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Chapitre 6 — rencontre avec le Diable

Aвтор: L'invincible
last update Последнее обновление: 2025-07-19 23:19:00

Maëva

Les murs de l’hôpital suintent le désinfectant et l’oubli.

Le drap rêche me gratte la peau. Ma perfusion est vide depuis des heures, mais personne ne vient.

Je suis un corps en transit. Une ombre à libérer dès que la paperasse sera faite.

Un reste.

J’ai eu des points de suture. Une injection contre l’infection. Et une phrase vide du médecin :

Vous avez eu de la chance.

Non. J’ai eu la malchance de survivre.

Le silence dans la chambre est écrasant. Seul le bip intermittent d’un moniteur dans la pièce d’à côté me rappelle que le monde continue.

Pas le mien.

J’ai froid. Un froid qui ne vient pas du climatiseur ni du carrelage, mais du vide.

Un froid qui mord sous la peau, dans la moelle.

Un froid qui ne veut plus partir.

Mon sac est là, au pied du lit. Vide.

Plus de téléphone. Plus de portefeuille. Plus de rien.

Mais l’infirmière m’a tendu un vieux téléphone à clapet, en me disant :

— Il y avait une carte SIM. Peut-être qu’il reste un contact à appeler ?

Un nom m’est venu. Comme un réflexe.

Clara.

Ma meilleure amie. Ma presque-sœur.

Celle à qui je disais tout. Avant que tout s’effondre.

J’allume le téléphone. La batterie clignote. Il tiendra peut-être deux appels, pas plus.

Je compose son numéro d’une main tremblante.

J’ai besoin d’entendre une voix. Juste une. Une qui me dit : Je t’ai cherchée.

Elle décroche au deuxième son.

Une voix vive, pleine de vie, de confiance.

Tout ce que je n’ai plus.

— Allô ?

— … Clara, c’est moi.

Un silence. Puis un éclat de rire sec. Un rire qui griffe.

— Maëva ? C’est une blague ? C’est le téléphone du ciel ou t’es encore en train de faire ton petit numéro dramatique ?

Je serre le téléphone plus fort. Mes doigts tremblent. Je ravale ma fierté.

— Je suis… à l’hôpital. Je…

Elle ne me laisse pas finir.

— Et tu veux quoi ? Que je pleure ? Que je débarque avec des fleurs et une soupe ?

Tu crois que tu es la première à tomber ?

Une voix d’homme résonne derrière elle. Elle rit à moitié.

— Clara, s’il te plaît… Je suis seule. Je n’ai plus rien , mon mari m'a tout pris . 

— Plus rien ? Ah, donc c’est vrai.

Il est parti avec ton fric, c’est ça ? Ton cher petit mari modèle ?

Je ferme les yeux. Une larme s’échappe malgré moi.

— Il a vidé mes comptes. Mon compte pro. Mon compte perso. Tout. Il a pris l’argent et il a disparu.

Je me suis retrouvée dehors, sans rien. J’ai dormi dans une cage d’escalier pendant deux nuits.

Elle souffle dans le combiné, agacée.

— Tu veux quoi, Maëva ? Une médaille ? Un câlin ? Ça fait des mois que t’as coupé tout le monde. Que tu jouais les grandes dames avec ton avocat de pacotille.

Et maintenant que t’es au fond du trou, tu veux revenir dans ma vie comme une pauvre chose ?

Je reste muette. Chaque mot me plante une lame.

— Tu n'as plus rien ? Alors tu n'es plus rien.

Tu étais utile quand tu payais les verres, quand tu avais l’appart, les bons plans, les restos. Mais maintenant ?

Tu es qu’un dossier social. Une erreur de parcours.

Et je suis pas assistante sociale.

— Clara, je…

— Non. Tu m’écoutes une dernière fois. Ce que tu as fait… ce que tu es devenue… c’est ton problème.

Tu t’es brûlée, c’est pas à moi d’éteindre l’incendie.

Elle rit à nouveau. Plus froidement.

— Allez, sois forte. Supprime mon numéro. Définitivement.

Bonne chance avec ta vie de merde.

Bip.

Elle a raccroché.

Je reste là. Le téléphone encore contre mon oreille. Vide.

C’est comme si le silence m’explosait dans la poitrine.

Il n’y a plus rien à sauver.

Pas même ça.

Je laisse tomber l’appareil sur le sol, lentement.

Comme si mes os refusaient de continuer à faire semblant.

Je me replie sur moi-même, les bras autour du ventre, comme si je pouvais encore me protéger de ce monde qui me crache dessus.

Le silence revient.

Mais ce n’est plus le même.

C’est un silence après la dernière illusion.

Un silence de deuil.

Pas de la mort… mais de tout ce que j’ai cru vrai.

Je ferme les yeux. Je me dis que je pourrais rester là, me laisser ronger par l’air stérile, jusqu’à ce qu’ils m’oublient, comme tous les autres.

Mais la porte s’ouvre.

Et avec elle, entre quelque chose de plus froid que l’abandon.

Plus tranchant que la honte.

Plus réel.

Un homme.

Imposant. Massif. Tout en muscle et en calme. Si beau que ça en est irréel.

Un manteau noir impeccable, encore perlé de pluie. Une odeur de nuit et de cuir.

Une présence qui efface tout. Même la douleur.

Il ferme la porte sans un mot.

S’avance. Tire une chaise.

S’assoit.

Et me regarde comme on examine une arme cassée qu’on hésite à réparer… ou à utiliser pour une dernière balle.

— Tu es Maëva .

Il ne pose pas de question. Il sait.

Je hoche lentement la tête, le cœur qui tambourine sans rythme.

— Je m’appelle Jack Valmont.

Un frisson me parcourt.

Ce nom, je l’ai entendu.

Dans les journaux, comme une rumeur insaisissable.

Mais surtout… par des rumeurs .

Ils l’appellent le vampire.

Parce qu’il vide ses ennemis de leur argent. Et parfois, dit-on, de leur sang.

Il ne sourit pas. Il me fixe , il est effrayant . 

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