Chapitre 1 : La robe avant la tempête
Je tourne lentement sur moi-même, les pans de la robe caressant le sol comme une vague de soie. Le tissu blanc épouse mes courbes avec une élégance presque irréelle. Je n’en reviens pas. C’est bien moi, là, dans ce miroir. Amaya. Vingt ans. Future épouse.
Je souris. Pas parce que je suis follement amoureuse, non. Pas encore. Léonardo, je le connais à peine. Un fils de bonne famille, poli, toujours bien mis, avec ce genre de regard discret qui ne dépasse jamais la ligne de l’indécence. On s’est vus quelques fois, surtout lorsqu’il venait rendre visite à mon grand-père. Des échanges de regards timides, des politesses de convenance… et maintenant, nous allons nous marier.
Ce mariage a été décidé entre les familles. Un accord. Une alliance. J’aurais dû m’en offusquer, peut-être. Me rebeller. Mais non. Au fond, je me sens paisible. Curieuse. Léonardo est gentil. Sécurisant. Et ce monde, celui des épouses respectables et des dîners mondains, m’attend avec ses promesses dorées.
Je touche le voile posé sur ma tête. Ma gorge se serre un peu. C’est réel. Dans une semaine, je deviendrai une femme mariée. La mienne. Sa femme. Je ne sais pas encore ce que ça signifie vraiment, mais j’ai envie de le découvrir. Lentement. Doucement. Comme on apprivoise un rêve qui devient vrai.
— Tu es splendide, souffle la vendeuse derrière moi. On dirait une princesse.
Je ris doucement. Moi, une princesse ? Peut-être. Mais quelque chose en moi, une étincelle que je ne comprends pas, me dit que tout ça… c’est trop calme. Trop parfait.
Je regarde une dernière fois mon reflet. Une fille sage. Une robe immaculée. Un avenir tout tracé.
Dès que la vendeuse quitte la pièce, un silence presque sacré s’installe. Je soupire, encore fascinée par la silhouette que je renvoie au miroir. Un jour, je montrerai cette photo à mes enfants… pensais-je, rêveuse. Mais ce moment de douceur est brusquement brisé par un bruit sourd, derrière moi. Quelque chose, ou quelqu’un, vient d’entrer.
Je me fige. Mon cœur cogne.
— Il y a quelqu’un ? je murmure, la voix tremblante.
Je me tourne lentement… et mon sang se glace.
Un homme.
Il chancelle. Grand, massif, vêtu d’une veste sombre déchirée à l’épaule. Mais c’est surtout le sang… Ce sang qui coule le long de son flanc, maculant sa chemise et sa main crispée sur son abdomen. Il est blessé. Grièvement. Son regard est sauvage, haletant, affolé.
Je recule d’un pas, un cri prêt à jaillir.
— Aidez-moi… s’il vous plaît, murmure-t-il, la voix rauque, les yeux brûlants de fièvre.
— Non… Non ! Ma robe ! je dis, paniquée. Ne m’approchez pas, vous allez tout salir !
Je me retourne, cherchant une sortie, un téléphone, n’importe quoi mais il lève soudain les yeux et jette un coup d'œil vers la vitrine.
Et là, moi aussi, je les vois.
Trois hommes. Armés. Déterminés. Ils s’approchent de la boutique à pas lents, comme des fauves flairant leur proie.
Avant que je ne comprenne, l’inconnu se jette sur moi.
— Qu’est-ce que vous faites ?!
Ses bras se referment autour de moi, son torse trempé de sang colle contre le satin immaculé de ma robe. Je hurle presque… mais sa bouche vient se plaquer contre la mienne.
Un baiser. Brutal. Urgent. Nécessiteux.
Je me débats, choquée. Mon premier baiser. Volé. Par un inconnu. Un homme blessé qui pisse le sang dans la boutique où je devais vivre un moment magique.
Je veux le repousser.
Mais ses mains sont tremblantes, son souffle est court. Et surtout… il me serre comme si j’étais sa dernière chance.
Alors je comprends.
Les hommes. Dehors. Il se cache.
Et ce baiser… ce baiser est un masque. Une diversion.
À travers la vitre, je vois l’un des hommes pointer du doigt vers nous. Un autre hoche la tête. Ils hésitent, nous observent.
Je ferme les yeux, les joues brûlantes, et je joue le jeu.
Je laisse mes mains se poser sur son dos. Je fais mine de fondre, comme une amoureuse dans les bras de son fiancé. Mon cœur bat à tout rompre. J’ai envie de pleurer, de crier… mais je reste là. Je protège un homme que je ne connais pas.
Les hommes à l’extérieur finissent par détourner le regard. L’un d’eux dit quelque chose, puis ils entrent dans la boutique… et passent à l’arrière.
Je retiens mon souffle.
— Fouillez de fond en comble. Il n’a pas pu aller bien loin.
Le cœur au bord des lèvres, j’attends.
Longues secondes.
Puis ils ressortent. Ils s’éloignent. Leur voix s’efface.
L’homme se détache lentement de moi. Son regard croise le mien. Et à cet instant, je ressens… quelque chose. Quelque chose que je refuse de nommer.
Mais il est encore trop près.
Alors je lève la main.
Et je le gifle.
Fort.
— Espèce de malade ! je crie, tremblante. C’était mon premier baiser !
Il vacille sous le choc. Ses jambes lâchent. Il tombe.
Je recule, le cœur affolé.
— Hé… ?!
Il ne bouge plus.
Je m’approche, hésitante. Mon regard s’attarde sur son visage. Mon Dieu… Il est beau. Magnifiquement dangereux.
Ses traits sont parfaits. Sa mâchoire taillée au couteau. Ses lèvres encore teintées de sang… et du goût amer de mon premier baiser.
Je me mords la lèvre.
— Pourquoi j’ai fait ça ?... je murmure en voyant la trace rouge sur sa joue.
Chapitre 5 : Sous son emprise. LE POINT DE VUE DE d'AmayaKael s’est approché de moi avec une lenteur calculée. Ses yeux noirs ne me quittaient pas, et je sentais dans son regard une chose dure, sauvage, presque animale. Puis, sans prévenir, il m’a attrapée par le bras. Fermement. Comme s’il pensait que j’allais m’enfuir d’un instant à l’autre.J’ai immédiatement essayé de retirer mon bras, mais sa poigne était comme du fer.— Lâche-moi ! ai-je craché, furieuse. Putain, lâche-moi !Il n’a pas bronché. Pire, il a approché son visage du mien, jusqu’à ce que nos souffles se mélangent. Mon cœur battait trop vite, ma poitrine se soulevait de colère… ou d’un autre truc que je refusais d’admettre.Je l’ai fixé avec tout le mépris que j’avais en stock.— Relâche-la ! a grondé mon grand-père en se levant d’un bond, sa canne à la main.Mais Kael… il n’en avait strictement rien à foutre.— Tu as peur de moi, Amaya ? a-t-il soufflé contre mes lèvres.Je suis restée muette un instant. Pas parce q
Chapitre 4 : La visite LE POINT DE VUE D'AmayaJe suis toujours à table avec mon grand-père, un doux moment suspendu entre les vapeurs parfumées du riz et nos rires partagés. On parle encore du mariage, de la robe, des invités... Je sens dans ses yeux une fierté qui me serre le cœur. C’est rare de le voir aussi joyeux, et ça me touche plus que je ne saurais l’expliquer.Mais soudain… un vrombissement brutal vient casser la magie.Je fronce les sourcils. Le bruit est sourd, agressif, mécanique. On entend des pneus crisser à l’extérieur, puis des portières claquer, une à une, comme une série de battements de guerre. Je me lève d’un bond, le cœur battant plus vite que je ne veux l’admettre. Mon grand-père se fige, puis tourne lentement la tête vers moi. À travers les rideaux entrouverts, j’apercevais l’éclat des phares et les silhouettes menaçantes de grosses voitures noires. Des SUV blindés, vitres teintées. Le genre de voitures qu’on voit dans les films… quand les ennuis arrivent— T
Chapitre 3 : L’ombre dans mes penséesJe m’efforce de sourire.Assise en face de mon grand-père, je coupe distraitement une bouchée de poisson, mais je ne la porte pas à ma bouche. Il parle, enthousiaste, les yeux brillants d’émotion. Il évoque les guirlandes, les fleurs blanches, les musiciens qu’il a réservés depuis des mois. Tout est prêt, dit-il. La salle, le traiteur, même la chorale de l’église.Je hoche la tête. J’acquiesce. Je souris encore.Mais à l’intérieur, tout est… flou.— Tu es certaine que tu veux garder la décoration ivoire et or, ma fille ? Parce que Léonardo, lui, avait suggéré du rouge bordeaux, je crois.Je hausse les épaules doucement, sans trop réfléchir.— Ivoire et or, c’est très bien, Papy. C’est… sobre. Élégant.Il me regarde avec tendresse. Il ne dit rien tout de suite, mais je sais ce qu’il pense. Il sent que je suis ailleurs.Et il a raison.Je suis là, physiquement. Assise à cette table que je connais par cœur. Entourée de murs rassurants, des odeurs fam
Chapitre 2 : Le sang sur la soieLE POINT DE VUE D'AMAYA Je m’agenouille brusquement à côté de lui.— Hé… ! Reste avec moi, je t’en prie ! murmuré-je, prise de panique.Son visage est pâle. Trop pâle. Il transpire, son torse se soulève à peine. Ses paupières mi-closes tremblent et son front est brûlant. Mon cœur se serre. Il est en train de… de glisser. De partir.Je regarde autour de moi. Il n’y a rien ici, pas même une trousse de secours. Et moi ? Moi je suis là, en robe de mariée, impuissante face à cet inconnu en train de mourir.Sans réfléchir, j’arrache le foulard en tulle qui entoure mes épaules, l’un des détails délicats de ma robe, et je le presse contre la plaie, juste en dessous de sa côte droite. Le tissu s’imprègne de sang presque aussitôt.— Respire. Reste là… Reste là, d’accord ? Tu ne me laisses pas comme ça, tu m’entends ?!Il gémit. Faiblement. Et j’essaie de comprimer plus fort, les mains tremblantes, la gorge nouée. Le sang. Il y en a trop. Mes doigts sont rouges,
Chapitre 1 : La robe avant la tempêteJe tourne lentement sur moi-même, les pans de la robe caressant le sol comme une vague de soie. Le tissu blanc épouse mes courbes avec une élégance presque irréelle. Je n’en reviens pas. C’est bien moi, là, dans ce miroir. Amaya. Vingt ans. Future épouse.Je souris. Pas parce que je suis follement amoureuse, non. Pas encore. Léonardo, je le connais à peine. Un fils de bonne famille, poli, toujours bien mis, avec ce genre de regard discret qui ne dépasse jamais la ligne de l’indécence. On s’est vus quelques fois, surtout lorsqu’il venait rendre visite à mon grand-père. Des échanges de regards timides, des politesses de convenance… et maintenant, nous allons nous marier.Ce mariage a été décidé entre les familles. Un accord. Une alliance. J’aurais dû m’en offusquer, peut-être. Me rebeller. Mais non. Au fond, je me sens paisible. Curieuse. Léonardo est gentil. Sécurisant. Et ce monde, celui des épouses respectables et des dîners mondains, m’attend av