Chapitre 1

« Madame Moreau, après un examen minutieux et une vérification approfondie de votre dossier, il s'est avéré que votre acte de mariage comporte des éléments non conformes : le cachet officiel utilisé est un faux. »

Cette phrase, prononcée d'un ton neutre par la fonctionnaire, a laissé Camille, venue simplement demander un extrait de son certificat de mariage, complètement sidérée et sans voix.

« Ce n'est pas possible… Adrien Caron et moi, nous nous sommes mariés officiellement il y a cinq ans. Je vous en prie, vérifiez encore une fois, peut-être qu'il s'agit d'une erreur administrative… »

La fonctionnaire a alors ressaisi les noms et les dates de naissance dans le système d'état civil.

« D'après les informations affichées, Adrien Caron est bien déclaré comme étant marié… mais vous, madame, vous êtes toujours enregistrée comme célibataire. »

La voix de Camille s'est mise à trembler lorsqu'elle a demandé, avec une angoisse croissante : « Et… qui est la véritable épouse d'Adrien Caron ? »

« Éléna Rohan. »

Camille s'est agrippée au dossier de la chaise, tentant tant bien que mal de rester debout malgré le choc.

Un feuillet couleur ivoire a été glissé vers elle, devant ses yeux, au point de lui provoquer un début de migraine.

Si Camille avait cru à une erreur informatique au départ, le nom « Éléna Rohan » avait balayé en un instant tous les doutes qu'elle tentait encore de nourrir.

Le souvenir du mariage grandiose célébré cinq ans auparavant, l'image du couple amoureux et complice qu'ils formaient depuis, tout cela s'est effondré comme un château de cartes. Leur union, qu'elle croyait être un modèle d'amour et de loyauté, n'avait jamais existé légalement.

Tenant dans sa main tremblante ce faux document dénué de toute validité, Camille est rentrée chez elle, l'âme vide et le cœur brisé.

Au moment précis où elle s'était approchée de la porte avec l'intention de l'ouvrir, elle a entendu une voix provenant de l'intérieur. Il s'agissait de l'avocat de la famille Caron, « Monsieur Caron, cela a fait maintenant cinq ans que vous vivez ainsi. N'avez-vous jamais envisagé d'accorder à votre épouse une reconnaissance légale, un véritable statut aux yeux de la loi ? »

Camille s'est figée, retenant son souffle avec une tension douloureuse.

Après un silence pesant, Adrien a répondu d'une voix basse : « Ce n'est pas encore le moment… Éléna Rohan est toujours en train de se battre à l'étranger pour sa carrière. Elle a besoin du titre de Madame Caron pour pouvoir s'imposer dans un monde des affaires dominé par les puissants. »

L'avocat a ajouté prudemment : « Mais vous ne vous êtes jamais mariés officiellement. Camille pourrait vous quitter à tout moment, sans conséquence légale. »

Adrien, baissant les yeux, a semblé réfléchir longuement. « Éléna m'a donné une fille. Je ferai tout pour les protéger, elle et notre enfant. »

« Et Camille… Elle m'aime trop profondément pour m'abandonner. »

« D'ailleurs, à l'époque, elle avait rompu avec la famille Moreau uniquement pour pouvoir m'épouser. Elle avait tout quitté derrière elle, et aujourd'hui, elle n'a plus aucun moyen de faire marche arrière. »

En plein mois d'août, sous un soleil brûlant, Camille a senti le froid la saisir de l'intérieur, comme si elle était tombée dans un lac gelé.

Elle a brutalement compris, que sa décision d'épouser Adrien contre l'avis de ses parents n'était qu'un pion dans le plan calculé de celui-ci.

Toutes les bizarreries de ces dernières années ont trouvé soudain leur explication.

Le Groupe Caron, qui ne s'était jamais intéressé aux actions humanitaires, a soudainement créé une fondation caritative.

Adrien, qui s'était toujours plaint du bruit que faisaient les enfants, s'est montré d'une tendresse étonnante avec la petite Léa de l'orphelinat.

Il n'était pas étonnant qu'Adrien ait souvent laissé entendre qu'il voulait adopter Léa, puisque Léa était en réalité la fille qu'il avait eue avec Éléna.

Camille a levé les yeux vers le soleil éclatant, puis un vertige l'a saisie brutalement.

Ses jambes ont cédé, son genou a heurté violemment le bord d'une marche en pierre.

Adrien, alerté par le bruit, a accouru à toute vitesse, l'a soulevée dans ses bras et l'a portée à l'intérieur.

Il l'a déposée tout doucement sur le canapé, avec des gestes d'une douceur extrême.

« Camille, est-ce que tu ressens une douleur quelque part ? »

Camille a incliné la tête, son regard fixé sur lui, tentant de percer le mystère derrière ses yeux emplis d'affection : combien de sincérité s'y cachait, et combien n'était qu'illusion. Mais elle n'a jamais réussi à y voir clair.

Adrien, désemparé par son silence, a demandé d'un ton inquiet : « Camille, tu as entendu quelque chose… ? »

Elle a secoué la tête. « Je crois que j'ai fait une insolation. Je me sens faible et j'ai la nausée. »

Visiblement rassuré, Adrien s'est levé pour blâmer le chauffeur.

« Comment as-tu veillé sur madame, toi ? Va à la compta, prends ton salaire de ce mois, et dégage. »

Camille a levé la main. « Non, ce n'est pas sa faute. Il faisait beau et c'est moi qui ai voulu rentrer à pied. »

Adrien s'est agenouillé, a soufflé doucement sur son genou ensanglanté.

« Camille, tu es trop gentille, trop pure. »

Pendant cinq longues années, elle avait vécu dans une illusion, prisonnière du mensonge d'Adrien.

Soudain, elle a saisi sa main. Malgré tout, elle ne pouvait se résoudre à croire qu'il lui avait menti. Peut-être que la mairie avait commis une erreur. Peut-être qu'Adrien ignorait tout.

Alors, accrochant un dernier espoir, elle a murmuré : « Adrien, Choupette a abîmé notre certificat… Et si on allait en demander un nouveau à la mairie ? »

Il a détourné les yeux, visiblement perturbé. « Laisse l'avocat s'en charger. Toi, concentre-toi sur ta santé. »

Camille a fermé les yeux, le cœur brisé, anéantie par la vérité.