CHAPITRE 5

Point de vue de Bryan

Le premier son qui frappe mes oreilles est le bruit des pleurs de Jason, perturbant la paix de la maison. Je fronce les sourcils, confus, me demandant s’il a pleuré depuis que je suis parti travailler ce matin.
Quand j’ai dit que j’allais amener sa mère, je ne comptais pas vraiment le faire. Je lui ai juste dit ça pour le faire arrêter de pleurer.
Pourquoi diable pleure-t-il encore ?

Je siffle par intervalles en entrant dans ma chambre et en enlevant mes vêtements, avant d’aller dans la salle de bain pour prendre une douche. Je suis sacrément fatigué et j’ai envie de manger, puis de me coucher tôt pour pouvoir me préparer pour la convention de demain.
Je finis de me doucher et je sors. Je lève les yeux vers l’horloge murale : il est 22 heures.

Je marche furieusement vers ma mallette et en sors la boîte de chocolats que j’ai achetée pour lui avant de rentrer. L’idée qu’il veuille Céline m’agace.
Je suis son père et je suis censé être la chose la plus précieuse pour lui. Je peux lui donner ce que Céline ne peut pas.

J’ignore la femme de chambre qui m’accueille à la porte et entre sans frapper. Une chambre a été préparée pour lui et Camilla dort avec lui.
Dès que j’entre, il se retourne sur le lit pour regarder la personne qui perturbe ses pleurs. Je vois Camilla penchée devant lui, épuisée, le suppliant probablement d’arrêter de pleurer après ses vaines tentatives de le consoler.

— Maman est là ? demande-t-il aussitôt.
Soudain, je me sens mal de lui avoir fait une fausse promesse. Je n’ai aucune intention de supplier Céline ni de l’amener ici. J’en ai fini avec elle.

Lui enlever Jason était censé mettre fin à tout lien entre nous. Si Jason était encore avec elle, cela signifiait qu’une partie de moi l’était aussi.
J’aurais juste trouvé un meilleur appartement pour elle, lui aurais donné de l’argent pour prendre soin d’elle et de Jason, mais je fais exprès de la punir pour ce qu’elle a fait et de ne plus rien avoir à faire avec elle.

Elle m’a trahi, non seulement en rompant notre contrat, mais aussi en s’enfuyant sans me parler de ma semence qui poussait en elle.
À quoi pensait-elle ? Je grogne intérieurement.

— Non, Jason. Tu dois arrêter de pleurer… dis-je à voix basse, refoulant ma colère.
Mais il m’interrompt en fondant en larmes.

Cette fois, ses larmes me touchent au cœur. Je sens sa douleur de ne plus voir la femme avec qui il a grandi depuis sa naissance.
J’imagine qu’il a du mal à s’adapter à cet environnement, même si c’est mieux que chez Céline.

Sa chambre est assez grande pour accueillir vingt personnes. Je fais ça pour lui offrir la vie qu’il mérite, mais je suppose qu’il est encore trop jeune pour comprendre tout ça.

Camilla tourne son regard vers moi, comme si elle allait se joindre aux pleurs de Jason.

— Camilla, tu peux y aller, lui ordonné-je.
Elle hoche la tête et sort, après avoir regardé Jason, qui n’a même pas remarqué son absence.

Je prends sa place devant lui, cachant la boîte de chocolats derrière moi dans ma main droite.

— Bébé, arrête de pleurer, lui dis-je en espérant que ça marchera.
Il essuie ses larmes et me fixe d’un air furieux.

— Je veux maman, insiste-t-il.
— Maman n’est pas disponible, je mens, espérant qu’il comprendra le message : sa mère ne peut pas être là pour le moment.
Il m’observe un moment, comme s’il essayait de lire en moi.

— Espèce de méchant, dit-il.

On dirait une question, mais je comprends ce qu’il veut dire. Il sanglote, la poitrine gonflée.
Je décide de lui offrir le chocolat avant qu’il ne fonde à nouveau en larmes.
Je le tire de derrière mon dos et souris, attendant son sourire d’excitation, mais il n’y en a pas.

Il baisse les yeux vers la boîte de chocolats et finit par me la prendre, ce qui me soulage.

— Arrête de pleurer, mon fils. Tout ira bien, dis-je en touchant ses cheveux noirs bouclés.
Il ne dit rien et ne mange pas les chocolats. Il me regarde, le visage baigné de larmes.

— Maman t’a donné ça ?
Je m’exclame intérieurement de surprise. Quel petit garçon intelligent ! Il a déjà du mal à faire confiance. Que lui a appris Céline ?

— Oui, maman m’a donné ça. Elle a dit qu’elle viendrait bientôt te voir.
Je lui souris et lui tire les joues.

— Vraiment ? Son visage s’illumine d’un sourire. Il est adorable.
— Oui. Mange tout.

Je l’encourage à l’ouvrir lui-même. Il tâtonne avec la boîte pendant un moment, et je décide de l’aider.
Je l’ouvre et il en prend une bouchée avec un sourire. Il mange sous mes yeux. Lorsqu’il a presque fini, il me la tend pour que je croque, et j’obéis.

Je n’arrive pas à croire que ce garçon devant moi est mon fils, qu’il est aussi intelligent et mignon.
Jamais, même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais imaginé avoir un autre enfant, à part Susie, morte avec sa mère dans un accident de voiture.

Ce fut un moment horrible pour moi, et je me suis juré de ne plus jamais tomber amoureux ni avoir d’enfant.
Notre entreprise familiale est dangereuse, et nos ennemis veulent nous faire capituler en blessant nos proches.

Mon père est le chef d’un groupe mafieux ici à New York, et il dispose d’une armée puissante pour le protéger, lui et ma mère. Ma mère l’a toujours soutenu, et elle est capable de se défendre sans lui.

Helena a été mon premier amour. Nous étions ensemble au lycée, avant qu’elle ne quitte New York.
Nous avons rompu parce que je ne supportais pas la distance.
J’ai fréquenté beaucoup de femmes, mais aucune n’était comme Helena. Elles en voulaient toutes à mon argent ou à ma beauté.
Je pensais qu’Helena était la seule femme capable de m’aimer pour ce que je suis.

Elle l’a compris aussi, et nous nous sommes remis ensemble.
Nous avons fait beaucoup de projets d’avenir, mais un obstacle persistait : ma famille mafieuse.
Cela a provoqué de nombreuses disputes, repoussant le mariage à plusieurs reprises.

Nous étions fiancés depuis quatre ans. Elle a donné naissance à Susie durant cette période, sans que nous ayons fixé de date précise.
Je n’avais pas peur, car j’avais confiance en mon armée.
Mais elle craignait pour notre avenir, pour elle et nos enfants.
Aucune promesse, ni de ma mère ni de moi, n’a su la rassurer.

J’ai réussi à la convaincre de nous marier avant la naissance de notre deuxième enfant, car elle était déjà enceinte.
Elle a accepté à contrecœur.
Elle voulait que je lui promette de ne plus me mêler aux affaires de la famille, mais je ne pouvais pas lui faire cette promesse.

La date du mariage était fixée, mais nous nous sommes disputés un soir, car elle m’avait surpris en train de couper les dix doigts d’un espion.
Elle n’arrêtait pas de pleurer. Elle m’a giflé et s’est enfuie de la maison.

Avant que je puisse me remettre de la douleur, elle était partie.
J’ai appelé mon bras droit et je suis parti la chercher.
C’était en pleine nuit. J’ignorais qu’elle était partie avec Susie.
Elle comptait prendre un avion et s’éloigner de moi.

Je l’aimais, mais je ne l’ai compris qu’au moment où je l’ai perdue.
Elle a été attaquée par des hommes qui en voulaient à ma famille. Elle a tenté de s’échapper, mais a perdu le contrôle du véhicule.
J’ai perdu trois personnes importantes cette nuit-là. Quelque chose est mort en moi.
Quand j’ai appris la nouvelle, mon monde s’est écroulé.

La sonnerie de mon téléphone me tire de mes pensées et je sens l’humidité sur mon visage.
Six ans ont passé, mais les souvenirs restent vifs, et la blessure, ouverte.
Je doute de pouvoir me pardonner un jour d’avoir poussé Helena à la mort.

Je ne voulais pas me remarier à cause de ce qui s’est passé.
Mais maintenant que je sais que Jason est à moi, je ferai tout pour le protéger.
Je ne laisserai aucun mal lui arriver, et je ne répéterai pas l’erreur d’il y a des années.

Le téléphone sonne à nouveau. Je décroche.
C’est un numéro inconnu.

— Bonjour, dis-je.
Silence.
Je regarde l’écran pour vérifier si l’appel est toujours en cours.
— Qui est-ce ?

— Euhhh… C’est moi, Bryan, dit une voix féminine.
Je reconnais instantanément Céline.

— Qu’est-ce que tu veux ? dis-je en me levant du lit de Jason. Il somnole déjà, le dernier morceau de chocolat coincé dans la bouche.
Je l’allonge, le recouvre de la couette.

— Comment va-t-il ? demande-t-elle.
— Ça ne te regarde pas, grogné-je.

— S’il te plaît, Bryan. Laisse-moi lui parler. Je veux juste être sûre qu’il va bien, pleure-t-elle, et je me demande comment elle a eu mon numéro.
— Je raccroche, dis-je.

— Attends, murmure-t-elle. Je suis désolée, Bryan. Je sais que tu es blessé, mais écoute-moi. Je n’ai pas fait exprès. J’avais juste peur.

— Tu as fini ? Je ne veux pas savoir pourquoi tu as fait ça.
Si je n’avais pas enquêté, je serais encore dans l’ignorance, et Jason serait dans la rue, vulnérable, une cible facile pour mes ennemis.

Jamais.

— Je suis désolée, Bryan. Pardonne-moi et laisse-moi parler à mon fils, sanglote-t-elle.
Mais je ne suis pas touché. Je n’ai même pas commencé ma punition. Ce n’est que le début.

— Ce n’est pas ton fils. C’est mon fils ! grogné-je, et je raccroche avant qu’elle ne puisse répondre.

Je soupire profondément et fixe le visage calme de Jason un moment, puis je me redresse.
Je me dirige vers la porte et éteins la lumière.

— Dors bien, fiston, murmuré-je dans l’obscurité avant de fermer la porte.