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L'ultimatum

Author: Adek
last update Last Updated: 2025-08-13 10:52:59

Idriss sortait à peine du café où il avait rencontré Alia la première fois. Le goût amer de leur dispute lui collait encore à la bouche, et l’éclat de ses yeux furieux continuait de le hanter.

Il avait juré de ne pas donner suite. Pas de mariage, pas d’accord, pas de compromission.

Alors pourquoi, deux jours plus tard, était-il assis dans le bureau impeccablement ordonné de Maître Ravel, le notaire de la famille ?

Idriss croisa les bras, s’affalant légèrement sur le fauteuil en cuir.

— Alors ? J’espère que c’est important, Maître, parce que je ne suis pas là pour parler déco de mariage.

Maître Ravel, un homme aux cheveux poivre et sel toujours parfaitement coiffés, l’observa longuement. Puis il fit glisser un dossier beige sur la table.

— Votre… refus, je le comprends. Mais vous devez savoir quelque chose.

Idriss haussa un sourcil, agacé.

— Vous pensez vraiment qu’un dossier va me faire changer d’avis ?

— Ce n’est pas "un" dossier, Idriss. C’est votre dossier. Celui que conservait le père d’Alia. Et… disons que si ce contenu venait à être utilisé… votre vie pourrait prendre une tournure beaucoup moins agréable.

Le ton de Maître Ravel ne tremblait pas. Ses mots étaient mesurés, presque cliniques.

Idriss, lui, sentit son estomac se nouer.

— Et qu’est-ce que vous insinuez ?

— Rien. Je vous conseille seulement de réfléchir. Le mariage, deux ans… et vous ressortez libre, avec des avantages financiers conséquents. Ou… vous laissez ce dossier entre de mauvaises mains, et croyez-moi, il y a des gens qui paieraient cher pour le voir circuler.

Idriss resta figé quelques secondes, les yeux fixés sur la chemise cartonnée.

Il ne demanda pas à voir l’intérieur. Pas encore. Il savait que si Maître Ravel en parlait ainsi, c’était que le contenu était suffisamment explosif pour ne même pas être feuilleté ici.

Finalement, il se leva, les mains dans les poches.

— Transmettez à Mademoiselle Alia que je veux la voir.

---

Chez Alia, quelques heures plus tard

Le téléphone vibra sur la table basse. Alia leva à peine les yeux de son mug de thé, encore hantée par leur dernière rencontre.

Elle vit le nom s’afficher : Idriss.

— Tss… pour qui se prend-il, lui ? marmonna-t-elle.

Elle laissa sonner. Une fois. Deux fois. Puis, agacée, décrocha.

— Que voulez-vous ?

— Mademoiselle Alia, il faut que nous parlions.

— Ah, maintenant Monsieur veut me parler ? Après m’avoir regardée de haut pendant une heure l’autre jour ? Vous êtes en retard, Idriss.

— J’ai… réfléchi.

Elle rit, un rire sec et sans joie.

— Non merci. Réfléchissez seul. Moi j’ai décidé d’oublier toute cette histoire.

— Écoutez-moi. Ce mariage… je suis prêt à en discuter.

Il y eut un silence au bout du fil. Alia fronça les sourcils.

— Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

— Cela ne vous regarde pas. Pas pour l’instant. Mais si vous voulez sauver ce que votre père vous a laissé, nous devons trouver un terrain d’entente.

Alia serra les dents. Une partie d’elle avait envie de raccrocher. L’autre savait que c’était peut-être sa seule chance.

— Très bien. Une dernière rencontre. Mais si vous refaites votre numéro du prince arrogant, c’est moi qui partirai. Définitivement.

---

Le lendemain, café discret du centre-ville

Alia arriva en avance, vêtue d’un pantalon cigarette noir et d’un chemisier crème. Ses cheveux, parfaitement lissés, tombaient en cascade sur ses épaules. Elle voulait avoir l’air en contrôle, même si ses mains trahissaient une légère nervosité.

Idriss entra cinq minutes plus tard. Costume bleu nuit, montre hors de prix au poignet, regard de marbre. Même en civil, il dégageait cette aura de supériorité agaçante.

Il s’assit, posa son téléphone face contre table et la fixa.

— Deux ans, pas un jour de plus.

— Et pendant ces deux ans, pas d’interférence dans ma vie personnelle, répliqua-t-elle aussitôt.

Il acquiesça.

— Chacun garde sa liberté… sentimentale.

— Et nous divisons clairement les biens. Ce qui est à moi reste à moi. Ce que vous gagnez, vous le gardez.

Il esquissa un demi-sourire.

— Vous êtes plus froide que je ne le pensais.

— Et vous plus condescendant que prévu. On continue ?

Ils passèrent plus d’une heure à poser des clauses : pas d’obligation de cohabitation complète, pas d’apparition publique autre que celles strictement nécessaires, et surtout une sortie propre au bout des deux ans, sans bataille juridique.

Mais au fil des phrases, la tension revenait.

— Pourquoi avez-vous changé d’avis ? demanda soudain Alia, le fixant droit dans les yeux.

— Disons… que j’ai réalisé que refuser n’était pas dans mon meilleur intérêt.

— Traduction : vous cachez quelque chose.

Il haussa les épaules, mais son regard se durcit.

— Nous avons tous nos secrets, Mademoiselle Alia. Et certains valent cher.

— Eh bien moi, mes secrets, je ne compte pas les marier, cracha-t-elle.

— Vous croyez que je suis enchanté de tout ça ? Je vous assure que j’ai mieux à faire que signer un contrat avec une femme qui me déteste déjà.

Alia se redressa, le cœur battant.

— Alors pourquoi êtes-vous là ?

Idriss la fixa un instant, puis lâcha :

— Parce que parfois, nous n’avons pas le choix.

Leurs regards se défièrent longuement. Finalement, elle inspira profondément et tendit la main.

— Deux ans. Et pas un jour de plus.

Il hésita, puis serra sa main.

— Marché conclu… pour l’instant.

Mais alors qu’ils se levaient, un détail troubla Alia : ce bref éclat dans les yeux d’Idriss. Ce n’était pas juste de la contrainte. C’était autre chose. Une peur… ou un secret qui, tôt ou tard, finirait par remonter à la surface.

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