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Chapitre 5 — Là où l’ombre vacille

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-07-13 02:47:41

Marko

Je le vois , ce petit , toujours lui . 

Une silhouette fragile au milieu d’un monde brutal. Une présence inattendue qui trouble l’ordre immuable de ma vie . Quand il passe près de moi, c’est comme si l’air se chargeait d’électricité, et cette étincelle me brûle de l’intérieur.

Je suis Marko , le chef des chefs. Celui devant qui on s’incline sans un mot, celui dont le regard suffit à briser des montagnes, à faire trembler des empires. Je suis le maître des ombres, le roi des ruines. Je n’ai jamais laissé quoi que ce soit m’atteindre . Jamais ! 

Et pourtant, ce petit me trouble. 

Je devrais le haïr , le mépriser , le considérer comme un insecte insignifiant, un grain de poussière que l’on balaye sans pitié.

Mais non.

Il s’est installé dans mon esprit comme un poison lent, une mélodie obsédante qui refuse de s’éteindre.

Je me surprends à repenser à sa voix, douce et tremblante, à ses gestes maladroits, à la façon dont il détourne les yeux, cherchant à cacher ce feu étrange qui brûle derrière ses pupilles.

Je sens mon cœur se serrer quand je me rappelle ce regard, à la fois défiant et vulnérable. Un mélange explosif qui me désarme.

Je ne suis pas ce genre d’homme. Je ne connais pas cette faiblesse.

Je ne suis pas gay , jamais !

Le pouvoir, la domination, les femmes voilà ce qui a toujours rythmé ma vie. Ce sont mes armes, mes refuges, mes certitudes.

Alors pourquoi, pourquoi est-ce que ce simple gamin, ce petit être fragile, fait trembler mes murailles intérieures ?

Chaque fois qu’il est là, chaque fois que son ombre croise la mienne, je sens mon corps tout entier se tendre comme un arc prêt à rompre. C’est une alerte, une confusion, une tentation à laquelle je refuse de céder.

Je déteste cette faiblesse qui s’installe sournoisement. Je déteste ce sentiment qui me fait vaciller.

Je m’enferme dans mon bureau, dans cette forteresse de verre et d’acier où le silence est roi.

Je serre les poings, les phalanges blanchies par l’effort.

Je me bats contre ce chaos intérieur.

Mais cette lutte me consume.

Leurs voix, leurs regards, les murmures dans les couloirs tout cela devient un vacarme infernal quand il est près de moi.

Je ne peux pas me permettre d’aimer, pas dans mon monde.

Je ne peux pas perdre le contrôle, pas devant lui.

Et pourtant, je ne peux plus le fuir.

Il est là. Toujours là.

Et je sais, au fond de moi, que je ne pourrai jamais l’oublier.

Je ferme les yeux, je respire profondément.

Mais quand je les rouvre, c’est encore lui, toujours lui, ce petit qui fait vaciller l’ombre.

Je ne peux pas rester là, à me débattre dans ce feu intérieur qui me consume. Cette faiblesse, ce doute, cette putain d’obsession qui me ronge.

Je dois oublier. Je dois m’éteindre.

Je serre le poing, furieux contre moi-même, contre ce foutu gamin qui s’est immiscé dans mon esprit.

Alors je fais ce que je sais faire quand tout devient trop lourd.

Je décroche mon téléphone. Mes doigts tremblent à peine.

— Envoie-moi quelqu’un. Une fille. La meilleure. Celle qui sait comment me faire du bien .

Pas de place pour la tendresse, pas de place pour les sentiments. Juste un besoin viscéral d’oublier.

Je sens déjà la chaleur me monter aux tempes, le rythme de mon cœur qui s’emballe.

Je veux cette nuit de néant. De corps froids et de baisers sans âme. De gestes mécaniques qui brûlent sans laisser de trace.

Je ne veux pas penser. Je ne veux pas sentir.

Quand elle arrivera, je la réduirai à une simple machine, une distraction passagère, un outil pour éteindre le feu.

Mais au fond, je sais.

Je sais que rien ne peut noyer ce qui me déchire.

Je sais que ce petit est là, dans chaque battement, dans chaque souffle.

Alors je me prépare.

Je me nettoie, je m’habille.

Je me fais violence.

Je ferme la porte de mon bureau.

Et j’attends.

La porte s’ouvre sur un soupir, un frôlement presque imperceptible, mais qui résonne comme une invitation dans la pénombre de mon bureau. Elle glisse à l’intérieur, silhouette longiligne, robe noire satinée épousant ses formes avec une précision calculée. Ses talons claquent doucement sur le parquet, cadence lancinante qui emplit l’espace d’une tension palpable.

Un parfum âcre, doux, entêtant, s’insinue aussitôt dans mes narines, s’accroche à ma peau, comme une caresse invisible, une promesse silencieuse. Je la détaille du regard, froid, impassible. Pas un mot. Pas un geste. Rien qui trahisse la moindre faiblesse.

Je suis venu ici pour une seule chose : oublier , m’oublier , l’effacer.

Elle avance, dégageant une assurance parfaite, conquérante, le regard droit, franc, perçant. Elle connaît son rôle. Elle a vu mille hommes comme moi. Elle ne cherche ni pitié ni connexion. Juste le paiement et l’obscurité.

Je ferme les yeux, inspire longuement. Je cherche la faille, je cherche la paix, mais ce chaos incessant tourbillonne en moi, me déchire. Elle s’approche, délicate, presque silencieuse. Je sens sa respiration, son souffle chaud qui vient caresser ma peau.

Mes paupières s’ouvrent.

Elle est là, à portée de main, de chair, de désir.

Je la saisis avec une urgence désespérée, brutale. Pas de tendresse, pas de douceur. Juste la faim crue d’un homme qui veut s’oublier, qui veut s’engloutir dans un autre corps, dans un autre souffle.

Ses mains glissent sur moi, apprivoisent mes muscles tendus, mes lignes dures, comme si elle voulait lire l’homme derrière la façade. Mais je ne suis qu’une armure, un bloc de glace et de feu.

Je la repousse contre le mur, ses ongles tracent des sillons légers sur ma peau nue, tandis que mes lèvres s’égarent, mordent, brûlent, cherchent à faire taire la voix intérieure qui crie son nom , mais je ne l'embrasse pas ...non !

La pièce résonne de nos souffles haletants, de ces soupirs rauques, de ces corps qui s’empoignent dans un chaos parfait.

Je sens mon corps répondre malgré moi, une alchimie brutale qui me dépasse, qui me consume.

Ses doigts s’égarent, explorent, réveillent des frissons que j’avais enfouis loin, trop loin.

Mais dans chaque geste, dans chaque mouvement, dans chaque grognement étouffé, il y a ce vide qui hurle au fond de moi.

Ce vide qu’elle ne pourra jamais combler.

Elle me rend fou, m’épuise, me déchire.

Je me perds dans ses courbes, dans son odeur, dans la brûlure de sa peau contre la mienne.

Je veux que ça s’arrête. Je veux que ça continue.

Le paradoxe me dévore.

Je m’abandonne à cette danse sauvage, à cette tempête de chair et de douleur.

Le temps suspend son vol.

Le monde s’efface.

Je ne suis plus que lui, et l’ombre qui vacille en moi.

Quand la nuit s’achève, que ses doigts quittent enfin ma peau, que sa silhouette disparaît dans l’obscurité, il ne reste plus que moi.

Seul , brûlant , fou.

Et incapable d’oublier.

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