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Chapitre 4 – Là où la peur forge

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-07-13 02:43:35

KIERAN

La salle d’observation est nue , béton brut, néons blafards, murs sans vie. Rien à quoi s’accrocher. Rien à quoi survivre.

Marko entre et Léo se fige.

Je le reconnais, ce moment. Cette seconde où la peur devient physique, tangible, comme un poids sur la cage thoracique. Celle où l’on comprend que les règles du monde ont changé et qu’il n’y a pas de retour.

Le Fantôme s’avance, chacun de ses pas résonne comme une menace.

— Tu sais pourquoi tu es là ? demande-t-il calmement.

Léo garde les yeux baissés. Il tremble. Mais ne répond pas.

— Pas grave. Je vais t’expliquer.

Marko claque des doigts. Une porte s’ouvre au fond. Deux hommes en sortent, encadrant un garçon. Tomas. Plus âgé, plus robuste. Mais le regard vide. Comme si l’intérieur avait été avalé par quelque chose de plus grand, plus noir.

Léo recule d’un pas.

— Voici Tomas. Il avait ta place, il y a deux mois. Il n’a pas su choisir. Il n’a pas su devenir utile.

Tomas est poussé au centre. Un couteau dans la main.

Marko se tourne vers Léo. Lui tend la même arme.

— C’est simple. Tu as deux choix. Soit tu refuses. Et tu meurs, ici, maintenant. Pas demain. Pas dans une semaine. Maintenant. Soit tu fais ce qu’on attend de toi. Tu fais ta part. Tu travailles pour nous.

Léo reste figé.

— Tu veux survivre, pas vrai ? Alors prouve-le. Pas par la violence. Par la décision.

Il marque une pause. Son regard se durcit.

— Je ne veux pas voir comment tu te bats. Je veux voir si tu es capable de faire ce qu’on te demande. Même si ça te dégoûte. Même si tu n’as que quatorze ans. Ici, on n’a pas d’âge. On a des fonctions.

Je serre les poings. C’est pire que d’habitude. Marko veut le briser proprement. Léo n’est pas testé. Il est mis au pied du mur.

— Et si je dis non ? demande enfin Léo, la voix blanche.

Marko s’approche de lui. Lentement. Jusqu’à ce qu’il puisse lui parler à l’oreille.

— Alors je donne l’ordre, et Tomas te plante la gorge. Tu ne seras pas le premier.

Silence.

Le couteau pèse dans ma main. J’aurais voulu ne pas être là. Mais je suis celui qu’on envoie pour les regarder tomber. Ou se redresser.

Je regarde Léo.

Il tremble, mais il lève enfin les yeux. Et je vois dedans… autre chose. Pas seulement de la peur.

Un éclat. Un reste de feu.

LÉO

Je ne comprends pas comment on peut en arriver là.

Il m’a mis un couteau entre les mains.

Il m’a dit : tue ou meurs.

Pas de détour , pas de ruse.

Tomas est en face. Il ne me connaît pas. Il ne veut pas me faire du mal. Mais s’il reçoit l’ordre, il le fera. Parce qu’il est déjà à moitié mort. Et qu’il obéit.

Je regarde Kieran. Je veux qu’il dise quelque chose. Qu’il m’arrête. Mais il ne bouge pas.

Je suis seul.

Et Marko le sait.

— Alors ? dit-il. Tu veux vivre ?

Je veux hurler que oui. Que je veux vivre, bordel. Mais pas comme ça. Pas en devenant un pion. Pas en perdant ce qu’il me reste.

Je prends une inspiration. Le couteau tremble entre mes doigts.

Tomas bouge.

Il ne me frappe pas. Il me teste.

Je bondis en arrière. Il recommence. Plus vite cette fois. Sa lame racle mon bras. Je sens la douleur. Le sang. J’étouffe un cri.

Je recule. Je tombe. Mon cœur cogne à m’en briser les côtes.

Je ne veux pas mourir.

Je ne veux pas devenir un monstre.

Alors je me relève. Je serre la lame. Je ne pense plus.

Je bouge. Je le bouscule. Il tombe.

Il est à terre. Il ne bouge pas.

Je le vise. Je pourrais le faire.

Mais je m’arrête.

— Non, je souffle. Je veux vivre. Mais je ne suis pas un tueur.

Je me retourne vers Marko.

Je crois que je viens de signer mon arrêt de mort.

Mais il me fixe. Son visage ne trahit rien.

Puis il dit, très calmement :

— Alors tu travailleras pour nous.

Je reste figé.

— Quoi ?

— Tu n’as pas tué. Mais tu as choisi. Tu t’es levé. Tu as fait face. Tu as mis ta vie dans la balance. C’est assez… pour aujourd’hui.

Il fait un signe à Kieran.

— Emmène-le dans l’aile Est.

Je ne comprends toujours pas. Je devrais être soulagé. Mais tout me semble faux. Comme un piège. Comme un test en deux étapes.

Je me tourne vers Kieran.

Et là, dans son regard, je vois quelque chose que je ne comprends pas tout de suite.

Ce n’est pas de l’admiration.

C’est de la mémoire.

KIERAN

Il a tenu.

Pas comme les autres. Pas en frappant. Mais en tenant.

Marko appelle ça une faiblesse. Moi, je sais ce que ça vaut.

Je me souviens du jour où c’est arrivé pour moi. La lame. Le choix. Le vide. J’ai choisi de frapper. Pas parce que je voulais. Parce qu’on m’avait déjà tout pris.

Lui, il a encore un bout de lui-même. Et il s’y accroche.

Je pose une main sur son épaule.

— Viens, je murmure.

Il me suit , car c'est tout ce qu'il lui reste à faire . Mais que ferait-il sinon ?

Et moi ? Moi, je recommence à croire que peut-être, ce gosse-là, il va survivre. Pas juste physiquement.

Peut-être qu’il va nous survivre à tous.

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