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Chapitre 6 — Le Dîner

Author: Darkness
last update Last Updated: 2025-07-03 00:49:36

Alba

Le miroir me renvoie l’image d’un mensonge.

La robe noire épouse mes formes comme une arme silencieuse. Tissu fendu jusqu’à la hanche, épaules dénudées, chaque détail calibré pour détourner les regards de ce que je suis réellement. Ce n’est pas un vêtement. C’est une couverture. Une distraction. Une stratégie.

Je suis prête.

Ou je me le répète, comme un mantra.

Je sais ce que je dois faire. Ce que je suis venue chercher.

Des preuves. Des aveux. Des failles.

La voiture file à travers Milan. À mes côtés, Sandro Moretti. L’homme que je suis censée piéger. L’homme dont la voix, parfois, me trouble plus que je ne l’admets. Ce n’est pas une simple mission. C’est une guerre souterraine. Et chaque seconde passée avec lui est une ligne fine entre le danger et… autre chose.

Il ne parle pas. Moi non plus.

Il me fixe. Ce regard qui ausculte, devine, fouille. Il sent que quelque chose cloche. Mais il ne sait pas quoi.

— Tu n’as pas peur ? demande-t-il enfin, la voix basse.

Je tourne la tête vers lui.

— Si. Mais pas de ce dîner.

Un rictus, presque admiratif, soulève le coin de ses lèvres.

— Alors… tu as peur de moi ?

Je soutiens son regard. Trop longtemps.

Puis je détourne les yeux.

La voiture s’arrête devant la villa Marchesi.

Un majordome ouvre la portière. J’inspire, descends la première. Talons qui claquent sur le marbre. Démarche droite. Contrôle absolu. Chaque mouvement étudié. L’agent infiltrée prend la place de la femme.

Je pénètre dans l’antre.

Et le piège se referme.

Sandro

Elle les fait taire.

C’est la première chose que je remarque. Ce silence brutal qui tombe lorsqu’elle entre. Les Marchesi, les Costa, même les vieux rats des clubs de jeu baissent les yeux un instant. Pas par peur. Pas encore. Mais par trouble.

Parce qu’elle détonne.

Elle ne joue pas à la jolie poupée mafieuse. Elle est droite. Glaciale. Et il y a dans ses yeux une lumière que je ne sais pas nommer.

Danger ou loyauté.

Et je ne sais toujours pas pour qui elle joue.

Je les observe. Tous. Puis je les vois.

Marchesi, le patriarche. Froid, méprisant. Ses gestes sont ceux d’un roi sans couronne.

Et Riccardo.

Un visage que je n’aime pas croiser.

Ambitieux. Doux en surface. Froid jusqu’à la moelle. C’est un calculateur, un banquier du crime. Et ce soir, il s’intéresse à elle.

Alba

Je le vois.

Riccardo.

Dans son costume trois-pièces. À parler politique criminelle entre deux verres de vin. Le genre d’homme qui transforme la trahison en art de vivre.

Il me regarde. Insistant. Trop longtemps.

Je soutiens.

Je ne sais pas qui il est. Mais son regard me vrille l’échine.

Un mélange étrange. Dérangeant. Comme si quelque chose en moi se souvenait… sans comprendre.

Il tente un sourire. Je n’en offre aucun. Ce n’est pas le moment.

Marchesi s’approche.

— Sandro. Et vous devez être… la mystérieuse nouvelle recrue.

Il me tend la main.

Je la prends. Ferme. Froide. Je serre un peu trop. Test de dominance. Il réagit à peine, mais je note la tension de sa mâchoire.

— Alba. J’aime voir les monstres de près.

Il sourit. Mais ses yeux me classent déjà.

Nous sommes placés à table. Décor ridicule. Tapisseries vieillottes et verres à vin hors de prix. Tous les convives parlent trop. Ils essaient de me jauger.

Mais moi, je les analyse.

La conversation dévie. Lentement. Jusqu’au moment attendu.

— On dit que vous avez quitté votre ancienne vie avec fracas, glisse un homme à ma droite. Une chirurgienne devenue reine de l’ombre… Ou est-ce une autre légende ?

Je ris doucement.

— Les légendes naissent quand les hommes ont besoin d’expliquer ce qu’ils ne contrôlent pas.

— Et que cherchez-vous ? La gloire ? La vengeance ?

Je repose ma fourchette. Mes yeux fixent les siens.

— Ce que je cherche ? Des noms. Des visages. Des chaînes à briser.

Un silence s’installe. Puis une voix familière, venimeuse, fuse au bout de la table.

Riccardo.

— Toujours aussi théâtrale, on dirait. Vous aimez les grandes phrases.

Je le regarde, tranquille.

— Et vous, vous aimez vous cacher derrière les autres quand ça saigne ?

Je me penche légèrement.

— Vous croyez que vous êtes à l’abri ici ? C’est adorable.

Il pâlit. Et Sandro, calme, glisse lentement :

— Si elle est là, ce n’est pas pour jouer. Elle est là pour reprendre ce qui lui revient.

Un frisson me traverse. Pourquoi ai-je l’impression que ces mots résonnent plus loin que je ne l’avais prévu ?

Sandro

Je vois les fissures apparaître. Les alliés se jaugent. Certains détournent le regard. D’autres enregistrent. Les lignes bougent.

Et Alba… elle se tient droite au milieu du champ de mines.

Ils ne savent pas encore ce qu’elle est. Ce qu’elle est venue faire. Mais ils commencent à comprendre qu’elle ne disparaîtra pas.

Elle est le couteau qui siffle avant l’impact.

Le dîner s’achève.

Un homme m’aborde. Un autre glisse une carte dans le sac d’Alba.

Je note. Je garde tout. Mais c’est elle qu’ils regardent.

Et ils hésitent déjà.

Alba

De retour dans la voiture, je reste immobile.

Ce monde me donne la nausée.

Mais j’y suis entrée. Volontairement.

Je sens Sandro me frôler. Il effleure ma main.

— Tu as été parfaite.

Je retire mes doigts.

— Je n’ai pas fait ça pour toi, Sandro.

— Je sais. Tu l’as fait pour celle que tu étais ?

Je le regarde. Trop longtemps.

Puis je murmure :

— Non. Je l’ai fait pour ceux qu’on enterre en silence. Ceux qu’on oublie.

Je fais ça pour eux. Pour ceux qui n’ont jamais eu la chance de se défendre.

Sandro

Je la regarde entrer chez moi.

Elle ne tremble pas. Ne recule pas. Mais je sens quelque chose sous la surface.

Ce n’est plus juste du feu.

C’est une forme de rage contrôlée. Une volonté plus froide que la mienne.

— Tu veux boire quelque chose ?

— Non.

Elle s’avance. Ses yeux sont calmes. Trop calmes.

— Ce soir, je veux que tu me montres ce que tu vois quand tu me regardes. Pas comme un homme. Comme un ennemi. Comme un allié. Je veux savoir où tu me places.

Je fronce les sourcils.

— Tu veux savoir si je te crois ?

— Non. Je veux savoir si tu me redoutes.

Je m’approche.

Et je comprends.

Ce n’est pas une femme.

C’est un verdict.

Alba

Ce soir, je ne suis pas là pour aimer.

Je suis là pour apprendre ce qu’il cache derrière ses murs.

Et peut-être… pour commencer à les faire tomber.

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