Rejeté par l'un, marqué par l'autre

Chapitre Un

Point de vue de Thalina

Depuis la nuit de la cérémonie d'accouplement, je vis dans le regret.

Mon cœur n'a jamais trouvé le repos.

Mon âme n'a pas guéri.

Et peu importe le nombre de fois où je lève les yeux au ciel pour implorer le pardon de la Déesse de la Lune… je ne ressens que de la honte.

Il y a un homme que je n'oublierai jamais.

Il apparaissait toujours lorsque je tombais. Quand tout le monde m'abandonnait.

La première fois, c'était lorsque ma propre meute a essayé de me noyer, croyant que je portais une marque maudite.

La deuxième fois, c'était lorsque des bandits m'ont encerclée dans la forêt, et que j'ai hurlé jusqu'à en perdre le sang.

Et la troisième fois…

La troisième fois, c'était la nuit où je suis devenue la compagne de l'Alpha Kael.

La nuit où la Déesse de la Lune elle-même m'a liée à l'alpha le plus redouté du pays.

Et ce fut cette nuit-là… cet homme est venu à moi. De nouveau.

Je ne savais pas qui il était.

Je ne connaissais pas son nom.

Tout ce que je savais, c'est qu'il me touchait avec la même douceur que le monde ne m'avait jamais montrée.

Il embrassa mes cicatrices.

Il me serra dans ses bras comme si j'avais de l'importance.

Et avant même de pouvoir réfléchir clairement, j'ai cédé.

Je l'ai laissé m'avoir.

Non pas par faiblesse… mais parce que, pour une fois, je voulais me sentir désirée.

Je ne sais pas comment il a franchi les limites de la meute.

Je ne sais pas comment il m'a trouvée sur le plus haut balcon de la salle de cérémonie.

Mais il y a une chose dont je me souviens… juste avant que tout cela n'arrive.

Cassia m'avait tendu une tasse de thé.

Chaud. Doux. Familier.

Elle sourit en me la donnant. Elle disait que cela me calmerait.

Je la bus.

Et quelques instants plus tard… les lumières semblaient trop vives. Mes jambes étaient lourdes. La voix de mon loup s'est transformée en un murmure que je ne pouvais pas atteindre.

Je croyais toujours que c'était une erreur.

Cassia était ma seule amie.

Elle ne me ferait pas de mal… n'est-ce pas ?

Mais cette nuit-là se perdit dans les ténèbres.

Et quelque part dans l'obscurité, il arriva. L'étranger.

Avec ses yeux dorés et un toucher qui fit fondre le froid dans mes os.

Il m'avait marquée avant même que Kael ne me touche.

Et quand il est parti… je n'étais plus la même.

Je porte un enfant maintenant.

Et chaque fois que le bébé donne un coup de pied, je me souviens de la vérité :

Kael l'Alpha n'est pas le père.

Et la culpabilité me ronge.

Je ne pouvais pas vivre avec le doute.

Alors je suis allée voir la seule femme de cette meute qui m'ait jamais fait preuve de clémence.

Une sage-femme. Vieille. Douce. Silencieuse.

Elle m'a aidée une fois quand je me suis évanouie.

J'ai attendu que le couloir soit sombre et que les autres dorment.

J'ai frappé à sa porte, tremblante, les larmes aux yeux.

Elle n'a pas posé beaucoup de questions.

Elle m'a regardé dans les yeux et a tout vu.

Je l'ai suppliée.

Je l'ai suppliée de découvrir si l'enfant était de Kael.

Je lui ai dit que je ne pourrais pas survivre à ce mensonge si je ne savais pas.

Et elle l'a fait. Discrètement. Prudemment. Utilisant une vieille méthode transmise par les Prêtresses de la Lune.

Trois jours plus tard, elle murmura les mots que je connaissais déjà au plus profond de mon cœur :

« L'Alpha n'est pas le père », dit-il. « L'enfant en toi ne porte pas l'odeur de Karl. Il n'a jamais été le tien. Celui qui t'a marquée… a été le premier. »

Je suis morte à nouveau.

Je vais au sommet de la montagne pour pleurer tous les jours.

Je m'assois là où le vent est assez fort pour couvrir mes sanglots.

Car comment expliquer cela ?

Comment regarder l'Alpha Kael dans les yeux et dire : « L'enfant en moi… n'est pas le tien » ?

Il m'a marquée.

Il m'a accueillie alors que personne ne voulait de moi.

Il a fait de moi sa Luna.

Et je le lui cache.

Mais je ne peux pas continuer comme ça.

Je ne peux pas vivre dans ce mensonge.

J'ai commis une erreur. Une erreur douloureuse.

Et aujourd'hui, je vais lui dire la vérité.

Il peut me bannir.

Me rejeter.

Me tuer.

Mais je ne suis pas prête à continuer de le tromper.

Je suis retournée à la meute, les jambes tremblantes et le cœur battant.

Les gardes ont hoché la tête à mon passage, mais je ne pouvais pas leur rendre leur salut.

J'avais l'impression que tout mon corps était enveloppé de glace et de feu à la fois.

La maison était silencieuse.

Trop silencieuse.

Peut-être est-il dans son bureau, me suis-je dit.

Peut-être que je pourrais lui parler là-bas.

J'ai monté les escaliers lentement, me tenant le ventre qui se serrait à nouveau.

L'enfant a bougé. Doucement.

Même le bébé a senti ma peur.

J'ai atteint la porte de notre chambre.

Ma chambre. Sa chambre. La chambre que nous partagions depuis la cérémonie.

Puis je l'ai entendu.

Un bruit.

Un gémissement.

Doux au début. Puis plus fort.

Je me suis figée.

Je suis restée immobile, respirant à peine.

Le bruit est revenu. Cette fois, mêlé à une voix que je connaissais trop bien.

Le rire d'une femme.

Non.

Non, s'il vous plaît, non.

J'ai poussé la porte.

Et la douleur m'a frappée comme mille couteaux.

Là, emmêlé dans les draps que je pliais chaque matin, dans le lit où je pleurais jusqu'à m'endormir…

Il y avait Alpha Kael.

Son dos se cambra.

Sa bouche ouverte, embrassant, mordant.

Et sous lui…

Cassia.

La seule louve qui avait essayé d'être mon amie dans cette meute.

La seule qui m'avait apporté du thé.

Qui m'avait aidée à m'habiller.

Qui m'avait dit que je n'étais pas seule.

Ses bras étaient enroulés autour du cou de mon compagnon.

Ses jambes étaient entrelacées avec les siennes.

Leurs corps bougeaient comme s'ils l'avaient déjà fait.

Tant de fois auparavant.

Je n'ai pas crié.

Je ne pouvais pas.

Le son était coincé dans ma gorge.

Je suis restée là, immobile.

Le regard fixé.

Saignement intérieur.

Alpha Kael leva les yeux.

Ses yeux croisèrent les miens.