CHAPITRE 3

LE POINT DE VUE DE BRYAN

Je n’avais pas prévu que Jason ait une nounou avant qu’il soit amené chez moi. Je l’ai regardé avec stupéfaction, trouvant très difficile de croire que le garçon dans mes bras soit de ma chair et de mon sang.
Il est beau comme moi, et quand j’ai remarqué les éruptions cutanées sur sa peau, j’ai juré dans ma barbe, reprochant à Céline de faire passer mon fils pour un pauvre qu’il n’est pas.

Je n’ai jamais pensé à avoir d’enfant à nouveau, ce qui m’a poussé à proposer un contrat à Céline.
Ma mère voulait que je me marie et que j’aie un enfant, mais j’étais moins intéressé par le rôle d’un père de famille engagé.
Je ne voulais plus d’engagements à cause de mon passé et de ma prise de conscience que les femmes sont toutes pareilles, sauf bien sûr ma mère qui a un cœur d’or.

Je voulais la rendre heureuse, alors j’ai parlé de mon offre à Céline, et elle a immédiatement accepté, à mon grand soulagement.
J’y pensais depuis un moment, même si cela semblait ridicule, et je pensais que cela aurait l’air stupide si j’en parlais à qui que ce soit.
Céline est venue me chercher au bon moment, et j’ai décidé de profiter de son impuissance.

Ça devait durer un an, après quoi on pourrait se séparer, mais elle est partie avant.
J’étais au courant de nos relations sexuelles ivres, et je savais que c’était comme ça que Jason avait été conçu.

Je sais qu’il s’appelle Jason grâce au pendentif en argent rouillé que j’ai vu à son cou hier soir.
Je suis rentré et j’ai demandé à la femme de chambre de s’occuper de lui jusqu’à ce que je lui trouve une nounou qui lui convienne.
J’ai vu la joie sur son visage quand elle m’a pris Jason. Je sais que c’est parce qu’elle a tout de suite su que c’était mon fils, mais je doute qu’elle sache qui est la mère.

Je lui ai déjà dit de publier l’offre d’emploi pour que tout candidat intéressé et capable de s’occuper de mon fils puisse passer un entretien.
Je vais faire en sorte que Jason ait complètement changé dans une semaine.
Il n’aura plus l’air du pauvre que sa mère est, il ressemblera au fils de milliardaire qu’il est.

Je bâille et sors du lit, après avoir souri timidement pendant quelques minutes en pensant à Jason et au bonheur que ma mère aurait en apprenant son existence.
Après le départ de Céline, c’était mon excuse pour dire à ma mère que notre mariage n’avait pas fonctionné.

Avant que Céline ne devienne ma femme, chaque fois que je disais à ma mère que je ne voulais pas me marier, elle me disait toujours d’essayer, même une fois.
Elle a cessé de me déranger quand Céline est partie sans laisser de traces.
Mais je sais qu’elle sera contente, même si j’hésite encore à lui dire que Céline est la mère de mon enfant.

J’entre nonchalamment dans la salle de bain et prends mon bain.
J’arrive généralement au travail à 6 heures du matin, alors mon réveil me réveille toujours à 5 h 30.
Je finis mon bain dix minutes plus tard et je commence à m’habiller.

J’ai rendez-vous avec un homme d’affaires basé en Australie à 8 heures du matin, et je dois préparer mes dossiers et mon contrat avant son arrivée.
La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, nous parlions d’un partenariat avec son entreprise sidérurgique à cause de ses problèmes financiers.
J’ai pesé le pour et le contre d’un partenariat avec une entreprise en faillite.

Je lui ai finalement donné ma réponse la semaine dernière, après plusieurs mois de réflexion.
Je sais que je bénéficierai davantage de ce partenariat puisqu’il a accepté de partager les revenus à 70-30 %.
Je toucherai les 70 % puisque je financerai l’entreprise de toutes pièces, tandis qu’il prendra les 30 %, jusqu’à ce que l’entreprise retrouve son apogée.

Je finis de m’habiller et prends ma serviette avant de regarder ma montre : il est déjà 5 h 48.
Je pars tôt de chez moi, car la distance est généralement de 30 à 40 minutes en voiture.

Je sors de ma chambre à grands pas et je manque de tomber sur Camilla, la femme de chambre en charge des affaires de la maison, et maintenant chargée de s’occuper de mon fils.

— Où courez-vous ? lui demandé-je en reculant avant qu’elle ne me heurte.
— Désolée, monsieur. Je suis venue vous informer que Jason pleure depuis 4 heures du matin, qu’il est réveillé, dit-elle en s’inclinant.
— Il pleure ? Alors apaisez-le.

Je lui fais signe de partir et passe devant elle pour aller travailler. Je ne veux vraiment pas être retardé.

— Monsieur… m’interrompt-elle, tremblante comme une feuille froide qui danse sur un arbre.
— Jason refuse aussi de manger. Il pleure tellement fort que j’ai peur qu’il tombe malade. Je ne l’ai pas réveillé pour manger hier soir, car il a dormi si profondément, mais quand il s’est réveillé en pleurant ce matin, j’ai cru qu’il avait faim et j’ai préparé à manger… qu’il a repoussé.

— Repoussé ? Je suis étonné par son choix de mots. Comment un enfant de deux ans peut-il être plus fort qu’une domestique de 50 ans ?
— Oui, monsieur.
— Alors, trouve un moyen de le faire cesser de pleurer ! dis-je avec irritation.

Je lui fais signe de se taire de la main en me dirigeant vers la porte.
Je m’apprête à sortir quand j’entends un grand cri, me faisant brusquement me retourner pour voir d’où vient le bruit qui perturbe le calme de la maison.

— C’est Jason ! Camilla désigne l’autre domestique qui amène le garçon en pleurs dans le salon. Jason lutte pour se libérer.
— C’est quoi ce bordel ! Je rentre précipitamment.

La domestique, Leila, s’approche de moi et, en me voyant, se tait.
— Jason, pourquoi pleures-tu ? lui demandé-je d’une voix douce. Je ne veux pas qu’il sache que je suis en colère pour ne pas qu’il ait peur de moi.

— Maman… murmure-t-il en se remettant à pleurer.
— Tout va bien, ma puce.

Je jette ma serviette sur le fauteuil le plus proche et le prends à Leila.

— Je veux maman, répète-t-il en pleurant.
— Tu veux maman ? je lui réponds, et il hoche la tête.
— D’accord, je vais chercher ta maman, d’accord ?
Il hoche de nouveau la tête.

— Mais promets-moi que tu vas manger et arrêter de pleurer, dis-je.
Mais il reste silencieux.
— Jason, veux-tu manger ?
— Je veux maman ! éclate-t-il en sanglots.

Je soupire lourdement en regardant Leila et Camilla, l’air pitoyable.
Je n’avais jamais pensé aux efforts que représente le fait de porter un enfant.
Je pensais que l’avoir près d’une femme qui lui ressemble comme une mère rendrait les choses moins difficiles.

— Je vais chercher maman, maintenant. Ne pleure plus, dis-je en m’efforçant de contrôler ma colère.

Quel genre d’enfant têtu est-ce ?

— Tu veux ? me demande-t-il d’un air dubitatif.
— Oui, je vais. Maintenant, va manger et arrête de pleurer, d’accord ?

Il hoche la tête tandis que je le tends à Camilla.
Je prends ma serviette et expire profondément avant de me tourner vers la porte.

— Au revoir, papa, je l’entends dire en sortant pour retrouver mon chauffeur.

Ça fait longtemps qu’on est père célibataire, me dis-je.