Ava
Le manoir baignait dans une quiétude dorée, comme enveloppé d’un rêve silencieux et sensuel, une toile de fond pour des passions inavouées. Dehors, la lune versait sa clarté sur la pelouse, effleurant le marbre des colonnes d’une lumière tiède, presque amoureuse, qui semblait inviter à l’abandon, à la fusion des corps et des âmes dans l’obscurité complice, à l’étreinte la plus intime.
Je m’étais éclipsée, abandonnant la table de billard, les regards chargés de sous-entendus, les conversations lourdes de silences éloquents et de joutes voilées de dominance et de contrôle, des jeux pervers qui m’épuisaient. J’avais besoin de répit, d’un souffle, ou au moins d’un échange qui ne serait pas un combat déguisé.
Je trouvai refuge dans un coin de la bibliothèque, un cocon de velours et d’odeurs anciennes, où le silence semblait écouter, complice, les secrets inavoués de mes désirs les plus sombres et de mes fantasmes les plus ardents.
Antonio y était déjà, affalé dans un fauteuil d’un vert profond, jambes croisées, un verre de vin à la main. Sa silhouette élégante dégageait cette désinvolture naturelle qui le rendait immédiatement attachant, une lumière dans l’ombre du manoir, un antidote à l’austérité calculée de Vincenzo, à sa domination si palpable.
« Ava... Ma belle-sœur préférée — et l’unique, je sais, mais quand même. » Il m’offrit un sourire large, désarmant, un soleil dans la pénombre, une chaleur réconfortante qui apaisait mes sens, mais ne calmait pas le feu qui commençait à me dévorer.
Je répondis par un sourire timide, encore éprise d’une tension que je n’arrivais pas à dissiper. Je m’installai face à lui, ramenant une mèche de cheveux rebelle derrière mon oreille. Mon corps portait encore l’empreinte invisible de la personne que je venais de fuir, le poids d’un regard brûlant, la marque indélébile d’un désir qui ne me lâchait pas, qui s’inscrivait sur ma peau.
« J’avais besoin d’une pause, » murmurai-je, ma voix à peine audible. « L’ambiance ici... chaque mur semble murmurer des secrets.»
« Oh, ils murmurent bien plus que ça, » répondit le frère solaire avec un rire doux.
Le silence s’installa un instant, feutré, intime, un répit avant les confessions. Puis, d’une voix plus basse, plus intime, teintée d’une curiosité délicate, je brisai la quiétude :
« Tu m’as parlé de Londres. De votre départ. Mais pourquoi êtes-vous vraiment partis ? »
Le regard de Antonio se fit plus grave. Son sourire s’effaça, doucement, comme une étoffe qu’on plie avec soin, révélant une blessure profonde, une cicatrice de l’âme à fleur de peau, un souvenir de plaisir refusé.
« Ici, être différent, c’est être invisible, » dit-il d’une voix rauque, chargée d’une émotion contenue. « C’est accepter qu’on t’aime... à moitié. Et même ça, ce n’est pas garanti. Chez les De Luca, être homosexuel, c’est être une rumeur. On sait. On tait. On tolère, tant que tu ne déranges pas l’image. Et surtout, que tu restes discret, que tu te caches, que tu t’éteignes au fond de toi, que ta lumière s’estompe, que ton corps ne soit qu’ombre.»
Il but une gorgée lente, ses doigts caressant le verre comme on touche une blessure familière, acceptée, une douleur familière qui ne surprenait plus, une résignation qui me serrait le cœur.
« Mon père n’était pas un monstre. Mais il appartenait à un monde révolu, où l’honneur et les apparences valent plus que l’amour, plus que la vérité d’un cœur, plus que le droit d’aimer librement, sans condition. Il m’a dit un jour : “Tu es mon fils. Mais ne me demande pas de sourire à l’homme que tu aimes.” Alors, j’ai souri pour lui. Et j’ai fui pour moi. Pour vivre, simplement. Pour aimer, sans honte, sans peur de la fureur, sans cacher mon bonheur. »
Je sentis ma gorge se serrer, une vague d’émotion me submergeant, une empathie brûlante pour cette souffrance tue. Il n’y avait pas de drame flamboyant dans ses mots. Juste une douleur contenue, élégante, comme un secret trop longtemps gardé, trop longtemps étouffé, une passion refoulée qui avait trouvé son chemin, une soif qu’il avait enfin étanchée.
« Et Paul ? » demandai-je dans un souffle, osant à peine briser le silence, curieuse de cette lumière qui émanait de Antonio.
Les yeux de Antonio brillèrent d’une lueur tendre, presque incandescente, d’un amour si pur qu’il était palpable, une flamme sacrée qui brûlait sans entrave, une promesse de volupté partagée.
« Il m’a aimé sans détour. Sans condition. Il m’a vu quand je ne savais plus comment exister, quand je me perdais dans les ombres. Il m’a choisi. Et j’ai accepté d’être choisi, d’être aimé tel que je suis, corps et âme, sans fard, sans mensonge, jusqu’à l’abandon le plus doux.»
Un soupir. Un souvenir. Ses lèvres s’étirèrent en un sourire apaisé, empreint de reconnaissance.
« À Londres, on vivait. On marchait main dans la main. On dînait, on riait, on s’aimait. Trois années d’air pur, de liberté, de bonheur volé, des instants de pure vérité, des jours de pure plaisir sans fin. »
Il fixa un instant son verre, puis reprit, plus bas, sa voix empreinte de gravité.
« Puis Vince a appelé. Papa était mort. Le trône vide. Il m’a dit : “Reviens. Tu n’as plus rien à cacher.” Avec lui, tout est dit en quelques mots, mais venant de lui... c’était immense. » Il marqua une pause, puis ajouta en souriant, un regard malicieux vers moi : « Et puis, je voulais te rencontrer. Ne pas te laisser seule dans cette prison dorée. »
Je le fixais, fascinée. Je découvrais une autre facette de cette famille, loin des apparences, des codes mafieux : les silences qui pesaient, les sacrifices qu’on ne disait pas, les cœurs qui battaient sous le vernis, les corps qui brûlaient sous la surface, les passions tues et les désirs cachés, les faims insatiables. Et Vincenzo... Vincenzo n’était peut-être pas qu’un seigneur de guerre au charme glacial, mais un homme de passion, contenue, mais non moins dévorante, un homme de désir, une bête affamée sous un masque de marbre.
Je murmurai, presque pour moi-même, une révélation qui me frappait :
« Ton frère... il ne te ressemble pas. On dirait qu’il joue un rôle. Comme un acteur... mais dans une pièce trop bien répétée. »
Antonio me fixa, surpris, puis sourit, énigmatique, une lueur de compréhension dans ses yeux, comme s’il lisait dans mon âme.
« Vincenzo ne joue pas. Il orchestre. Il attend, il mesure, puis il frappe. Il est chirurgical. Précis. Il ne montre rien... mais je crois qu’il ressent beaucoup. Surtout quand il s’agit de toi, Ava. Tu l’as transformé, sans même le savoir, tu as réveillé la bête en lui, le prédateur assoiffé.»
« Comment ça ? » m’étranglai-je, mon cœur s’emballant, une anticipation brûlante m’envahissant, mêlée de surprise et d’une étrange excitation.
Antonio pencha légèrement la tête, malicieux, un éclat dans le regard.
« Regarde-le. »
Comme une réponse à un sortilège, un bruit sourd résonna : une boule de billard percutée avec force, le son résonnant dans la pièce, une percussion sèche, comme un coup de désir, un appel primal, un signal à la soumission.
Je me retournai, le souffle suspendu. Et je le vis. Vincenzo. Debout, concentré sur sa cible, son corps tendu sous une chemise immaculée, ouverte sur deux boutons, révélant le début sculpté d’un torse au grain parfait, une invitation silencieuse à la caresse, à l’exploration de chaque muscle, de chaque courbe qui promettait la force et la sensualité, un temple de chair où je voulais me perdre. Ses avant-bras contractés, puissants, guidaient la queue de billard comme s’il s’agissait d’un prolongement de lui-même. Il n’était que contrôle et tension, une force brute sous un voile de maîtrise, une puissance qui me fascinait et m’effrayait à la fois, une force primitive qui m’attirait irrésistiblement, comme un aimant vers ma perte.
Mais ses yeux... Ils étaient braqués sur moi. Le regard brûlant, d’une intensité silencieuse qui me traversa jusqu’aux reins, me faisant frissonner de la tête aux pieds. Je sentis chaque parcelle de mon corps se tendre, une électricité parcourant mes membres, une décharge qui promettait un orgasme, une jouissance certaine, inévitable. Mes joues rosirent, un feu intérieur me consumait, me rendant folle de désir, avide de sa possession. Un frisson délicieux descendit le long de ma colonne vertébrale, promesse d’une extase prochaine, inévitable, une faim qui montait de mes entrailles.
Et lui souriait. Ce sourire... celui d’un homme qui sait. Qui voit. Qui possède, qui me veut, entièrement, corps et âme, sans la moindre résistance.
Je détournai les yeux, trop tard, déjà prise au piège, au cœur de mon propre désir, de ma propre perte. Antonio m’observait avec douceur, un brin de mélancolie dans le regard, sachant ce qui se jouait entre nous, cette danse interdite, cette étreinte promise.
« C’est la première fois que je vois mon frère ainsi. Il ne calcule plus. Il... ressent, avec une intensité qui me dépasse, une intensité brute et dévorante, une faim qui n’attend que d’être satisfaite.»
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Cette nuit-là, je fixais le plafond, allongée dans mes draps de lin, le corps lourd de désirs, pulsant d’une faim nouvelle, d’une ardeur inattendue. J’avais beau fermer les yeux, il était là. Vincenzo. Son souffle chaud, son odeur enivrante, le souvenir obsédant de ses mains sur moi, même sans m’avoir touchée, la brûlure de son regard, la promesse de sa possession, de sa fureur contenue qui m’attirait si fort.
La fermeture éclair de ma robe, remontée lentement, comme une caresse prolongée. La proximité de son corps, le frôlement de ses doigts... Il n’avait presque rien fait, juste m’avoir regardée. Et pourtant, tout avait basculé, m’avait plongée dans un abîme de sensations, un tourbillon de volupté qui me laissait haletante, avide de plus.
Était-ce une manœuvre calculée ? Un artifice de leur mascarade conjugale ? Ou un aveu silencieux, bien plus déstabilisant, d’un désir mutuel, un feu partagé que je commençais à vouloir ardemment attiser, à consumer jusqu’à l’os, jusqu’à la dernière braise de ma retenue ?
Je me retournai, fébrile, mon corps frémissant, chaque parcelle de ma peau en éveil, en attente. Ma main glissa entre mes cuisses, sans que je le décide vraiment, instinctivement, cherchant un soulagement à la tension qui me consumait, à la faim qui me rongeait. Je m’imaginais son regard intense, ses mains grandes, fermes, me plaquant contre le mur froid du manoir, sa bouche s’emparant de la mienne, exigeante, possessive, sans pitié, me dévorant avec une faim insatiable. Sa voix grave, haletante à mon oreille, me murmurant des ordres brûlants :
“Dis mon nom.”
“Ouvre les jambes pour moi.”
“Je veux te sentir me supplier de ne pas m’arrêter.”
Mes doigts s’égarèrent, explorant mon intimité, et un gémissement doux échappa à mes lèvres, un son de pur abandon, une offrande à mon fantasme, à mon maître imaginaire.
Vincenzo. Encore. Toujours lui. Et dans ce rêve fiévreux, je cédai au désir, me laissant consumer par cette image, par ces fantasmes brûlants, jusqu’à l’extase. Jusqu’à m’endormir, la peau en feu, son nom encore murmuré dans le silence de la chambre, le corps tremblant de plaisir, d’une jouissance secrète et inavouable, qui annonçait des nuits bien plus réelles.
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Les semaines s’étaient écoulées, rythmées par le tumulte presque théâtral qu’imposait Antonio au manoir. Son humour décalé, sa vivacité, son énergie débordante apportaient une lumière nouvelle dans cette demeure d’habitude feutrée, tendue, comme suspendue dans une éternelle retenue, une cage dorée qui semblait enfin respirer, moins étouffante, moins lourde de secrets.
Pendant ce temps, je m’étais immergée dans mon projet, une bouée de sauvetage. Une galerie, ma galerie, en plein cœur de Naples. La galerie Ava Bellini. J’avais voulu y apposer mon nom de jeune fille, comme une signature, une déclaration d’indépendance. Une forme de rébellion silencieuse contre l’ombre pesante du clan De Luca. Une victoire personnelle, que je savourais avec discrétion, mais une joie profonde, celle de me sentir enfin maîtresse de mon destin, et de mon corps, de ma propre sensualité, une force qui m’avait longtemps échappé.
La soirée privée de l’ouverture approchait, l’excitation était palpable. La galerie s’animait, chaque centimètre carré devenant scène d’une nouvelle vie. Le personnel s’activait autour de moi : des œuvres monumentales en cours d’accrochage, des projecteurs testés, des verrines apportées en silence sur des plateaux argentés. L’espace se métamorphosait en un sanctuaire de beauté moderne, brut et sensuel à la fois, à mon image, à l’image de la femme que je devenais, épanouie et désirée, une toile vivante.
Je n’étais plus en jean et chemise blanche couverte de peinture. Ce soir-là, j’avais enfilé une robe noire de satin fluide, épousant mes formes comme une seconde peau, une caresse liquide sur mon corps, une invitation au toucher, à la convoitise la plus dévorante. La fente vertigineuse laissait entrevoir ma cuisse lorsque je marchais, un jeu de dévoilement et de mystère, laissant le tissu onduler autour de moi comme une vague silencieuse, promettant d’engloutir les regards, de les noyer dans mon charme, dans la promesse de ma chair. Mon dos était presque nu, délicatement orné d’une chaîne d’or qui glissait jusqu’à la naissance de mes reins, invitant le regard et le toucher, une offrande silencieuse de ma chair offerte, une invitation au péché. Mes cheveux, relevés en un chignon sophistiqué, laissaient mon cou offert aux regards — fragile et fier à la fois, une invitation à la tendresse, à la morsure douce, à la possession, à la faim. Un rouge profond soulignait mes lèvres, tandis que mes yeux, légèrement charbonneux, semblaient créés pour capturer l’attention et la retenir, lentement, fermement, une promesse de désir, une faim inavouée qui brûlait en moi, un brasier sous la surface.
J’observais tout d’un œil aiguisé, exigeante mais calme, une reine dans mon royaume, celle qui détenait le pouvoir, au moins ici.
« Cette toile, un peu plus haut. Je veux que la lumière accroche le rouge du ciel. Et que la sculpture de Vassilis soit la première chose que l’on voit en entrant. Ça doit frapper, dès le seuil. » Ma voix était ferme, posée, mais pleine de cette douce autorité qu’on n’osait pas contredire. Je brillais, d’une lumière que moi seule avais sculptée. Ici, je n’étais ni épouse ni belle-fille. J’étais créatrice. Maîtresse de l’espace. Femme libre, maîtresse de moi-même, du moins je le croyais. Du moins, j’essayais de le croire.
Jusqu’à ce qu’il entre. Il n’y eut ni bruit de porte ni annonce. Seulement cette sensation. Ce frisson. Silence. Chaleur. Présence. La signature de son désir, une marque invisible mais suffocante. Je le sentis avant même de le voir. L’air sembla se densifier, devenir plus lourd, plus chargé. Mes épaules se tendirent, une anticipation fiévreuse me parcourut, une excitation mêlée de crainte, une attirance irrépressible, une faim primitive. Et puis, lentement, il apparut. Vincenzo.
Il se glissa dans la galerie comme une onde sombre, hypnotique, son aura emplissant la pièce, submergeant tout sur son passage, comme un prédateur silencieux. Il portait un costume anthracite taillé à la perfection, la veste légèrement ouverte sur une chemise ivoire, déboutonnée juste ce qu’il fallait pour apercevoir la naissance de son torse, sculpté et puissant, une invitation à la caresse, une promesse de force brute, de possession physique, de délices à venir. Pas d’accessoires, pas de montre ostentatoire, juste cette aura. Cette manière de prendre possession de l’espace sans un mot. De dominer sans avoir à exiger, par sa seule présence, par son pouvoir indomptable, par sa masculinité écrasante.
Sa démarche était lente, fluide, presque féline, un prédateur en chasse, les yeux fixés sur sa proie. Ses chaussures effleuraient le sol. Son regard, magnétique, balayait la pièce sans s’y arrêter. Jusqu’à moi, sur qui il se posa avec une intensité brûlante, me dévorant des yeux, me marquant de son désir ardent, de sa faim insatiable.
Les membres du personnel s’écartèrent instinctivement sur son passage, comme les flots devant un navire imposant, reconnaissant la force qui émanait de lui, la puissance de sa présence, l’ombre du chef de la mafia qui s’étendait sur chacun.
Il s’arrêta à ma hauteur. Le silence s’épaissit, chargé d’une tension sensuelle, une promesse inavouée dans l’air, une invitation muette au plaisir, à l’abandon.
« Madame De Luca », murmura-t-il, d’une voix si grave, si basse, qu’elle m’en fit frissonner jusqu’à l’âme, le son caressant ma peau, m’enveloppant d’une chaleur enivrante, une ivresse sensorielle qui m’ôtait le souffle.
Il s’inclina vers moi, lentement, et posa un baiser sur ma joue. Léger. Officiel. Parfaitement maîtrisé. Mais ses lèvres restèrent plus longtemps qu’il ne fallait. Trop longtemps. Son souffle effleura ma peau comme un soupir brûlant, et ses doigts... ses doigts glissèrent furtivement au bas de mon dos, à peine une caresse, mais assez pour que mon corps entier s’embrase, une chaleur se répandant en moi, une décharge électrique qui enflammait chaque terminaison nerveuse, une jouissance anticipée, un vertige de plaisir.
Je frissonnai, incapable de contrôler la réponse instinctive de ma peau, mon corps trahissant mon émotion, mon désir grandissant. Mes genoux faillirent céder, m’empêchant de respirer, le souffle court, comme après une course folle, une course vers l’abandon le plus total, vers ma perte délectable.
Je tentai un sourire professionnel. Mais mon regard me trahissait, profondément troublé, haletant, mes yeux bleu trahissant le tumulte, la faim qu’il avait réveillée en moi, le désir irrépressible qui me consumait.
« Vous faites sensation, » murmura Vincenzo, son regard me déshabillant avec une lenteur exquise. « Vous êtes... sublime, à en dévorer, à en dévorer entièrement sans retenue, à en perdre la raison.»
Je déglutis. La gorge sèche, la bouche pâteuse.
« Merci, » articulai-je, un peu trop sèchement, pour masquer mon trouble, ma voix voilée par l’émotion, par le désir qui me submergeait, me noyant dans ses profondeurs insondables.
Il se pencha de nouveau. Ses lèvres tout près de mon oreille, son souffle tiède s’y glissant comme une caresse intime, une promesse, une invitation pressante à me donner, à m’offrir à lui, sans condition.
« J’en suis presque jaloux de devoir vous partager avec vos invités, » confessa-t-il dans un soupir presque rauque, un aveu qui me fit frissonner, un aveu de possession pure et dévorante. « Mais je n’aurais pu épouser qu’une femme brillante... et ce soir, elle va briller, et je la réclamerai, pour moi seul, je la consommerai, jusqu’à la dernière parcelle de son âme, jusqu’à l’aube, jusqu’à l’épuisement.»
Il s’éloigna sans hâte. Nonchalant. Comme s’il n’avait pas en un instant fait s’effondrer mes défenses, rallumé tous mes doutes, ébranlé ma maîtrise de soi, me laissant nue et vulnérable face à son désir, face à ma propre ardeur, une proie consentante.
Je le suivis du regard. Vincenzo souriait aux employés, distillait son charme comme un poison lent, une douceur trompeuse, une hypnose sensuelle. L’homme public parfait. Le soutien discret. Mais derrière chaque sourire, c’était vers moi que revenaient ses yeux. Comme une promesse. Comme une menace. Un désir pur, brutal, une faim primitive qui me submergeait, me submergeait tout entière, me noyait.
Je commençais à perdre pied dans ce jeu de dupe. J’avais déjà été courtisée par des hommes. J’avais déjà couché et eu des relations avec des hommes tout aussi beaux que Vincenzo. Mais jamais un homme ne m’avait déstabilisée comme lui. Je n’arrivais pas à savoir si c’était pour les apparences ou s’il me portait un véritable intérêt. Lors de nos déjeuners et dîners, Vincenzo s’intéressait à moi, à mes études, à mon art. Cependant, par égard pour moi, le beau brun n’avait jamais évoqué mes parents, un père désœuvré et une mère morte. Ce qui m’avait surprise, ce qui m’avait encore plus déstabilisée, c’est que tous les papiers de la galerie étaient à mon nom de jeune fille, Ava Bellini. Il m’avait dit que c’était une assurance. Les seuls moments où j’avais le pouvoir, c’est quand j’étais impertinente avec lui et que je le défiais, ce qui parfois se retournait contre moi, attisant encore davantage son désir et le mien, ce duel de la chair et de l’esprit, où la défaite était une victoire secrète.
Je sentis mon ventre se contracter, mon cœur battre plus vite, un rythme effréné. Chaque parcelle de ma peau était consciente de lui, de sa présence brûlante, de son désir dévorant, de la promesse de sa possession, de la fureur de son étreinte qui me tirait vers l’abîme du plaisir.
MatteoAva montait les marches avec une lenteur calculée, cette grâce aristocratique qu’on ne vous enseigne pas, mais qu’on imprime en vous dès l’enfance. Le genre de port de tête et de démarche qu’on reconnaît entre mille — une allure façonnée dans les salons dorés de Naples et les pensionnats suisses, aiguisée dans les galas de bienfaisance, les bals masqués, les galeries d’art.La belle héritière était l’incarnation de la perfection. Une œuvre taillée dans le diamant brut du nom Bellini, toute en angles nobles, en douceur polie, en éclats silencieux. Mais derrière cette perfection ciselée se dissimulait une créature bien plus redoutable : une femme au tempérament de feu. Et cette femme… allait me faire couper la tête.Je pouvais déjà entendre Vincenzo hurler intérieurement, ses pensées me transperçant, me foudroyer du regard pour avoir laissé sa précieuse épouse errer seule dans les couloirs de son e
AvaNaples défilait lentement derrière la vitre teintée, comme un tableau vivant peint à l’huile : des façades écaillées, brûlées par le soleil, des volets qui claquaient doucement sous la brise marine, et des ruelles pleines de vie, d’odeurs et de cris d’enfants. La ville semblait palpiter, comme un cœur nerveux caché sous une chemise blanche trop serrée, une bête chaude et vibrante,un corps offert aux mille péchés.Je regardais ce monde libre avec un soupçon de mélancolie, l’œil accroché aux scènes ordinaires qui me semblaient toujours interdites. Une femme en robe à fleurs étendait son linge à un balcon, un adolescent riait sur son scooter, une vieille dame traînait un cabas tissé rempli d'odeurs de marché. Des choses simples. Des choses auxquelles je n’avais plus droit, enfermée dans ma propre prison dorée, malgré toute la splendeur qui m'entourait.Une reine sans couronne, une captive de luxe.Assise à
VincenzoLe lendemain de la victoire éclatante de Ferrari au Grand Prix de Monaco, Monte-Carlo s’éveillait lentement sous un ciel d’un bleu éclatant, baigné dans une lumière dorée qui semblait vouloir prolonger la fête éternelle. La ville portuaire, ce joyau méditerranéen aux ruelles étroites et aux façades ocres, gardait les stigmates indélébiles de la nuit passée — traces noires sur l’asphalte,éclats de caoutchouc, confettis éparpillés, vestiges d’une frénésie mécanique et humaine. Le parfum âcre de la gomme brûlée flottait encore dans l’air,une signature métallique de la course, mêlé à celui, plus subtil, du sel marin et des embruns frais qui venaient de la mer.Le port H
AvaLe rugissement des moteurs fendait l’air, un grondement sauvage et rythmique qui faisait vibrer les parois vitrées de la loge privée jusque dans mes os. Le Grand Prix de Monaco battait son plein. Sous un ciel d’azur éclatant, la principauté resplendissait de lumière et d’excès, un tableau vivant de fortune insolente et de démesure assumée. Des yachts géants s’étalaient dans le port comme des joyaux d’acier et de verre poli, leurs ponts recouverts de fêtes privées et de mannequins en robes de haute couture, des silhouettes évanescentes à peine entrevues. Tout autour du circuit, les balcons débordaient de visages ravis, de caméras scintillantes, de lunettes de soleil masquant les regards, et de mains levées qui acclamaient chaque passage des bolides, ces fusées de métal et de carbone défiant les lois de la physique.La loge où nous avions été conviés pour le week-end par Marguerite et Philippe surplombait le
VincenzoLes marches en marbre de la galerie semblaient s’allonger à mesure que je les descendais, comme pour me laisser savourer chaque seconde de mavictoire charnelle, une sensation douce-amère qui vibrait encore en moi. Ce n’était qu’une demi-conquête, une douce torture qui ne demandait qu'à être renouvelée. La femme que j'avais épousée, cette flamme farouche, et moi nous étions réconciliés, si on pouvait appeler cela ainsi. J'avais noyé ma rage et mon désir entre ses cuisses brûlantes, dévoré son plaisir pour mieux étouffer ma frustration. Mais elle, cette femme faite d’orgueil et de feu, m’avait encore une fois tenu tête. Elle n’avait pas cédé à ma demande de laisser mes hommes reprendre leur poste dans la galerie. Son refus, un défi silencieux, était une braise sous ma peau, une promesse de résistance qu'il me faudrait briser.Chaque parcelle d'Ava non soumise était un territoire à conquérir, une obsession.
AvaVincenzo était devenu une présence obsédante, un souffle permanent dans ma nuque. Ces derniers jours, l’homme que j’avais épousé s’était transformé en geôlier au nom de ma sécurité. Chaque pas que je faisais hors de notre demeure était minutieusement orchestré, surveillé, encadré par une cohorte de gardes du corps plus intimidants les uns que les autres. Huit, pour être exacte. Un théâtre de paranoïa qui ne disait pas son nom,une cage dorée dont les barreaux étaient tissés de son obsession.Je savais qu’une affaire devait se compliquer. Je le lisais dans la tension de ses mâchoires, dans la rareté de ses silences. Vincenzo ne disait rien, jamais, surtout pas à moi. Il restait ce bloc impénétrable, cette forteresse sculptée dans le marbre du secret,son âme aussi opaque que ses affaires. Même la nuit, lorsqu’il s’écroulait dans notre lit, c’était sans un mot, juste ce poids silencieux qui s’aband