Chapitre 3 — La grossesse

Quelque chose n’allait pas. Merliah le sentait dans chaque fibre de son corps.

Les nausées matinales.

Les vertiges soudains.

L’irritabilité étrange.

Et cette fatigue, lourde comme du plomb, qui collait à sa peau comme une ombre.

Elle se disait que ce n’était rien. Le stress du travail. La pression. Le choc d’avoir John aussi proche, aussi silencieusement présent. Mais une peur irrationnelle commençait à s’installer.

Jusqu’au jour où elle franchit enfin le seuil d’un cabinet médical. Un test. Quelques mots froidement clairs. Et puis...

"Félicitations, Mademoiselle. Vous êtes enceinte de cinq semaines."

Le monde de Merliah bascula. Son cœur cessa de battre l’espace d’un souffle.

— Impossible… murmura-t-elle. C’est… une erreur.

Mais ce n’était pas une erreur. L’enfant était là. Un battement de vie fragile, contre toute logique, contre toute attente.

Et dans ce vertige, un visage surgit, imprégné dans sa mémoire :

John.

Plus tard, pour se changer les idées, Merliah accepta l’invitation de Bill, son ami d’enfance. Toujours là. Toujours fidèle. Peut-être trop.

Ils se retrouvèrent dans un petit café discret. Mais dès qu’elle entra, elle sentit son regard. Plus insistant qu’avant. Plus chargé. Bill la dévorait des yeux comme un homme qui se retenait depuis trop longtemps.

— Tu vas bien ? demanda-t-il, le ton doux, mais inquiet.

Elle hocha la tête, un peu pâle.

— Fatiguée, c’est tout.

Il fronça les sourcils.

— Tu as l’air ailleurs, Merliah. Et ces cernes… je m’inquiète.

Elle tenta de sourire. Mais au fond, elle bouillonnait. Elle portait une bombe sous la peau, un secret qui grandissait en silence.

Puis Bill prit une inspiration profonde.

— Merliah, je voulais te dire quelque chose. Depuis longtemps.

Elle leva les yeux, attentive.

— Je t’aime, Merliah. Pas comme un ami. Depuis des années. Je n’ai jamais eu le courage de te le dire. Mais aujourd’hui, je devais.

Elle resta figée, le souffle coupé. Comme si un deuxième choc venait de l’atteindre en pleine poitrine.

Mais elle n’eut pas le temps de répondre.

John entra.

Il fendit la salle comme un fauve en territoire conquis. Son regard se planta dans celui de Merliah. Un regard qui disait : Tu m’échappes encore une fois ? Essaye seulement.

— Merliah, dit-il d’une voix calme mais tranchante. Il faut qu’on parle.

Elle se leva instinctivement, mal à l’aise.

— Bill, je suis désolée. Je dois y aller…

John se tourna vers son rival, lui tendit la main.

— John Sperk. Le patron de Merliah. Et vous êtes… ?

— Bill. Son ami.

Le ton était tendu. L’air entre eux devenait électrique.

— Venez, Merliah, dit John. Ce ne sera pas long.

Dehors, dans la rue, John se rapprocha d’elle, le regard brûlant.

— Alors c’est lui, hein ? Cet ami dévoué ? Tu as des sentiments pour lui ?

— C’est ridicule, John. Ce n’est pas ce que tu crois.

— Je crois seulement ce que je vois, répliqua-t-il froidement.

Mais à quelques pas derrière eux, Bill les avait suivis. Et il n’allait pas se taire.

— Tu crois que tu peux la contrôler, c’est ça ? lanca-t-il à John. Tu l’as embauchée pour la garder sous surveillance. Tu veux posséder ce que tu ne comprends pas.

John se retourna lentement, son regard noir de colère.

— Tu ne sais rien de moi.

— Je sais que tu lui fais peur.

Merliah intervint, la voix tremblante.

— Stop. Arrêtez tous les deux.

Les deux hommes la regardèrent, stupéfaits.

— Je ne veux pas de relation. Ni avec toi, Bill. Ni avec toi, John. Je veux juste… respirer.

Un silence de plomb s’abattit.

John, le visage dur, ravala sa fierté.

— Très bien, dit-il d’un ton tranchant. Je respecterai ta décision.

Bill, lui, posa doucement la main sur l’épaule de Merliah.

— Je veux juste que tu sois heureuse.

Mais à cet instant précis, le téléphone de Merliah sonna.

Elle décrocha.

— Mademoiselle Merliah ? Ici le docteur Elman. Vos résultats sont prêts. Nous devons discuter. C’est... important.

Elle sortit du champ de vision des deux hommes pour écouter. Et le choc fut brutal.

— Vous êtes enceinte.

Et selon les données fournies... le seul moment possible correspond à votre nuit avec M. Sperk.

Merliah raccrocha, les mains glacées.

C’était l’enfant de John.

Elle ne pouvait pas lui dire. Pas maintenant. Elle devait fuir.

Sans un mot, elle tourna les talons et s’enfuit.

John, surpris, tenta de la suivre, mais elle avait déjà disparu. Dissoute dans la foule.

Elle courut jusqu’à ce que ses jambes cèdent. Se réfugia dans un hôtel minable. Paya en liquide. Ferma la porte à double tour.

Le monde s’écroulait autour d’elle, mais son ventre, lui, battait un rythme différent.

Un cœur. Un futur. Un choix.

Pendant ce temps, John remuait ciel et terre. Il la voulait. Non plus par désir. Mais par obsession.

Et au fond, il sentait que Merliah ne lui avait pas tout dit.

Et il était prêt à tout pour le découvrir.