All Chapters of À l'ombre du parrain : Chapter 71 - Chapter 80

DanteElle ne tremble pas.Mais moi, si.Je lis ce nom.Et je comprends.Je comprends que le feu n’a pas fini de nous consumer.Et que cette fois… il va nous brûler vivants.Parce que le prochain nom sur cette liste… c’est un morceau de nous.Et il va falloir le sacrifier.Ou s’y perdre à jamais.IsmaelLe nom reste coincé entre mes doigts.Comme une lame.Je le regarde encore. Et encore. Peut-être que les lettres vont changer, peut-être que le papier va s’effacer, peut-être que c’est une mauvaise blague.Mais non.C’est écrit là, noir sur blanc. Comme une sentence.Je lève les yeux vers Elena. Elle ne cligne même pas. Elle attend. Que je parle. Que je hurle. Que je refuse.Mais je reste muet.Parce qu’au fond, je savais.Depuis longtemps.Je l’ai vu dans ses absences, dans ses silences. Dans la façon qu’il avait de détourner le regard chaque fois qu’on évoquait les débuts, les camps, les premiers morts.On s’est raconté tellement de mensonges.Mais il y a des vérités qui collent à la

ElenaJe reste dans la voiture, les mains crispées sur le volant, les doigts blanchis par la pression. La pluie s’abat sur le pare-brise, créant une mélodie morne et continue, comme une litanie de tristesse qui résonne dans ma tête. J’essaie de me concentrer sur ce bruit, sur la froideur de l’air qui entre par la vitre mal fermée, pour ne pas penser. Mais c’est impossible.L’attente. C’est ça qui me ronge. L’attente d’un mot, d’un geste, d’une décision qui pourrait changer le cours de nos vies. Mais ce soir, il n’y aura pas de miracles. Seulement la réalité, crue et brutale.Je jette un coup d’œil dans le rétroviseur. Les phares d’Ismael et Élias s’éloignent alors qu’ils rentrent dans la maison, ce lieu étrangement paisible qui semble incongru au milieu de tout ce chaos. Une maison qui pourrait presque sembler normale, si l’on oubliait ce que nous y avons laissé.Un frisson me traverse. Je serre les dents, refusant de laisser la peur m’envahir. Parce que si je cède, tout s’écroule. Si

DanteLe silence s’est installé entre nous comme un voile fragile, mais il est lourd de non-dits et de blessures à peine cicatrisées. Elena dort encore contre moi, sa respiration lente et régulière me rappelle que, malgré tout, la vie continue. Moi, je reste éveillé, perdu dans mes pensées, tiraillé entre le poids du passé et l’espoir ténu d’un avenir.Je repense à la conversation d’hier soir, aux mots qui ont été chuchotés, à la chaleur fugace de sa tête posée sur mon épaule. Ce geste simple, mais chargé d’une promesse silencieuse, m’a bouleversé plus que je ne l’aurais cru. C’est dans ces petits moments, hors du tumulte, que je mesure l’étendue de ce que nous portons en nous : cette douleur sourde, cette fatigue, mais aussi ce besoin désespéré d’être compris, de ne pas rester seuls face à l’obscurité.Je me lève doucement, pour ne pas la réveiller, et marche vers la fenêtre. Dehors, la ville s’étire encore sous un ciel d’un bleu profond, parsemé d’étoiles pâles. L’air frais entre pa

iseElenaIl ne reste plus rien entre nous.Plus de masques.Plus de retenue.Juste cette vérité brute, étalée sur notre peau encore brûlante de l’étreinte, ce souffle partagé qui s’entête à lier nos corps même lorsque le calme revient.Mais ce calme est un leurre.Car sous la surface de sa tendresse, sous chaque geste délicat qui effleure ma peau comme une prière muette, gronde encore le feu qu’il a allumé en moi. Une faim. Une urgence. Un vertige qui ne s’est pas apaisé. Pas vraiment.Je le regarde, couché à mes côtés, les mèches sombres collées à son front, le regard enfiévré, perdu quelque part entre le soulagement et la dévotion. Sa main sur mon ventre trace des cercles lents, presque innocents. Mais il n’y a plus d’innocence entre nous. Plus depuis que nous avons franchi cette frontière invisible qui sépare le désir du besoin, la caresse du serment.— Regarde-moi, dis-je dans un souffle.Il le fait. Et tout chavire.Son regard est une tempête. Un orage de désir et de doutes, d’e

ElenaLe silence qui a suivi sa dernière phrase est plus lourd que tout ce que j’ai connu.Il n’a pas de forme, pas de cri, mais il emplit tout l’espace.Je reste droite, le drap serré contre moi, mais c’est en moi que tout tremble. Mes muscles. Mon souffle. Mon cœur. Ce regard qu’il a eu en lisant la lettre… ce n’était pas de la peur. Pas vraiment. C’était pire. C’était la reconnaissance d’un mal ancien. Une lame qu’on pensait avoir jetée, et qui revient, couverte de sang séché. Une blessure refermée qui se rouvre d’un seul mot.Sofia s’est avancée. Elle ne m’a pas quittée des yeux. Il y a dans sa posture une tension contenue. Comme une louve prête à bondir.— Ce n’est pas une simple provocation, dit-elle. Il y avait aussi ceci.Elle tend un autre feuillet à Dante. Il le prend. Lentement. Comme s’il manipulait une grenade sans goupille. Je vois ses doigts se crisper autour du papier. Il ne le lit pas à voix haute. Mais je vois ses mâchoires se contracter. Ses tempes se creuser. Une v