Share

Chapitre 3

Author: Abelone Blaise
« Je... je signe. » Ces mots me sont parvenus péniblement, arrachés par l'instinct de survie.

À cette réponse, l'expression de Gwenaël s'est adoucie enfin.

Il m'a servi un verre d'eau tiède, m'a administré mes médicaments, et avec une sollicitude calculée, a ajouté même un sucre.

Mais cette charité soudaine ne m'a soulevé que le cœur.

Lorsque les médicaments ont fait effet, je me suis précipitée vers les débris épars de la photo, submergée par une douleur viscérale.

Les mains tremblantes, j'ai ramassé chaque fragment, puis les ai serrés délicatement dans un sachet que j'ai glissé dans ma valise.

Ma mère nous avait quittés tôt, emportée par une crise cardiaque congénitale.

À l'époque, mon père venait tout juste de lancer son entreprise. Sans argent pour la soigner, il en gardait éternellement la culpabilité. Plus tard, quand mon propre diagnostic était tombé, le même mal héréditaire, il s'était tué à la tâche pour me garantir les meilleurs soins. C'était une rédemption et une assurance, il le disait souvent.

Le destin était ironique. Cette course effrénée lui avait coûté la vie. Avant de mourir, il avait confié ma protection et les rênes de l'entreprise à celui qu'il croyait le plus loyal : Gwenaël.

Et voilà comment cet homme me protégeait. Il ignorait ma souffrance et ironisait même : « C'était qu'une stupide photo ! Tu dramatises ! »

Rangeant les précieux fragments, j'ai levé vers lui un regard vidé de toute émotion : « Ma mère détestait être photographiée. Mon père était toujours au travail. C'était notre seule photo ensemble. »

Il a eu un mouvement de surprise, se mordant la lèvre : « Je... je savais pas. Tu ne m'en avais jamais parlé. »

Mon regard glacé l'a traversé sans même chercher à répondre.

Par quelque sentiment hypocrite, il m'a relevée du sol et m'a conduite jusqu'au lit. Voyant que je gardais les yeux baissés, refusant de le regarder, il a semblé réaliser l'excès de sa violence. Sa main s'est approchée de ma joue dans un geste qui se voulait apaisant.

Je l'ai repoussé d'une claque sèche.

Son visage s'est assombri instantanément. Renonçant à toute consolation, il a pris mon attitude pour un caprice puéril. Brandissant à nouveau le contrat et le stylo, il a ordonné : « Signe, et je te promets de faire restaurer cette photo. »

Cette fois, point de discussion. J'ai saisi calmement le stylo et ai tracé mon nom sur le document.

Vraiment, cette alternance de coups bas et de fausses douceurs me donnait la nausée.

S'il avait choisi la négociation dès le début, j'aurais signé sans heurt. Après tout, la fortune était déjà à l'abri à l'étranger, ce contrat ne lui vaudrait qu'une coquille vide.

Mais cette extrémité dans la manipulation ? Cette brutalité calculée ? Ignorait-il donc qu'un contrat signé sous menace n'avait aucune valeur légale ?

Enhardi par ma soumission, il a enchaîné : « Notre mariage est demain. Allons nous inscrire dès aujourd'hui à la mairie ? Ainsi tu seras officiellement mon épouse. »

Ah... Le mariage. Le contrat n'était donc que la première étape.

Son regard brillait d'un calcul trop évident, malgré les simagrées d'un amoureux éperdu.

J'ai levé les yeux pour lui faire face : « C'est donc ça ? Une fois mariés, tout cela deviendrait une simple dispute conjugale, n'est-ce pas ? »

« Tu persistes dans cette humeur ? » Gwenaël a froncé les sourcils, irrité par ma résistance, « Je n'ai agi que par inquiétude ! D'ailleurs, une fois unis, mes biens seront tiens ! Pourquoi tant d'hésitation à signer ? Si tu m'aimais vraiment, tu n'aurais pas vendu tes parts dans mon dos ! »

« Le mariage est une union, et pourtant tu m'as spoliée. Cette épreuve n'est que la juste sanction de ta trahison. »

Je voulais riposter, mais il m'a imposé son contact, caressant mes cheveux avec autorité avant de saisir mon visage entre ses mains. Son regard s'est fait intense, presque convaincant : « Je ne t'aurais jamais laissée mourir. C'est donc toi la fautive. »

Ces mots m'ont achevée. Je me suis affaissée sur le lit, vidée de toute énergie pour discuter.

Comment avais-je pu ne pas voir son vrai visage plus tôt ?

À nos débuts, il se montrait attentionné : il m'accompagnait à chaque examen médical, bravait la pluie pour mes médicaments, interrompait son travail à mon premier appel. Ajoutant à cela l'estime de mon père... J'avais foncé tête baissée.

Mais aujourd'hui, après Myriam, les écailles me sont tombées des yeux : sa gentillesse n'était que calcul. Et sa cruauté grandissante ? Née de mes concessions répétées !

Gwenaël, excédé par mon silence, a lâché enfin : « Puisque la mairie te déplaît, tu resteras ici jusqu'au mariage. »

Je n'ai compris qu'au clic de la serrure. Bondissant du lit, je me suis précipitée vers la sortie. J'ai secoué la poignée et ai frappé à la porte avec une violence désespérée : « Gwenaël ! Tu m'enfermes par peur que je porte plainte ? Je ne le ferai pas ! Ouvre cette porte ! »

Mon vol allait décoller ! Je voulais pas une putain de minute à perdre ici, pas cette mascarade avec de type !

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • Au bout du Mensonge   Chapitre 19

    Cette demande en mariage aussi soudaine qu'inattendue m'a laissée sans voix.Le temps a semblé s'arrêter. Je suis restée plantée là, immobile comme une statue, le regard rivé sur le visage de Dylan où se lisaient à la fois l'espoir et l'appréhension.Il mordait sa lèvre avec une détermination farouche, comme s'il avait rassemblé tout son courage pour prononcer ces mots, malgré la peur qui devait le tenailler.Enfin, sous son regard empli d'attente et de nervosité, j'ai acquiescé doucement, réussissant à extirper de ma gorge un simple : « D'accord. »Ce bref consentement a semblé m'avoir vidée de toute mon énergie.Une fois la décision prise, mon esprit s'est apaisé progressivement et j'ai commencé à envisager notre avenir. Ces derniers mois, à travers toutes ces épreuves, j'avais mûri. Je savais désormais qu'en étant vraiment indépendante et forte, je n'avais plus à craindre les blessures que pouvait infliger l'amour.Dylan m'a enlacée comme si j'étais un trésor fragile. Je pensais qu

  • Au bout du Mensonge   Chapitre 18

    Au moment où l'un d'eux a avancé sa main baladeuse vers ma poitrine, j'ai sorti mon taser sans hésiter et l'ai enfoncé violemment sur lui. Profitant de leur stupeur, j'ai enchaîné rapidement sur les quatre autres.Les hommes se sont effondrés un à un, gémissant et se tordant de douleur sur le sol.Sans réfléchir, j'ai saisi mon téléphone pour appeler la police. Peu importait qui les avait envoyés, les forces de l'ordre sauraient régler cette affaire.Au même moment, Dylan a consulté son portable et a découvert mon message. En lisant que j'allais le chercher, il s'est mis à fanfaronner devant ses amis :« Vous voyez ça ? Ma chérie vient me chercher ! »« Alors, la jalousie vous ronge, les célibataires ? »Un de ses proches amis lui a donné un coup de coude : « Eh ! Tu exagères avec tes démonstrations amoureuses, hein ! »Un autre a grogné : « Arrête de frimer, on finira bien par trouver quelqu'un nous aussi ! »Riant comme un gamin, Dylan a sauté hors de sa voiture de course et a déclar

  • Au bout du Mensonge   Chapitre 17

    Le temps filait à toute allure. En quelques jours, la polémique médiatique a atteint son paroxysme.Cela ne me causait pourtant aucun souci.En réalité, il suffisait d'investir dans une campagne de clarification pour régler ce genre de situation.Sur Internet, où le vrai se mêle au faux, qui s'intéresserait durablement à ce futile scandale ?Les calculs de Gwenaël pour me faire plier par la pression médiatique ont échoué donc lamentablement. Mais ses manœuvres ont eu un effet inattendu : elles ont exaspéré Myriam.Alitée, cette dernière parcourait frénétiquement les actualités sur son téléphone, une haine viscérale lui tordant les entrailles. Soudain, elle a projeté violemment l'appareil sur son lit en grinçant des dents : « Sonia ! Tu as tué mon enfant et maintenant tu veux me voler le seul homme qui me reste ? Je vais te tuer ! »L'infirmière venue changer ses perfusions a haussé les sourcils, sceptique.Elle avait failli croire au rôle de victime que cette femme s'était composé. Ell

  • Au bout du Mensonge   Chapitre 16

    « Tu dis ça sous le coup de la colère, n'est-ce pas ? Une personne aussi douce que toi ne pourrait prononcer de telles paroles. » Son regard s'est fait suppliant. C'était la première fois qu'il m'adressait une telle expression, la même que Dylan avait eue ce jour-là dans le jardin de ma villa, lorsqu'il m'avait demandé, le cœur serré, si j'avais un fiancé.Pourtant, ce même visage qui m'avait tant charmé chez Dylan ne provoquait en moi qu'un profond dégoût lorsqu'il s'agissait de Gwenaël. Apparemment, Dylan avait depuis longtemps pris dans mon cœur la place autrefois occupée par Gwenaël. Ce dernier était définitivement hors jeu !D'un geste sec, j'ai repoussé sa main : « À partir du moment où tu as menacé ma vie pour me faire signer ces documents, il n'y a plus jamais eu rien entre nous. »Gwenaël a ouvert la bouche, sachant pertinemment que toute justification serait vaine. Jamais il n'aurait imaginé que celle qui l'avait tant aimé puisse un jour le rejeter.Jusqu'ici, il était convai

  • Au bout du Mensonge   Chapitre 15

    Mon regard stupéfait s'est porté instantanément sur lui. Je voyais bien que le médecin, tout comme moi, trouvait cette demande absolument ridicule.Il lui a arraché sa blouse des mains et a rétorqué sèchement : « Épargnez-nous ces absurdités. »Sur ce, il a tourné les talons pour retourner au bloc opératoire.Gwenaël s'est mis alors à frapper frénétiquement à la porte de la salle d'opération : « Sauvez mon enfant ! »« Hé ! Vous m'entendez ?! »Face à ce comportement, je n'ai pas pu m'empêcher de demander, perplexe : « Tu es pourtant diplômé d'une grande école. Comment peux-tu ignorer des notions aussi élémentaires ? La loi est claire : la vie de la mère prime toujours sur celle de l'enfant. »Gwenaël s'est figé, puis m'a déclaré avec une fausse tendresse : « Je sais que tu n'aimes pas Myriam. Voici ma proposition : nous garderons seulement cet enfant que tu élèveras toi-même. Ainsi tu te sentiras en sécurité. »« Si tu veux un enfant biologique, il nous suffira de nous marier pour en

  • Au bout du Mensonge   Chapitre 14

    Myriam gisait au sol, les mains crispées sur son ventre, hurlant de terreur. Je voyais distinctement du sang s'écouler lentement entre ses jambes.Paniquée, j'ai sorti immédiatement mon téléphone pour appeler les secours. Les personnes alentour se sont écartées aussitôt pour dégager l'espace nécessaire.Une vie était en jeu. Même avec toute la haine que nous nous portions, je ne pouvais pas la laisser mourir, surtout sous le regard de tant de témoins.Alors qu'on emmenait Myriam en ambulance, j'ai insisté pour que Dylan aille recevoir sa médaille sur le podium. Il avait bien mérité cet honneur.L'homme voulait absolument rester avec moi, et ce n'était qu'après mes refus catégoriques qu'il a fini par céder, renonçant à monter dans l'ambulance. Vraiment, je me sentais coupable que cette journée de gloire pour lui soit gâchée par un tel drame.Dylan a deviné mes pensées et m'a réconfortée : « Ce n'est pas ta faute. Elle l'a bien cherché. Attends-moi, je te rejoins dès que j'aurai fini ici

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status