Home / Mafia / SA MAJESTÉ LA HAINE / Chapitre 5 : L'Étau

Share

Chapitre 5 : L'Étau

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-10-28 03:09:14

Alessandra

Ses mots sont des serpents glacés qui s’enroulent autour de mon cou, de mon âme. Ils me paralysent. La vérité qu’ils contiennent est un poison qui anéantit ma rage en une seconde. Il a raison. Monographie. C’est une course contre la montre que je suis en train de perdre.

La porte est là, à un mètre. La liberté. Mais c’est une illusion. La vraie prison, c’est ma réalité.

Je tire sur la poignée, la serre si fort que le métal me fait mal. Je sors sans un regard en arrière, je traverse le hall d’un pas chancelant, l’ascenseur, le rez-de-chaussée.

Dehors, le froid me gifle. Je m’arrête au milieu de la foule pressée, le corps secoué de frissons incontrôlables. Je regarde la tour derrière moi, ce monstre de verre qui abrite le diable.

Et au fond de moi, une petite voix terrible, une voix que je déteste, chuchote qu’il a raison.

Je vais devoir revenir.

Et je vais devoir supplier...non jamais... jamais .

Alessandra

Deux semaines.

Quatorze jours qui ont dévoré mes réserves, mon espoir, ma chair. Je me regarde dans le miroir fêlé de la salle de bain et je vois une étrangère. Mes joues sont creuses, mes yeux sont deux taches sombres au fond d’orbites trop grandes. Ma robe noire, déjà trop large, flotte maintenant sur mon corps comme un linceul. J’ai perdu du poids. Le désespoir est un régime efficace.

Chaque matin, c’est le même rituel. Me lever avec une nausée d’angoisse. Envoyer des CV. Des dizaines. Partout. Des postes pour lesquels je suis surqualifiée, sous-qualifiée, peu importe. J’irais faire des ménages. Je distribuerais des flyers dans le froid.

Chaque après-midi, c’est le même silence. Ou pire, les refus. Des mails polis et vides. Des « nous avons retenu un autre profil ». Des « votre candidature n’a pas été retenue ». C’est une litanie d’échecs qui résonne dans le silence étouffant de mon studio.

Et puis, il y a les appels. L’hôpital. La voix de la responsable administrative est devenue plus froide, plus pressante.

—Mademoiselle Valenti, l’acompte n’a toujours pas été réglé. Les procédures de suspension des soins les plus coûteux vont être engagées.

—Je vous en supplie, encore quelques jours…

—C’était la promesse de la semaine dernière. Nous ne pouvons plus attendre.

Je raccroche, le cœur battant la chamade, la sueur glacée perlant sur mon front. Je suis allée voir Leo hier. Il était si pâle, si faible. Son sourire était un effort. Il a murmuré : « Tout va bien, Allie ? Tu as l’air fatiguée. » J’ai failli m’effondrer là, au pied de son lit.

Je sors, je marche dans les rues. Le monde est devenu un lieu hostile. Les vitrines regorgent de nourriture que je ne peux plus m’offrir. Les gens pressés me bousculent, indifférents à ma lente agonie. Je regarde les buildings, ces forteresses imprenables, et je me demande combien abritent des hommes comme Luck, qui jouent avec des vies comme d’autres jouent aux échecs.

Une pensée me hante, obsédante. Son sourire glacé. Ses mots.

« Vous reviendrez. »

Je serre les poings, les ongles enfoncés dans mes paumes. Non. Pas ça. Il existe une autre solution. Il doit en exister une.

Mais l’étau se resserre. Chaque jour qui passe est un cran de plus. Je le sens, physiquement. Comme une corde autour de mon cou qui se tend, lentement, inexorablement.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • SA MAJESTÉ LA HAINE    CHAPITRE 38 : L'INCENDIE DANS LA GLACE 2

    AlessandraIl redescend alors. Sa bouche quitte mes seins, emprunte le chemin plat de mon ventre, et avant que je ne réalise son intention, elle est là, à la place de ses doigts.Le choc est absolu.C’est une sensation que je n’ai jamais connue, que je n’aurais jamais pu imaginer. La chaleur humide de sa bouche, la pression habile de sa langue, le souffle court sur ma peau… c’est une attaque frontale contre tous mes remparts. Un gémissement long, tremblant, s’échappe de moi. Mes mains s’agitent, s’accrochent aux coussins du canapé, cherchent une ancre dans un monde qui bascule.Je ne veux pas de ça. Je ne veux pas que ce soit lui. Mais mon corps, lui, en veut. Il en réclame. Mes hanches ont leur propre volonté, elles se soulèvent à la recherche de cette bouche, de cette langue. Le plaisir s’accumule, vite, trop vite, un tourbillon de sensations qui balaie la haine, la peur, la pensée elle-même. Il n’y a plus que cette chaleur ascendante, cette tension exquise au creux de mon ventre.J

  • SA MAJESTÉ LA HAINE    CHAPITRE 37 : L'INCENDIE DANS LA GLACE 1

    Alessandra J’ai « coopéré ». Comme un automate. Mon esprit était à la clinique, sur le visage de Matteo. Mon corps était ici, une chose manœuvrée.Le jour se lève, froid et clair. Luck est absent. Une note laconique sur le bar de la cuisine : « Des réunions. Tu ne sors pas. » L’ordre est là, mais son absence est un répit. Je suis seule avec l’écho de ce que j’ai fait, de ce que j’ai permis. La honte est un vêtement humide collé à ma peau.Mais il y a autre chose. Une frustration sourde, insidieuse. Une sensation de vide là où il y avait eu… quelque chose. Le souvenir du moment dans la bibliothèque, où j’avais négocié, où j’avais senti un semblant de pouvoir, aussi tordu soit-il, me hante. Hier soir, je me suis annulée. J’ai disparu. Et d’une certaine manière, c’était pire.Les heures passent, lentes, étouffantes. L’appartement est une cage dorée, silencieuse. Je ne peux pas lire. Je ne peux pas penser. Une énergie nerveuse, presque violente, parcourt mes veines. C’est la braise, att

  • SA MAJESTÉ LA HAINE    CHAPITRE 36 : L'OMBRE SUR L'OREILLER 2

    AlessandraLe mensonge de Luck. Bien sûr. Je lève la tête, essuyant mes joues d’un revers de main rapide. Je dois sourire. Je dois le rassurer.— Tout va bien, je te promets. Le travail est… prenant. Mais je vais bien. Et toi ? Les médecins, que disent-ils ?Il esquisse un sourire, un pâle reflet de celui d’avant.— Ils disent que je suis têtu. Que je m’accroche. Les analyses sont un peu meilleures. C’est long.Un silence s’installe, chargé de tout ce que nous ne pouvons pas dire. Il examine mon visage, mes yeux cernés, la tension que je ne parviens pas à dissimuler entièrement.— Tu es sûre que tu vas bien, Lessie ? Tu as l’air… fatiguée.— Je suis juste inquiète pour toi, ment-je, la gorge serrée. Tu es tout ce qui me reste.Je passe l’heure à lui parler de tout sauf de la réalité. De souvenirs d’enfance, d’espoirs futurs impossibles. Je lui lisse les cheveux, je lui ajuste ses couvertures. Je bois chaque détail de son visage, je m’imprègne du son de sa voix. Cette heure est un oxyg

  • SA MAJESTÉ LA HAINE    CHAPITRE 35 : L'OMBRE SUR L'OREILLER 1

    AlessandraDeux jours.Quarante-huit heures taillées dans du verre pilé.Chaque minute a été un exercice d’obéissance silencieuse. Je l’ai suivi à la bibliothèque, un fantôme en robe de soie. J’ai été présentée à des associés comme « son assistante », une étiquette vide qui a fait sourire certains d’un air entendu. J’ai mangé lorsqu’il me l’ordonnait, dormi lorsqu’il quittait la chambre, respiré sur son rythme. Mon corps fonctionne. Mon esprit est une chambre close où tourne en boucle une seule pensée, obsessionnelle : mon frère.Matteo. Son nom est un battement de cœur douloureux dans ma poitrine. Comment va-t-il ? Que lui a-t-on dit de mon absence ? La peur qu’il ait subi des représailles à cause de ma première tentative de fuite est un serpent froid lové autour de mes entrailles. C’est cette peur, plus encore que la menace directe, qui m’a rendue docile.Mais aujourd’hui, la docilité a atteint ses limites. Le besoin de le voir, de m’assurer qu’il est toujours en vie, qu’il est soign

  • SA MAJESTÉ LA HAINE    CHAPITRE 34 : LES CENDRES DE L’AUBE

    AlessandraLe jour se lève, gris et froid, derrière les vitres immenses. Une lumière blafarde glisse sur le sol de marbre, évitant soigneusement l’endroit où je suis assise, le dos contre le mur froid. Je n’ai pas bougé de là. Je regarde mes mains. J’ai les paumes à vif, rougies par les frottements compulsifs contre le drap, contre le sol, contre ma propre peau. Une peau qui ne me semble plus m’appartenir.L’odeur est toujours là. Même après des heures. Le santal, la crème, et cette autre, plus âcre, plus intime. Elle s’est incrustée dans mes narines, dans ma gorge, dans l’air que je respire. Chaque inspiration est une réminiscence. Chaque expiration un souhait de mort.Le bruit de l’eau a cessé depuis longtemps dans la salle de bain. Il est ressorti, vêtu, impeccable. Il m’a jeté un regard, un seul. Pas de triomphe, pas de pitié. Une simple vérification. Comme on constate l’état d’un outil après usage. Puis il est parti. Les pas sont morts dans le couloir, la porte du bureau s’est re

  • SA MAJESTÉ LA HAINE    CHAPITRE 33 : L'OBÉISSANCE FORCÉE

    AlessandraMa main tremble. Une vibration incontrôlable qui part de mon poignet et se propage jusqu’au bout de mes doigts. La crème, d’un blanc laiteux, contraste violemment avec la peau sombre et tendue de son sexe. Je respire un grand coup, l’air sifflant entre mes dents serrées.Je le touche.Le contact est un choc électrique. Une chaleur vive, une texture de soie et d’acier. C’est plus dur, plus vivant que je ne l’aurais imaginé. Un frisson de terreur et de quelque chose d’autre, de honteux me parcourt l’échine. Je ferme les yeux, incapable de supporter la vue de ma propre main sur lui, accomplissant cet acte intime et dégradant.Je me mets à frotter. Vite. Maladroitement. Des mouvements saccadés, mécaniques, uniquement motivés par la haine et la peur. Je veux que ce soit fini. Je veux que cette torture prenne fin. La crème étalée forme une fine pellicule brillante, accentuant les veines saillantes, la puissance brute de son érection. Chaque mouvement de ma paume est une brûlure,

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status