi. À ton goût. Au son que tu faisais.C’est la dernière étincelle. Je ferme la distance, plaque mes mains sur son torse. Le contact est électrique, réveillant chaque cellule endormie. Il grogne, une sorte de plainte animale, et ses mains s’abattent sur mes hanches, me serrant à travers le jean, m’attirant contre lui. Je sens son érection, dure, pressante, contre mon ventre. Ici, dans l’obscurité poussiéreuse, à quelques mètres de notre famille, c’est encore plus défendu, encore plus excitant.— Tu veux me faire du mal ? murmu
Élodie Ma voix est rauque.Il avance, pose une bouteille sur le plan de travail près de moi. Il ne part pas. Il reste là, à moins d’un mètre. Le silence est un étau qui se resserre. Je regarde ses mains, ces mains qui m’ont tenue, ouverte, possédée. Elles sont calmes, mais je vois la tension dans les jointures.— Ça va ? demande-t-il enfin, sans me regarder, fixant sa propre bouteille.—Non.La réponse sort,nue, honnête. Je ne peux plus faire semblant. Pas avec lui. Pas ici.Il lève les yeux. Dans la lumière tamisée de la cuisine, je vois les cernes sous les siens, la même fatigue que la mienne, la même guerre intérieure. Il a l’air plus vieux, plus dur.— Moi non plus, avoue-t-il dans un souffle.Ces deux mots brisent quelque chose en moi.Un début de complicité dans la culpabilité, plus intime encore que l’acte sexuel. Nous sommes deux naufragés sur le même radeau pourri, à regarder le bateau de ceux que nous aimons s’éloigner.— Clara…—Ne parle pas d’elle ici, coupe-t-il, répétant
Élodie Les jours suivants sont une chute lente, un écho assourdi de la violence de l’hôtel. Mon corps est une carte de géographie de notre crime. La marque sur mon cou a viré au bleu violacé, un halo d’orgueil et de honte que je dissimule sous des cols roulés et du fond de teint. Une douleur sourde, persistante, me rappelle à chaque pas l’étirement brutal, la plénitude déchirante. Je la cultive secrètement, passant mes doigts sur ma peau meurtrie, revivant dans la douce brûlure le souvenir de son poids sur moi. Mon propre parfum me semble désormais mêlé au sien, à l’odeur musquée et sucrée du sexe et de la sueur qui imprégnait la chambre.Il n’appelle pas. Il n’écrit pas. Le silence est une torture plus raffinée que toute parole. Je scrute mon téléphone jusqu’à en avoir les yeux qui brûlent, espérant et redoutant à la fois son nom à l’écran. Je revis chaque seconde : ses mains sur mes hanches, la pression de ses doigts dans mes cheveux, le grognement qu’il a poussé quand il a éclaté
Élodie Il me soulève comme si je ne pesais rien et me jette sur le lit. La violence du geste est excitante. Je me redresse sur les coudes, haletante, le regardant se débarrasser de ses vêtements. Son corps se révèle dans la pénombre : large, sculpté, puissant. Des muscles tendus sous la peau, un torse parsemé d’un fin duvet sombre qui descend en une ligne tentante jusqu’à son sexe, dur, dressé, impressionnant. Mon rêve n’avait rien imaginé d’aussi réel, d’aussi magnifique.Il se penche sur moi, m’enveloppe. Sa peau contre la mienne est une révélation. Chaude, lisse, musclée. Je me cambre, offrant mon cou à sa bouche. Il mord, lèche, suce, laissant une marque qui sera un stigmate demain. Ses mains parcourent mes flancs, remontent, s’emparent de mes seins de nouveau, avant de descendre, d’un mouvement impatient, vers mon jean. Il dégrafe, tire, arrache. L’air frais sur mon sexe offert, trempé, me fait frissonner. Il écarte mes cuisses avec ses genoux, sa main vient se poser sur mon ven
Élodie Il lève enfin les yeux. Et là, je le vois. La lutte est terminée. Ou plutôt, elle a changé de nature. La politesse, la retenue du beau-frère ont été balayées. Dans ses yeux gris-vert, il n’y a plus de voile. Il y a une tempête. Un aveu brut, désespéré, furieux.— Ça, dit-il d’une voix sourde, raclée. Ce… truc. Ce truc entre nous. Je le sens depuis des mois. Et depuis l’autre soir sur le balcon… je ne pense plus qu’à ça.Le mot « ça » est plus cru, plus direct que n’importe quelle description. Il désigne l’attraction animale, l’électricité pure, le besoin.— Moi non plus, lâché-je, et c’est un soulagement de le dire, un vertige terrible. Je ne pense qu’à ça. Je rêve de ça.Un muscle tressaute dans sa joue. Ses narines frémissent. Il est comme un animal tenu en laisse, et la laisse est sur le point de céder.— Clara…, commence-t-il.—Ne parle pas d’elle, l’interromps-je, plus sèche que je ne le voudrais. Pas ici. Pas maintenant.Il hoche la tête, un bref mouvement. Le sujet est







