Emily
Le silence est presque oppressant dans la pièce faiblement éclairée. La lumière tamisée du lustre au plafond projette une lueur dorée sur les murs sombres, accentuant la tension qui flotte dans l’air. Mes lèvres sont encore brûlantes du baiser que Victorio m’a donné. Mes jambes tremblent légèrement sous la robe trop courte, le tissu frôlant ma peau sensible.
Je suis assise dans un fauteuil en cuir, le dos droit, les mains croisées sur mes genoux pour masquer le tremblement de mes doigts. Victorio se tient face à moi, adossé négligemment contre le mur, une cigarette entre ses doigts. La fumée s’élève lentement, serpentant autour de son visage sculpté par les ombres. Il me dévore du regard, ce même regard glacial qui semble traverser mon âme.
— Alors, Emily… murmure-t-il, sa voix basse et rauque s'insinuant sous ma peau comme une caresse empoisonnée.
Je lève les yeux vers lui, rassemblant mon courage.
— Alors quoi ?
Un sourire fugace étire ses lèvres. Il prend une longue bouffée de sa cigarette avant de la poser dans un cendrier en cristal.
— Tu viens à moi avec cette robe trop serrée et cette assurance mal dissimulée. Tu veux jouer ? Alors joue.
Il s'approche lentement, chaque pas résonnant sur le parquet. Mon souffle s'accélère alors qu'il s'arrête juste devant moi. Il se penche, posant ses mains de chaque côté du fauteuil, m'emprisonnant entre ses bras. Son parfum — un mélange de cuir, de musc et de quelque chose de plus sombre — s'insinue dans mes narines, m’enivrant.
— Dis-moi, Emily… commence-t-il, son souffle chaud effleurant ma peau. — Sais-tu vraiment ce que tu fais ?
Je soutiens son regard, le défiant du mieux que je peux.
— Oui.
Son sourire s’élargit.
— C’est ce que j’aime chez toi. Cette arrogance… cette illusion de contrôle.
Sa main glisse lentement le long de ma joue, jusqu'à mon cou, où il presse légèrement ses doigts sur mon pouls qui bat trop vite. Mon cœur martèle dans ma poitrine, et pourtant je ne détourne pas les yeux.
— Mais je vais te dire une chose, Emily, souffle-t-il. — Tu n’as aucun contrôle ici.
Il se redresse lentement, son regard ne quittant pas le mien. Il retire sa veste, révélant une chemise blanche qui épouse parfaitement son torse musclé. Le tissu est tendu sur ses épaules larges, la première boutonnière légèrement ouverte, offrant un aperçu de sa peau hâlée.
— Laisse-moi deviner… continue-t-il. — Tu es venue ici pour me séduire. Pour m’amadouer.
— Peut-être, réponds-je en haussant les épaules.
Il rit doucement. Un rire grave, dangereux.
— Alors, pourquoi toi ? Pourquoi une femme comme toi, une étrangère dans ce monde, prendrait-elle ce risque ?
Je sens son regard percer mes défenses. Il sait que quelque chose cloche. Il est trop intelligent pour ne pas le remarquer. J’ai sous-estimé le danger qu’il représente.
— Peut-être que j’aime le risque, réponds-je, la voix plus ferme que je ne le ressens réellement.
— Non. Ce n’est pas ça, réplique-t-il en secouant la tête. — Tu caches quelque chose.
Je me lève, brisant la proximité entre nous, et me dirige vers le bar situé à l’autre bout de la pièce. Mes talons résonnent sur le sol en bois. Je sers un verre de whisky, mes mains légèrement tremblantes, et le porte à mes lèvres. Le liquide brûlant descend le long de ma gorge, apaisant le nœud de tension dans mon estomac.
Victorio me suit du regard, un sourire en coin.
— Tu veux vraiment jouer ? demande-t-il.
Je me retourne vers lui, le regard dur.
— Peut-être que je ne suis pas le pion que tu crois.
— Oh, je n’en doute pas, répond-il, une étincelle d’amusement dans le regard. — Mais dans ce jeu, Emily, il n’y a qu’un seul maître.
Il traverse la pièce en trois longues enjambées. Avant que je ne puisse reculer, il est devant moi, ses mains venant se poser sur mes hanches. Je frémis sous son contact. Sa main glisse le long de ma hanche, puis remonte lentement le long de ma colonne vertébrale, me faisant frissonner.
— Ce n’est pas toi qui contrôles cette partie, murmure-t-il contre ma tempe.
— Tu crois ? dis-je, défiant le frisson qui me parcourt le corps.
— Je le sais.
Ses lèvres frôlent ma joue, puis descendent lentement le long de ma mâchoire. Mon souffle s’accélère alors que sa bouche atteint le creux de mon cou. Je ferme les yeux, incapable de résister à la chaleur qui envahit mon corps.
— Tu joues avec le feu, Emily, souffle-t-il contre ma peau.
— Peut-être que j’aime me brûler, réponds-je dans un murmure.
Un grondement sourd naît dans sa gorge. Il me retourne brusquement et me plaque contre le mur. Sa main emprisonne mes poignets au-dessus de ma tête. Son corps est collé au mien, son souffle chaud caressant ma peau.
— Tu es trop belle pour ce monde, murmure-t-il.
— Peut-être que je suis faite pour lui, réponds-je.
Ses lèvres capturent les miennes dans un baiser féroce, possessif. Sa langue s’insinue entre mes lèvres, exigeante, dominante. Mon corps répond instinctivement, la chaleur se répandant entre mes cuisses.
Sa main glisse le long de ma cuisse, relevant lentement ma robe.
— Tu ne devrais pas être ici, Emily, grogne-t-il.
— Peut-être que je suis exactement là où je dois être.
Il s’arrête brusquement, son front collé au mien. Ses yeux de glace sont devenus sombres, chargés d’un désir brut.
— Tu ne sais pas dans quoi tu t’engages.
— Alors montre-moi, murmuré-je.
Son sourire est carnassier. Il relâche mes poignets et recule d’un pas, me laissant haletante contre le mur.
— Pas ce soir, Emily.
Il ajuste le col de sa chemise, son regard glissant lentement le long de mon corps.
— Mais bientôt.
Il s’éloigne vers la porte, son ombre disparaissant dans le couloir sombre. Je reste là, le cœur battant à tout rompre, le souffle court, mes lèvres encore gonflées par la brutalité de son baiser.
Je m’appuie contre le mur, une main sur mon cœur.
Victorio Valenti est dangereux.
Mais le plus dangereux dans tout ça… c’est que j’ai déjà envie de plus.
EmilyLe jour s'était levé, gris et sourd, comme une gifle contre les vitres.Je n'avais pas bougé de ses bras.Pas tout de suite.Le temps semblait suspendu, retenu dans la chaleur éteinte de son étreinte.Il avait desserré ses doigts autour de moi sans vraiment me lâcher, comme s’il craignait qu’à la moindre faille, je m’évapore dans l’air froid du matin.Ses gestes étaient empreints d'une retenue douloureuse, comme s’il luttait intérieurement contre une perte imminente.Puis, lentement, il s'était levé.Un roi déchu, émergeant de sa propre nuit.Il n'y avait dans ses mouvements ni précipitation, ni hésitation. Seulement une gravité calme, implacable, qui laissait présager que rien ne serait jamais plus comme avant.Il avait enfilé sa veste froissée, dont l'odeur mêlait cuir, fumée et nuit blanche. Il avait réajusté sa montre à son poignet, ce geste précis qu’il accomplissait toujours quand il reprenait le contrôle d’une situation.Enfin, il avait redressé ses épaules.Comme un homm
EmilyLe froid m’a réveillée avant l’aube.Pas celui de la pièce, non.Celui, plus insidieux, qui s'infiltre sous la peau quand les rêves se brisent contre la réalité, quand l'illusion se délite en silence et que la mémoire, impitoyable, reprend ses droits.Un froid ancien.Un froid de l’âme.J’ai entrouvert les yeux, encore engourdie, et je l’ai cherché dans la pénombre.Un fragment de panique m’a traversée, instinctif, animal, avant même que je puisse penser.Il était là.Assis dans le fauteuil, raide, tendu, presque spectral.Vêtu de son costume froissé par les heures écoulées, les coudes posés sur les accoudoirs, les mains pendantes, inertes.Il fixait un point que je ne pouvais pas atteindre, quelque part entre moi et ses propres démons.Un royaume d'ombres où je n'avais jamais été invitée. Où lui-même se perdait.Je n'ai pas bougé.Je n'ai pas osé.Il y avait dans cette immobilité quelque chose de si fragile qu'un seul battement de cils aurait pu tout briser.Quelque chose d'irr
LorenzoIls l’ont vue.Ils ont compris.Ou du moins, ils croient avoir compris.Ils ont vu sa posture, son calme. Cette façon qu’elle a de se tenir à mes côtés, sans chercher à s’effacer. Ils ont cru y lire de l’arrogance, de l’inconscience peut-être. Mais ce qu’ils ne voient pas, c’est la tempête qu’elle dissimule sous sa peau. Ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’elle s’est construite à la force du vide. Qu’elle est née dans l’absence, nourrie par le silence, façonnée dans la douleur. Et que moi, je n’ai fait que raviver les braises.Emily.Ma brûlure.Elle est l’incarnation de tout ce que j’ai bâti.Et elle est en train de devenir ce que j’attendais sans même le savoir.Pas une ombre.Pas une servante.Une alliée. Une lame dans ma main.Et une faille dans ma cuirasse.Il y a quelque chose de profondément déstabilisant dans la manière qu’elle a de tout absorber sans se laisser avaler. Elle écoute, elle analyse, elle comprend. Mais elle ne se dissout pas. Elle reste. Entière. Présente.
EmilyLe temps est désormais une notion relative. Il n’a plus la même couleur, la même densité. Tout est devenu un jeu d’équilibre entre l’ombre et la lumière, entre les instants suspendus et ceux qui dévalent sur moi avec la violence d’un orage. Le monde de Lorenzo est un monde de contradictions, de failles invisibles, de pièces de théâtre où les acteurs portent des masques de fer.Et moi, je fais partie de ce théâtre. Je suis l’actrice et la spectatrice, mais je n’ai plus de rôle défini. Ce que je suis, ce que je deviens, tout est entre ses mains. Et dans un coin de ma tête, il y a ce murmure, cette voix, qui me demande sans cesse : "Est-ce que tu regrettes ?"Lorenzo m’a prise sous son aile, m’a intégrée dans sa sphère. J’ai abandonné tout ce que je connaissais, tout ce que j’étais, tout ce que j’avais construit. Et maintenant, tout est flou. J’avance, aveugle, dans ce monde de ténèbres, attirée par la promesse d’un pouvoir illimité, par cette force qu’il incarne, par cette intensi
EmilyLe temps semble suspendu, comme un dernier souffle, une ultime inspiration avant l’inévitable. Je suis là, devant lui, avec cet anneau à mon doigt, et je sens tout le poids de ma décision s’écraser sur mes épaules. Chaque mouvement, chaque pensée me renvoie à la même question : ai-je fait le bon choix ? Mais, en moi, tout est clair, d’une clarté glacée. Ce monde, je l’ai choisi. Lui, je l’ai choisi.Lorenzo, avec sa manière implacable de commander et de manipuler, me regarde. Ses yeux sombres brillent d’une intensité difficile à décrire, une profondeur où s’entrelacent désir et domination. Il me prend dans ses bras, doucement cette fois, presque tendrement. Mais ce n’est jamais vraiment doux. Jamais vraiment tendre. Ce n’est que le masque d’un homme qui s’abandonne à la possession.Il m’embrasse. Et tout se joue dans ce baiser, tout se scelle. Ce n’est pas un baiser comme un autre. Ce n’est pas une simple déclaration. C’est un pacte. Un vœu. Une promesse de servitude, de loyauté
EmilyLe silence dans la pièce est lourd, presque tangible, comme une pression qui pèse sur ma poitrine.Lorenzo est à mes côtés, calme, implacable, un homme qui semble toujours avoir tout sous contrôle. Mais aujourd'hui, il y a une différence. Il y a une sorte d'aura différente autour de lui, quelque chose de plus sombre, plus intense. Et cela a un goût amer dans ma bouche, comme si quelque chose se préparait.Je le regarde, et il ne me quitte pas des yeux. Ses lèvres se tendent légèrement en un sourire. Pas un sourire chaleureux. Un sourire qui annonce un changement. Un bouleversement.Je suis là, à ses côtés, prête à tout. Prête à tout pour le suivre, pour comprendre ce qui nous lie, pour accepter ce que je suis devenue dans cet univers où il fait les règles.Il me prend la main d'un geste assuré, puis me conduit au centre de la pièce. Des hommes sont là, des membres de son organisation. Des visages fermés, des regards calculateurs. Chaque personne ici a une place bien définie, une
EmilyIl n'y a pas de retour en arrière.Je l’ai su dès que j’ai prononcé ce mot. « D’accord ». Il a emporté toute ma vie avec lui.Ce simple mot a fait basculer l’équilibre précaire que j'avais tenté de maintenir pendant des mois.Je me revois encore dans ce petit appartement, les photos de famille que j’ai soigneusement rangées dans un tiroir. Je me revois encore en train de lutter contre le poids de la vérité, contre mes propres convictions. Mais maintenant, tout cela semble si lointain, si secondaire.Lorenzo ne m’a pas laissée le temps de réfléchir davantage. Il m’a prise dans ses bras, et tout est devenu flou.Il y a quelque chose d’envoûtant dans la façon dont il me touche, comme s’il savait exactement où me saisir pour me faire oublier tout le reste. Je me sens à la fois vivante et morte, prête à tout et à rien, et tout ce que je croyais savoir de ma propre existence se dissout peu à peu dans la chaleur de son corps contre le mien.Il m’a demandé de tout laisser derrière moi.
LorenzoJe ne l’ai pas quittée du regard depuis qu’elle s’est réveillée. Pas une fois.Je suis là, dans ce lit, observant Emily, cherchant à capter chaque infime mouvement.Ses respirations régulières. Le frémissement de ses lèvres. Les paupières mi-closes, comme si elle tentait encore de se défendre contre la vérité qui s’infiltre peu à peu dans son esprit.Je connais ce regard.Je l’ai vu dans les yeux de tellement de gens.Ce mélange de peur et de désir, comme si le gouffre dans lequel on plonge se rapprochait de plus en plus.Mais elle, elle ne recule pas.Elle ne se cache pas derrière un masque.Elle me regarde.Vraiment.Et ça, c’est le pire.Je n'ai jamais demandé à ce que l’on me voit ainsi.Je n'ai jamais voulu qu’on m’atteigne, qu'on m’interroge, qu’on essaie de comprendre ce que je suis devenu.Et pourtant, la voilà.Emily Reyes.Agent du FBI.Une professionnelle de la douleur et de l’analyse, mais là, dans mon monde, elle est perdue.Elle ne sait pas à quel point elle est
EmilyIl dort. Enfin. Je le regarde, allongé sur le flanc, les traits détendus pour une fois, comme si la violence s’était éloignée, juste un instant. Comme si l’homme qu’il aurait pu être reprenait possession de son corps. Mais ce n’est qu’un leurre. Une illusion fragile. Je suis éveillée. Et je pense. Trop. L’air est lourd. L’obscurité complice. Et dans le silence, les questions remontent, une à une, comme des aiguilles sous la peau. Qu’est-ce que je suis en train de faire ? Je suis Emily Reyes. Agent fédérale. Spécialisée en criminologie comportementale. Formée pour traquer, manipuler, démasquer. Pas pour… aimer. Encore moins un homme comme lui. Et pourtant, je suis là. Nue dans son lit. Désarmée. Troublée par le moindre de ses gestes. Enchaînée à quelque chose que je ne peux ni nommer, ni fuir. Est-ce que je regretterai ? C’est la question qui tourne sans fin. Celle qui m’empêche de respirer. Est-ce que je regretterai d’avoir tout quit