Alessia
J’aurais dû répondre à ce message.
Ou peut-être que j’aurais simplement dû l’ignorer.
Mais je n’ai rien fait.
Le message de Lorenzo est resté sur l’écran de mon téléphone, une menace silencieuse déguisée en invitation. "Ce soir. 21 h. Villa Valente." Il ne s’embarrasse pas de détails inutiles. Il se contente d’ordonner, comme si ma présence à ce rendez-vous était une évidence.
Je suis restée assise pendant une heure entière, le téléphone à la main, le cœur battant à un rythme irrégulier. Chaque fibre de mon corps hurlait de rester loin de lui. J'ai vu le piège se refermer, j'ai senti l'ombre de son emprise planer au-dessus de moi.
Et pourtant…
Ce n'est pas l'envie qui m'a retenue.
C'est la peur de ce qu'il pourrait me faire s'il s'apercevait que je lui avais désobéi.
Mais je suis restée chez moi.
Je me suis enfermée dans mon appartement, les rideaux tirés, le souffle court. J’ai tenté d’oublier la sensation de ses doigts autour de mon poignet, la chaleur brûlante de son regard sur ma peau.
J'ai cru que c'était fini.
J'avais tort.
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Il est presque 23 h lorsque j’entends frapper à la porte. Trois coups fermes, précis, autoritaires.
Mon cœur rate un battement.
Je reste figée sur le canapé, les yeux rivés vers la porte d’entrée. Personne ne frappe chez moi à cette heure. Personne à part…
Non.
Je me lève lentement, pieds nus sur le parquet froid. Les coups résonnent à nouveau, plus insistants cette fois.
Je pose la main sur la poignée, hésitante.
— "Qui est-ce ?"
Pas de réponse.
Je ferme les yeux. Mon cœur cogne contre ma poitrine.
Je devrais ignorer. Faire comme si je n'étais pas là.
Mais la poignée tourne soudainement.
La porte s’ouvre dans un grincement sinistre.
Il est là.
Lorenzo Valente.
Sa silhouette imposante remplit l’encadrement de la porte, baignée par la lumière tamisée du couloir. Il porte un manteau noir sur une chemise ouverte, révélant la courbe de ses clavicules. Ses yeux d’acier se posent sur moi, sombres, glacials.
— "Tu ne m’attendais pas ?"
Mon souffle se bloque dans ma gorge.
— "Comment es-tu entré ?"
Il referme la porte derrière lui, lentement, avec une précision presque théâtrale.
— "Ce n’est pas très difficile de s’introduire quelque part quand on est prêt à payer le prix."
Il avance d'un pas. Puis un autre.
Je recule instinctivement, jusqu'à ce que le mur froid se colle contre mon dos.
— "Je… je n’ai pas répondu à ton message."
Son sourire est lent, calculé.
— "Je sais."
— "Alors pourquoi es-tu là ?"
Il lève la main, effleurant ma joue du bout des doigts. Sa chaleur contraste brutalement avec la fraîcheur de la pièce.
— "Parce que tu crois pouvoir m’ignorer ?"
Je frissonne malgré moi.
— "Je n’appartiens pas à ce monde, Lorenzo."
Son sourire s’élargit légèrement.
— "Oh, mais tu as tort, Alessia. Tu y appartiens déjà."
Il s’approche davantage, jusqu’à ce que nos corps soient presque collés. Son souffle chaud caresse ma gorge.
— "Tu n’avais qu’une chose à faire : venir à moi."
Je redresse le menton, le défiant du regard malgré la panique sourde qui monte en moi.
— "Et si je ne veux pas ?"
Il rit doucement.
— "Ce n’est pas une question de vouloir. Tu ressens cette tension, n’est-ce pas ?"
Ses doigts glissent le long de mon cou, jusqu’à mon épaule dénudée.
Je ferme les yeux.
Je suis piégée.
— "Ce n’est pas vrai."
Il effleure mes lèvres du bout des doigts.
— "Si tu voulais vraiment me repousser, tu l’aurais déjà fait."
Je rouvre les yeux, croisant son regard perçant.
— "Tu es arrogant."
— "Je suis patient."
Ses lèvres effleurent ma joue, frôlent ma tempe, descendent lentement vers ma gorge. Mon cœur bat si fort qu’il menace d’exploser dans ma poitrine.
— "Si tu ne voulais vraiment pas de moi, tu m’aurais déjà demandé de partir."
Sa main descend le long de mon bras, frôle ma taille.
Il s’arrête juste avant d’atteindre ma hanche.
— "Je ne vais pas te forcer, Alessia."
Mon souffle est court.
— "Alors pars."
Il reste immobile une seconde.
Puis il recule d’un pas.
Un sourire froid étire ses lèvres.
— "Très bien."
Il tourne les talons, se dirige vers la porte.
Sa main se pose sur la poignée.
— "Mais souviens-toi de ceci…" Il se retourne vers moi. Son regard est d’un noir abyssal. "Si tu me fais venir jusqu'à toi une nouvelle fois, je n'aurai plus l’intention d'être patient."
Il ouvre la porte.
Un courant d'air froid s'engouffre dans la pièce.
— "Bonne nuit, Alessia."
La porte se referme derrière lui.
Je reste là, le souffle court, le cœur battant trop vite.
Je passe une main sur mes lèvres tremblantes.
Je devrais me sentir soulagée.
Mais je sais que ce n'est que le début.
Je n’aurais pas dû dormir.
Je n’aurais même pas dû fermer les yeux.
Mais après le départ de Lorenzo, mon corps s’est abandonné à une lourdeur écrasante, un mélange d’adrénaline retombée et de tension résiduelle. J’ai lutté pour rester éveillée, consciente du fait qu’il pouvait revenir à tout moment, qu’il pouvait forcer la porte s’il en avait envie.
Mais il ne l’a pas fait.
Pas encore.
Je me réveille en sursaut.
Le souffle court, le cœur battant à une vitesse irrégulière. Le silence dans l’appartement est oppressant. L’obscurité m’enveloppe, lourde et glaciale.
ValeriaJe suis arrivée à la clinique bien avant l’aube.Le ciel était encore noir, et la ville silencieuse, comme suspendue dans un souffle.Pas parce que j’avais mal, ni par faiblesse. Non.Je suis venue parce que je devais.Parce qu’il fallait que je l’oblige à venir. Que je le tire hors de ce silence, de cette indifférence.Tout était prévu. Calculé.J’ai envoyé ce message, simple et froid :« J’ai des douleurs. Je suis seule. »Pas un mot de plus. Pas un détail.Juste ce qu’il fallait pour provoquer la fissure.Je voulais qu’il s’inquiète. Qu’il panique. Qu’il abandonne tout pour moi.Qu’il choisisse.Je me suis installée dans cette chambre blanche, où chaque surface réfléchit la lumière crue des néons.L’air est froid, aseptisé, sans vie.Je me suis allongée, les mains croisées sur le ventre plat, et j’ai attendu.J’ai pensé à lui.Je l’ai imaginé déchirer la nuit pour venir, ses pas rapides dans les couloirs, sa voix pressée qui me chercherait.J’ai même redressé un peu les dra
AlessiaJe ne sais pas ce qui m’a poussée à sortir.Peut-être que j’avais juste besoin d’air. De silence. De quelque chose de plus simple que cette chambre, que sa voix, que ses promesses à moitié faites.Mais très vite, je comprends que ce n’est pas de l’air que je respire dehors.C’est une atmosphère trop dense, trop lourde.Comme si le ciel voulait m’écraser.Comme si quelque chose ou quelqu’un allait craquer.Je marche droit devant, les bras croisés contre ma poitrine, comme si ça pouvait me protéger de tout.Mais ça ne protège pas de soi. Pas de ce qu’on sent venir. Pas de cette foutue douleur qui s’annonce.Elle commence doucement. Un pincement. Un signal.Je m’arrête. Respire un coup. Je regarde autour de moi. Rien d’inquiétant. Juste la ville qui vit sans moi.Mais mon ventre serre. Se contracte. Et cette fois, c’est pas juste une alerte.C’est plus profond. Plus vrai.J’accélère le pas.Je me dis que je vais trouver un taxi. Ou un café. M’asseoir. Boire de l’eau.Faire passer
LorenzoLe silence qui suit nos aveux n’est pas doux.Il est lourd. Dense. Suspendu comme une goutte de sang au bord d’une lame.Une paix illusoire, trop belle pour durer, trop silencieuse pour ne pas cacher un cri.Alessia dort . Je sens son souffle lent contre ma peau. Sa main, toujours posée sur ma poitrine, ne bouge pas. Mais moi, je ne dors pas. Je ne suis plus là.Je fixe le plafond. Et derrière le plafond, les souvenirs. Les chaînes invisibles. La dette que je traîne comme une ombre.Une vibration. Faible, insistante. Le téléphone vibre lentement sur la table basse.Je tourne la tête.Valérie.Le nom suffit à me figer.Je ne décroche pas. Mon cœur cogne dans mes côtes comme un prisonnier qui sent l’heure de l’exécution.Le message apparaît une seconde plus tard, brutal dans sa simplicité : « J’ai des douleurs. Ce n’est pas normal. Je suis seule. Tu dois venir. »Je ferme les yeux. Le poids me tombe sur les épaules. Pas seulement celui de l’enfant qu’elle porte. Le poids de mes
LorenzoJe ne peux plus différer.Pas après cette nuit.Pas après ce regard.Elle a franchi toutes les lignes, donné ce qu’on ne réclame jamais, même sous la torture : la vulnérabilité. Et moi, je suis encore là, à retenir le poison derrière mes dents.Je me déteste pour ça.Mais je ne veux pas la salir.Je veux lui laisser une chance de s’enfuir, maintenant, pendant qu’il reste encore une sortie.Je prends une inspiration. Une lente, douloureuse. Mes poumons s’emplissent comme sous l’eau. Elle me regarde sans détourner les yeux. Pas un clignement. Pas une esquive. Comme on regarde une mer en furie. Avec le vertige, l'attirance, et une certitude sourde qu'on va se laisser happer.— Alessia... tu crois connaître une part de moi. Et peut-être que c’est vrai. Mais ce que tu ne sais pas… pourrait te faire fuir.Ses doigts se referment lentement sur le drap, mais son regard ne flanche pas.— Alors dis-le. Que je sache ce contre quoi je dois me battre. Que je sache pour qui je brûle.Ce qu’
AlessiaLa nuit est une couverture épaisse, qui enveloppe tout nos corps, nos souffles, nos secrets.Le silence est lourd, presque palpable, comme un espace entre deux mondes, entre ce que nous sommes et ce que nous allons devenir.Je sens encore la trace de ses doigts sur ma peau, chaque caresse gravée au creux de mes nerfs, chaque frisson un écho sourd.Je ne veux pas briser ce moment, cette bulle fragile où rien ne peut m’atteindre.Pourtant, une ombre glisse sur la surface lisse de cette nuit.Une ombre faite de non-dits, de peurs enfouies, de blessures qu’on ne guérit jamais complètement.Je le regarde, son visage allongé dans la pénombre, les traits tirés, fatigués mais encore empreints de cette force sauvage qui m’a toujours attirée.Ses yeux sont fermés, mais je sais qu’il est là, présent, à lutter contre ses démons intérieurs.Je passe la main dans ses cheveux, caresse la nuque qui se tend sous mon toucher.— Lorenzo ?Il ouvre lentement les yeux, ces prunelles sombres qui pe
AlessiaIl n’a pas reculé.Et moi non plus.Nous sommes là, dans ce moment suspendu, cet instant presque irréel, où les interdits tombent un à un, comme des chaînes qu’on brise dans le noir.Plus rien n’existe.Ni les lois.Ni les peurs.Ni les échos du passé.Juste nous.Deux corps.Deux vérités.Deux silences qui se frôlent enfin sans fuir.Lorenzo m’a regardée longtemps.Comme s’il voulait mémoriser chaque détail, chaque frémissement.Comme s’il n’était pas sûr d’avoir le droit de me toucher, même maintenant.Mais je le vois…Ce n’est plus la peur qui l’habite.C’est la faim.La vraie.Celle qu’on ne dit pas.Celle qui a grandi dans l’ombre, nourrie d’absence, de retenue, de nuits silencieuses à brûler dans le noir sans jamais céder.Sa main remonte lentement sur ma joue.Son pouce effleure ma bouche.Ma lèvre tremble sous le contact.Il ne me demande rien.Il ne parle pas.Il sait.Et moi, j’ai envie de le dévorer.Je tire doucement sur sa chemise, une pression à peine perceptible