Kalinda escalada le mur d’enceinte en utilisant ses mains d’assassin. Il faudrait qu’elle pense à remercier son amie Lindless pour ce prêt à son retour. Ces sortes de prothèses, solidement fixées à ses poignets, épousaient comme une seconde peau épaisse le dos de ses propres mains. Elles palliaient avantageusement son impossibilité de se servir de sa magie depuis qu’elle avait pénétré en territoire ennemi.
Dotées de griffes rétractiles, elles faisaient plus communément fonction d’armes de défense. Elles étaient néanmoins bien pratiques pour vaincre les obstacles les plus hauts sans se faire remarquer. Avec elles, se faufiler au cœur du royaume des Fées devenait presque un jeu d’enfant.
Agile comme un chat, la jeune
Incapable d’obtenir la réponse à cette nouvelle question, elle quitta à son tour de sa cachette. Impressionnée par le réalisme de l’aigle de jaspe sculpté, elle s’approcha lentement de l’autel pour regarder dans le coffret d’argent ciselé. Comme elle s’y attendait, un seul anneau reposait maintenant sur un coussin de soie. Baigné par la lumière lunaire, l’éclat de son or blanc chatoyait doucement. La délicatesse des motifs feuillus qui le composait suscita son admiration, et elle tendit la main avec une pensée déférente pour l’orfèvre qui avait façonné ce joyau. La bague était réellement magnifique. Infiniment plus belle que toutes celles qu’elle avait pu voir jusque-là. Les Fées avaient véritablement le don de d&eac
Joachim jubilait. En tant que membre consultatif du Grand Conseil, sa présence s’avérait souvent indispensable pour discuter de points de détails confidentiels. Il avait donc été tout naturellement convié à la réunion impromptue qui avait suivi l’annonce du report du mariage entre Aëlwenn et Pierre. Généralement, il adorait jouer les éminences grises, mais là, c’était plus son triomphe personnel qu’il espérait secrètement goûter. Comme l’immense majorité des invités, il avait appris la nouvelle par courrier spécial. Durant la nuit, un Mage Gris avait poussé l’audace jusqu’à s’introduire au sein du temple pour dérober les anneaux nuptiaux. Un affront qui ne resterait pas impuni, mais qui transformait en déconvenue monumentale ce qui augurait comme un jour de liesse. Simuler la surprise, feindre l’indignation avait été d’autant plus facile pour Joachim, qu’un élément imprévu était venu s’immisce
Accroupie derrière la balustrade de la galerie qui courait en haut de l’un des murs de l’allée centrale, Kalinda ne perdait pas une miette de ce qui se passait au-dessous d’elle. Cette réunion extraordinaire tombait fort à propos pour la tenir informée de l’avancée des recherches menées par ses adversaires. Elle aurait ri de leur échec et de leur incompétence, sans la découverte du piège évoqué par la future mariée. Cette histoire de charme l’inquiétait. Elle aurait dû se douter que des bijoux aussi magnifiques ne s’offraient pas impunément au premier venu. Si au moins elle savait à quoi elle devait dorénavant prendre garde. L’expression suspicieuse, elle regarda l’anneau à son doigt. Tout à coup, la facture exceptionnelle d
La bienveillance dont Aëlwenn faisait preuve envers Anaël n’étonnait pas Joachim. Elle agissait souvent ainsi avec les plus vulnérables. Autrefois, elle avait longtemps adopté la même attitude à son égard. Ce rappel à sa propre histoire éveilla sa jalousie, et il en voulut presque à l’orphelin d’occuper une place qui, un temps, avait été la sienne. Bien loin de se douter de cette ambivalence de sentiments, le jeune Fée promenait son doux regard bleu de façon un peu perdue sur l’assemblée. Depuis ses faits d’armes, Pierre était devenu son héros. Il comprenait mal le ressentiment du Grand Conseil à l’encontre d’un humain qui avait pourtant évité qu’une partie du royaume ne soit envahie. — Mais Pierre a amplement prouvé son dévouement envers nous, osa-t-il ajouter, en s’adressant piteusement à Almane, avouant ainsi son admiration. — C’est exact, Anaël. Mais Pierre
Joachim suivit sa mère des yeux jusqu’à ce que cette dernière disparaisse dans le hall d’entrée avec le reste du groupe. Son attitude le désorientait. Walina l’avait habitué à ses façons distantes en public, mais pas à une telle indifférence lorsqu’il faisait appel à elle. Depuis son adoption, elle avait toujours manifesté à son égard une corde sensible, dont il usait et abusait régulièrement pour se faire pardonner ses frasques. Or là, elle venait purement et simplement de lui tourner le dos en négligeant sa question muette. À ses côtés, Aëlwenn et Pierre conservaient un silence inquiétant. Plus les secondes passaient, et plus il devenait évident qu’ils attendaient que l’immense pièce soit vide avant de l’entretenir. Pour une des rares fois de sa vie, Joachim était incertain sur la conduite à tenir. Il plaqua néanmoins un masque d’innocence sur son visage lorsqu’il leur fit face. &nbs
« Ne jamais sous-estimer la force d’une Fée en colère », nota Joachim, à demi assommé par la brutalité du choc. La rapidité des mouvements de son ancienne maîtresse l’émerveillait, même s’il se serait passé de devenir sa cible. Les doigts largement écartés, sa belle écrasaient sa poitrine d’un étau invisible, alors que sa paume demeurait à une bonne vingtaine de centimètres de son pourpoint. Plus inquiétante, une boule de givre aux petites aspérités acérées comme du verre venait de se former dans son autre main. Celle-ci se positionnait dangereusement près de sa gorge et un froid mordant le glaçait. Immobilisé, menacé, et proche de claquer des dents, le jeune Mage n’en menait pas large. Réagir de façon similaire était totalement déconseillé. Il ne faisait pas le poids. Il ne lui restait plus que la parole pour répliquer, mais Aëlwenn le clouait contre la pierre en lui coupant le souff
Les deux hommes se jetèrent un regard aussi circonspect que contrarié. Devant leurs mines déconfites, Aëlwenn eut un sourire à la fois désolé et amusé. — C’est absolument indispensable ? s’enquit Joachim, en toisant son rival d’un œil hostile. Il espérait que son animosité découragerait la Fée de Noël, mais à sa grande déception, celle-ci ne se fâcha pas. — La façon dont je viens de me comporter avec toi ne me laisse pas le choix, Joachim. Si tu souhaites arriver vivant jusqu’à Sylfinata, il va falloir te plier à l’autorité de Pierre. Rassure-toi, sa fonction de Passeur le rend totalement fiable pour cette mission. Il a acquis l’expérience nécessaire à mes côtés pour voyager en Féérie, et il se montre plutôt doué. Quoi que tu en penses. — Et tu ne redoutes pas que je le transforme en grenouille ? la provoqua-t-il d’un air acide. &
Cela faisait maintenant trois jours que Kalinda filait Pierre et ses compagnons. Sitôt les faubourgs de la ville franchis, elle avait ôté la longue chasuble couleur de miel qui dissimulait ses vêtements passe-muraille. Sanglée dans son costume gris, elle retrouvait avec bonheur une liberté de mouvement bien utile pour se mettre à couvert à la moindre alerte. Elle demeurait à distance, mais l’instinct, ou la force de l’expérience, poussait le mage blanc à se retourner régulièrement. Moins pointilleux pour surveiller le terrain, le Passeur avançait à travers la forêt d’un bon pas. Il semblait soucieux de rejoindre rapidement sa destination, ce qui avantageait Kalinda. Son prisonnier le suivait avec une bonne volonté évidente, sans doute conscient que de sa collaboration dépendait le retrait de l’anneau et l’annulation du sort rattaché à celui-ci. Fermant la marche,